Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : x, note 2.
Note [2]

Πανακεια, Panakéia (de pan, tout, et akos, remède) avait deux sens en grec : comme nom propre, c’était une déesse, fille d’Esculape et d’Épione, qui présidait à la guérison de toutes les maladies ; comme nom commun, c’était un remède universel, sens conservé en français moderne avec le mot panacée qui désigne l’immortelle chimère des exaltés et des charlatans. Thomas Corneille en a donné cette sage définition humorale :

« Les médecins appellent panacées, des remèdes relevés {a} que l’on emploie pour guérir toutes sortes de maladies, c’est-à-dire, au sens d’Hippocrate, que la nature les guérit toutes, ou la plus grande partie ; car, comme ces remèdes universels n’agissent qu’en fortifiant les forces naturelles ou en corrigeant les causes occasionnelles qui troublent la nature, ils ne peuvent remédier qu’aux maladies par causes internes, et non pas aux luxations, aux plaies, aux fractures et aux autres vices qui demandent une opération de la main. Ces panacées agissent en deux manières, la première, en apaisant l’impétuosité morbifique des esprits et en les fortifiant pour remettre dans l’ordre naturel les fonctions naturelles troublées. Cela n’est pas plus tôt fait que les causes occasionnelles se retirent d’elles-mêmes et le corps reprend sa tranquillité. Ainsi l’opium, pris avec circonspection, calme d’abord tous les symptômes pressants et donne un repos, au moins superficiel, pendant quoi la nature se fortifie et chasse la matière morbifique par la sueur, par les urines ou par quelque autre voie. L’autre manière dont les panacées opèrent, c’est en corrigeant, tempérant et arrêtant ces causes occasionnelles des maladies ; de sorte que tout ce qui est capable en général de tempérer l’acrimonie et d’arrêter par ce moyen les mouvements intestins contre nature des humeurs, leurs effervescences, leur sublimation, leurs coagulations, soulage presque toutes les maladies internes ; et le sel volatil huileux de Sylvius, {b} qu’il ordonne presque partout, est un exemple de ces panacées. Il agit en tempérant l’âcre et en arrêtant les mouvements contre nature que cet âcre cause. Les mercures catholiques {c} qui, par le moyen de leur soufre, tempèrent l’âcre et le jettent dehors par l’insensible transpiration, {d} sont aussi du nombre des panacées, ainsi que les autres soufres métalliques {e} qui opèrent en partie en tempérant, et en partie par leur vertu anodine. {f} Enfin les sels qu’on tire de l’air, de la rosée {g} et de la pluie sont mis dans le même rang, parce que l’on est persuadé qu’ils ont beaucoup de conformité avec les esprits, et de quoi tempérer et résoudre toutes sortes d’humeurs. » {h}


  1. De haute valeur.

  2. Défini par Packoucke comme « du sous-carbonate d’ammoniaque associé à diverses huiles », ce fut l’une des rêveries chimiques de Frans Sylvius de Le Boë (v. note [13], lettre 759).

  3. Universels.

  4. V. note [3], lettre 824.

  5. Dont l’antimoine (L’Encyclopédie) :

    « Panacée antimoniale : Il y a un grand nombre de préparations antimoniales, la plupart fort mal entendues, qui portent ce nom. On doit mettre dans cette classe celle qui est décrite dans la pharmacopée de Paris, et dans le Cours de chimie de [Nicolas] Lémery [1645-1715], de laquelle l’intelligent commentateur a porté un jugement aussi sévère que le nôtre.

    La panacée antimoniale la plus simple, et qui mérite le titre exclusif, au moins par la réputation de son auteur, savoir la panacée antimoniale de Glauber [v. note [19], lettre 532], n’est autre chose qu’une espèce de soufre doré, précipité de la lessive ordinaire d’hepar antimonii [foie ou safran d’antimoine, v. note [52], lettre 211], ou de celle des scories du régule [v. note [9] de l’observation ii] appelé simple ou vulgaire, par la crème de tartre [v. note [2], lettre 548], au lieu de l’esprit-de-vinaigre. Des observations suffisantes n’ont pas encore constaté si ce précipité diffère dans l’usage du précipité analogue obtenu par le vinaigre distillé. »

  6. Antalgique (v. note [12], lettre 803).

  7. V. note [6], lettre 853, pour les extraordinaires vertus qu’on attribuait à la rosée, notamment celle qu’on recueillait au mois de mai.

  8. La théorie humorale a fait long feu, mais les panacées et leurs promoteurs ont survécu et survivront à toutes les évolutions de la médecine.

Le mot panacée n’est apparu qu’une fois dans toutes les lettres de Guy Patin, comme titre d’une thèse de Philipp Scherbe contre le remède mercuriel universel inventé et prôné par Georg Amwald (Leipzig, 1614, v. note [9], lettre latine 16). Il a aussi cité la panacée parmi les remèdes à mépriser dans sa thèse sur la Sobriété (1647) parmi les remèdes à dénigrer (v. sa note [30]). Toutefois, il n’a jamais lié ce nom à celui de l’antimoine de panacée ; ce détail me fait douter qu’il soit seul auteur de la présente observation.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : x, note 2.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8163&cln=2

(Consulté le 20/04/2024)

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