Annexe : Guy Patin éditeur des Opera omnia [Œuvres complètes] d’André Du Laurens en 1628, note 20.
Note [20]

Ces deux fragments latins sont tirés du Iulii Cæsaris Scaligeri exoticarum Exercitationum liber quindecimus, de Subtilitate, ad Hieronymum Cardanum [Quinzième livre des essais publics de Jules-César Scaliger sur la Subtilité, contre Jérôme Cardan], {a} Essai clx, digression finale fin du § 3 De Aloes amaritudine, deque eius vi [L’amertume de l’aloès et son pouvoir] {b} (pages 223 ro‑vo), dont voici la transcription complète : {c}

Nos neque Arabes, neque Græci sumus : quin ne Latini quidem futuri, si forté pater, ac Deus eloquentiæ Cicero minus rectè sapere videatur. Suam cuique laudem, laborum præmium et relinquimus libenter, et concedimus cumulate, et deferimus liberaliter. Non ut quidam ignavi atque ingrati audent facere, ut alienis laboribus titulos imponant suos. Tum gratiam, quam debent, dissimulant superciliosi : aut eius abolent memoriam maleficiis, ne sui nominis autoribus quippiam debuisse videantur. Cæterùm isti novi homines, novi caussarum iudices, conscientiam pro accusatore, pro iudice habituri sunt posteritatem. Nostrorum monumentorum vita, illorum nominis mors futura est. Studio, atque magnanimite parandum, servandumque est regnum literarum, cuius anima Virtus, et Veritas est : non ambitionibus, atque factionibus exercendæ coniurationes : quibus aliorsum aliis distrahentibus Sapientia ipsa, quæ in medio erat, lacerata est.

[Nous ne sommes ni des Arabes ni des Grecs. Si d’aventure Cicéron, le père et le dieu de l’éloquence, y semblait moins inimitable, pourquoi donc ne pas devenir Latins ? {d} Nous laissons plus que volontiers à chacun la gloire qui lui revient, la récompense de son labeur, nous les lui concédons pleinement et les proclamons généreusement, sans imiter certains mauvais poltrons qui osent mettrent leurs titres sur les travaux d’autres qu’eux. Alors, ces arrogants soit ignorent la reconnaissance qu’ils devraient aux auteurs de leur renom, {e} soit ruinent leur mémoire de leurs médisances pour sembler ne rien leur avoir dû. Ces nouveaux hommes, nouveaux censeurs des causes, auront d’ailleurs leur conscience pour accusateur, et la postérité pour juge. {f} La survie de nos ouvrages sera le trépas de leur célébrité. Le royaume des lettres doit être ménagé et conservé avec zèle et magnanimité, son âme est Vertu et Vérité : les ambitions ne doivent pas les harceler de conjurations et de factions ; la sagesse même, qui tient au juste milieu, est déchirée par ceux qui se disputent les uns les autres]. {g}


  1. Paris, 1557, v. note [5], lettre 9.

  2. V. note [8], lettre 169, pour l’aloès.

  3. J’ai mis en exergue les deux passage empruntés par Guy Patin, mais respecté l’orthographe et la ponctuation de la source.

  4. Dans la vive querelle qui l’a opposé à Érasme sur ce sujet, Scaliger s’est montré le défenseur intransigeant du style cicéronien, qu’il cherchait à imiter : v. note [8], lettre 584.

  5. Patin a ici ajouté propriæque fortunæ, « et de leur propre fortune ».

  6. Ici se situe la césure entre les deux fragments cités par Patin.

  7. Il existe un saisissant contraste entre les périodes de Scaliger et celles de Patin, très brèves chez l’un, et d’une affligeante longueur chez l’autre (mais le jeune homme a bien allégé son style par la suite) ; pour les traduire, j’ai dû souder les unes, mais scinder les autres.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Guy Patin éditeur des Opera omnia [Œuvres complètes] d’André Du Laurens en 1628, note 20.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8229&cln=20

(Consulté le 19/04/2024)

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