À Charles Spon, le 16 septembre 1653, note 21.
Note [21]

Histoire de l’Édit de Nantes… Tome troisième, première partie qui comprend ce qui s’est passé depuis l’an 1643 jusqu’en 1665 (Delft, Adrien Beman, 1695, page 162‑163) :

« Une des premières affaires où il servit dans cet emploi {a} fut la guerre de Vals, {b} entre les réformés de cette province et le comte de Rieux. {c} Ce prince, fils du duc d’Elbeuf, avait épousé la nièce de la maréchale d’Ornano, qui lui avait porté en mariage cette petite place. Il voulut cette année {d} y faire cesser, de son autorité, l’exercice des réformés, qui étaient en bien plus grand nombre que les catholiques. Quoiqu’ils fussent bien en état de s’opposer à la violence de leur seigneur, ils voulurent prendre l’avis des fortes Églises du voisinage pour s’appuyer de leur secours en cas de nécessité. L’avis fut de s’adresser au comte du Roure, lieutenant de roi de la province, et de lui demander justice de cette entreprise. Il y avait une jalousie d’autorité entre le comte de Rieux et lui, l’un ne voulant pas céder à cause de sa naissance, et l’autre voulant commander à cause de sa qualité. Il n’aurait donc pas été fâché que le comte de Rieux eût reçu quelque mortification et il répondit aux députés de Vals que, puisqu’on les avait dépossédés par force, ils pouvaient se rétablir de même. Les réformés se crurent autorisés de prendre les armes par cette réponse et s’assemblèrent au nombre de six ou sept mille hommes à Vallons, lieu distant de Vals de quatre lieues. Le comte assembla ce qu’il put de ses amis à Aubenas et ne put faire qu’un corps de quatre à cinq mille hommes. Les réformés avaient des chefs qui savaient commander et il semblait que la guerre allait se terminer par quelque sanglant combat. On grossissait dans les lieux éloignés l’objet de cette brouillerie. Le prince de Condé la faisait valoir aux Espagnols comme une occasion de rallumer les guerres de religion, et de faire une diversion considérable si on voulait assister les réformés. L’ambassadeur d’Espagne exagérait cette rencontre en Suède et faisait craindre que les Anglais ne les assistassent à cause de la religion, et les Espagnols par politique ; et il croyait engager par ce moyen cette Couronne à se détacher des intérêts de la France. D’un autre côté, on regardait à la cour de France cette affaire comme importante ; et pour en prévenir les suites, on y envoya Ruvigny avec des pouvoirs suffisants pour la terminer. Il devait agir de concert avec le comte du Roure, mais il se gouverna si bien que tout l’honneur de la commission lui demeura. Il obligea les deux partis à licencier leurs troupes et avant que de partir du pays, il fit venir une amnistie que le roi accordait à ceux de la Religion, et la fit enregistrer au parlement de Toulouse et à la Chambre de Castres. Le comte du Roure, l’intendant de la province et lui nommèrent deux conseillers au présidial de Nîmes, l’un catholique et l’autre réformé, pour examiner le droit de l’Église de Vals. Après avoir vu les titres et entendu les parties, ils confirmèrent le droit de l’Église, qui a subsisté depuis sans interruption jusqu’à la révocation de l’Édit. Quoique le démenti {e} de cette entreprise fût demeuré au comte de Rieux, les réformés y perdirent plus que lui. On commença à les mépriser quand on vit qu’étant les plus forts, ils n’avaient fait que regarder leurs ennemis et donné à la cour le temps de leur faire tomber les armes des mains. Il ne faut jamais tirer l’épée à demi ; et quand on ne veut pas pousser les choses à l’extrémité par la force, il est plus utile au peuple d’y porter la patience. Le clergé ne manqua pas de relever cette action dans ses harangues et ne disant rien de ce que les réformés avaient obéi avec tant de docilité aux ordres du roi, il ne représenta que ce qu’ils auraient pu faire s’ils avaient eu la volonté de n’obéir pas. »


  1. Henri de Massue, marquis de Ruvigny (1610-1689), député général des Églises protestantes.

  2. Aujourd’hui Vals-les-Gains (Ardèche) dans le Vivarais.

  3. V. note [43], lettre 292.

  4. 1653.

  5. Mauvais succès.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 septembre 1653, note 21.

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(Consulté le 29/03/2024)

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