À Johann Daniel Horst, le 8 mars 1658, note 21.
Note [21]

« Passons sur la majeure ».

Transeat (Trévoux) :

« terme de l’École et du Palais qui est purement latin et signifie “ passe ”, “ posé que cela soit ”, quand on ne veut pas nier ou accorder une proposition. On dit en proverbe, Transeat, Graecum est, non legitur : {a} on prétend que cela vient de quelques anciens commentateurs ou glossateurs du droit civil qui, n’entendant pas le grec, passaient tout ce qu’ils trouvaient de mots grecs, sans les expliquer. »


  1. « Passons, c’est du grec et je ne sais pas le lire ».

Transeat major était une locution de la logique scolastique chère aux théologiens de la Sorbonne (J.‑Ferréol Perrard, Logique classique, d’après les principes de la philosophie de M. Laromiguière…, Paris, Brunot-Labbé, 1827, tome premier, page 339) :

« Si une proposition, une majeure, par exemple, renfermait du vrai et du faux, et qu’on ne voulût pas s’arrêter à la discuter, on disait transeat major ou esto major, puis on s’attachait à l’examen de la mineure ; {a} et quand la réponse était donnée, on rappelait le transeat pour faire voir qu’on aurait pu attaquer la majeure. Ces transeat étaient toujours une petite offense pour l’argumentant, {b} parce qu’ils supposaient que dans ses majeures il partait de principes au moins douteux, et ils étaient en même temps un triomphe de plus pour le répondant. »


  1. V. note [19], lettre 376, pour la mineure et la majeure d’un syllogisme.

  2. Argumentant (disputator) : « celui qui dispute et fait des arguments contre quelqu’un qui soutient quelque thèse publiquement [répondant, respondens] » (Trévoux).

Dans ses anonymes Recherches des Recherches et autres Œuvre de Me Étienne Pasquier, {a} le R.P. François Garasse {b} a cruellement illustré cette locution scolastique (section xiv, pages 955‑956, Très grands hommes loués excessivement par Maître Pasquier, savoir Clément marot, François Rabelais et Théodore de Bèze) :

« Pour les louanges que vous donez à Clément Marot, pource que c’est un badin, je n’en dis mot ; {…] mais quant à celles que vous donnez à Rabelais, elles sont excessives et considérables, car vous ne le citez jamais qu’avec éloge d’honneur et ressentiment {c} de la dévotion que vous portez à son génie. C’est, à votre dire, le gentil, le parfait, le nonpareil, le judicieux, l’incomparable ; et en somme, pour clore avantageusement votre discours, vous le comblez de ce témoignage : De ma part, je reconnaîtrai franchement avoir l’esprit si folâtre que je ne me lassai jamais de le lire, et ne le lus oncques {d} que je n’y trouvasse matière de rire et d’en faire mon profit tout ensemble.

En ces paroles, je reconnais trois propositions qui sont un syllogisme in Balordo : {e} 1. que vous avez l’esprit folâtre, 2. que jamais vous ne vous lassez de lire Rabelais, pour rire, 3. que vous y profitez toujours. Or à ce syllogisme pour répondre dûment et en forme, je dis Transeat maior, concedo minorem, nego consequentiam. {f}


  1. Paris, 1622, v. note [29], lettre 396.

  2. Garasse tenait Parquier pour un parangon du libertinage.

  3. Expression émue.

  4. Jamais.

  5. « dans la bouche d’un balourd ».

  6. « Passons sur la majeure [1], je vous concède la mineure, [2] je nie la déduction [3]. »

Guy Patin était convaincu que, dans toutes les maladies et sans perdre en efficacité, on pouvait toujours substituer un remède conventionnel à un médicament chimique. Transeat major était pour lui une manière académique et polie, sinon aimable, de dire à Johann Daniel Horst que son principal argument méritait à peine d’être considéré, tant il était faible.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 8 mars 1658, note 21.

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(Consulté le 28/03/2024)

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