À Jan van Horne, le 18 juin 1668, note 2.
Note [2]

Pages 61‑62 de la Microtekne de Jan van Horne (1668) :

Non debeo prætermittere instrumenta, quæ comprimendo venæ arteriæque læsæ orificia, ad earundem consolidationem non parum juvant ; idque vel eo nomine, quod legerim in historia Batava Illustris Satrapæ Hooffdii l. 19 de consilio Leonardi Botalli (cujus ego ante septennium opera in lucem edidi) vulneratam jugularem venam in collo Celsissimi Arausionum Principis Gulielmi primi, imposito supra eam digito obturatam, sanguinisque ex eadem fluxum inhibitum fuisse. hoc artificium jam olim fuerat descriptum à M. Gatinaria, qui vixit circa annum 1440 lib. de Ægritud. c. de Apoplex. Vicem digitorum præstare possunt ferramenta comprimentia.

[Je ne dois pas omettre les instruments qui, en comprimant les orifices d’une veine et d’une artère, sont d’une aide non négligeable pour leur consolidation. {a} C’est ainsi, comme j’ai lu au livre 19 de l’Histoire des Pays-Bas de l’illustre sénéchal Hooft, {b} que, sur l’avis de Botal (dont j’ai moi-même édité les œuvres il y a sept ans), {c} quand le très éminent Guillaume ier, prince d’Orange, fut blessé au cou, {d} sa plaie de la veine jugulaire a été obturée en posant un doigt dessus et que l’écoulement du sang qui en sortait a cessé. Dans son livre de Ægritudinis, au chapitre de Apoplexia, M. Gatinaria, qui a vécu dans les années 1440, avait déjà décrit cette technique. Au lieu des doigts, on peut se servir de pinces compressives]. {e}


  1. Consolidation : « réunion des lèvres d’une plaie, quand elle commence à se cicatriser » (Furetière).

  2. Pieter Corneliszoon Hooft (1581-1647), Nederlandsche Historien, parue en 1642, continuée en 1654 par Jan Blaeu.

  3. Leyde, 1660 (v. note [8], lettre latine 148).

  4. Guillaume ier d’Orange-Nassau, dit le Taciturne (1533-1584) mena avec succès la révolte des Pays-Bas espagnols (incluant alors les futures Provinces-Unies) contre la Couronne d’Espagne, sous le règne de Philippe ii. Le 18 mars 1582, à Anvers, le Basque Juan de Jauregui avait tenté de l’assassiner en lui tirant une balle dans le cou ; le prince survécut, mais fut assassiné chez lui à Delft le 10 juillet 1584, d’un autre coup de pistolet tiré en pleine poitrine par le Bourguignon catholique Balthazar Gérard. Ses derniers mots furent prononcés en français : « Mon Dieu, ayez pitié de mon âme ! Mon Dieu, ayez pitié de ce pauvre peuple ! »

    V. note [8], lettre 70, pour l’imputation de cet assassinat aux jésuites.

  5. Marco Gatinaria (Gatenaria ou Gattinara), médecin de Pavie mort en 1496, est principalement connu pour sa :

    De Curis ægritudinum particularium noni Almansoris Practica uberrima…

    [Très riche Pratique du neuvième livre à Almansour, {i} sur les Traitements des maladies particulières…] {ii}

    Van Horne y renvoyait à ce passage sur la saignée dans le chapitre intitulé De Cura Apoplexiæ [Traitement de l’apoplexie] (pages 12 ro‑vo) :

    Et licet Rasis in præsenti cura laudet fle. venarum quidem non tamen est fienda neque est in communi usu apud practicos quia est multum periculosa maxime in apoplectis sive paratis suffocationi : quia quando fit fle. oportet multum restringere collum etiam quia fit per eas maxima sang. emissio. Nec de facili consolidari possunt cum non possint ligari et ligatura debite stringi. Vidi enim in quodam scholari robustissimo qui ludens cum socio ense fuit vulneratus in vena quidem et emisit plusquam 20. ℔ sang. in tantum quod nunquam potuit consolidando nisi ut unus continue teneret digitum comprimendo ne sang. egrederetur tanto tempore quo fatigaretur : deinde alius adveniebat quousque fuit facta consolidatio post magnos labores.

    [Et bien que Rhazès loue la saignée des veines jugulaires, {iii} il ne faut pas l’entreprendre et les praticiens n’y recourent pas communément car elle est fort périlleuse, notamment chez les apoplectiques ou ceux qui sont atteints de suffocation. Quand on la pratique, il faut fortement serrer le cou car elle provoque un abondant écoulement de sang. On ne peut l’interrompre car il est malaisé de lier ces veines et de serrer convenablement la ligature. De fait, j’ai vu cela chez un très robuste étudiant qui fut blessé d’un coup d’épée à la veine jugulaire {iii} en jouant avec un camarade, et qui perdit plus de 20 livres de sang ; {iv} le débit en était tel que nul ne parvint à l’étancher autrement qu’en appuyant un doigt pour comprimer le vaisseau et empêcher le sang de sourdre, comme le fit un homme qui se trouvait là, si longtemps qu’il s’y épuisa ; en vint alors un autre, qui obtint à grand-peine l’arrêt du saignement].

    1. Almansour (al-Mansur) est le souverain persain auquel Rhazès (v. note [24], lettre 101) a dédié son livre de médecine.

    2. Paris, Jean Ruelle, 1540, in‑4o de 430 pages, pour l’une de nombreuses éditions.

    3. Les éditions ultérieures ont remplacé fle. venarum quidem par phlebotomia venarum carotidarum, « la saignée des veines carotides », c’est-à-dire des veines jugulaires externes.

      La veine jugulaire interne n’était pas accessible à la saignée, et son débit rendait très rapidement mortelle toute plaie qui l’atteignait.

    4. Soit huit à dix litres : exagération manifeste car la masse sanguine humaine n’en dépasse guère six.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Jan van Horne, le 18 juin 1668, note 2.

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(Consulté le 29/03/2024)

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