Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 21.
Note [21]

Bonaventure Des Périers (vers 1510-1543), valet de chambre et secrétaire de Marguerite de Valois, reine de Navarre, {a} a laissé, en dépit de sa courte existence (à laquelle il aurait lui-même mis fin), une assez copieuse œuvre littéraire (en vers et en prose), qui est encore fort estimée de nos jours. On lui attribue le Cymbalum mundi. {b}

Un apologue est une « instruction morale qu’on tire de quelque fable inventée exprès. “ C’est un exemple fabuleux qui s’insinue avec d’autant plus de facilité et d’effet, qu’il est plus commun et plus familier ” (La Fontaine) » (Trévoux). Celui de Des Périers, intitulé L’Avarice. À Hélias Boniface, d’Avignon, figure dans ses Œuvres françaises {c} (tome 1, pages 88‑89) :

« Voyant l’homme avaricieux,
Tant misérable et soucieux,
Veiller, courir et tracasser,
Pour toujours du bien amasser
Et jamais n’avoir le loisir
De s’en donner à son plaisir,
Sinon quand il n’a plus puissance
D’en percevoir la jouissance,
Il me souvient d’une alumelle, {d}
Laquelle, étant luisante et belle,
Se voulut d’un manche garnir,
Afin de couteau devenir, {e}
Et, pour mieux s’emmancher de même,
Tailla son manche de soi-même.
En le taillant, elle y musa, {f}
Et, musant, de sorte s’usa
Que le couteau, bien emmanché,
Étant déjà tout ébréché,
Se vit grandi par plus de neuf {g}
D’être ainsi usé tout fin neuf ;
Dont fut contraint d’en rire aussi
Du bout des dents, et dit ainsi :
“ J’ai bien ce que je souhaitais,
Mais pas ne suis tel que j’étais,
Car je n’ai plus ce doux trancher,
Pour quoi tâchais à m’emmancher. ”
Ainsi vous en prend-il, humains,
Qui nous avez entre vos mains,
Hormis qu’on peut le fil bailler
Au tranchant qui ne veut tailler ; {h}
Mais à vieillesse évertuée {i}
Vertu n’est plus restituée. » {j}


  1. V. note [38] du Borboniana 10 manuscrit.

  2. V. notule {a}, note [23], lettre 449.

  3. Édités par Louis Lacour (Paris, P. Jannet, 1856, 2 tomes, in‑8o).

  4. « Fer délié [mince] et plat qui fait le tranchant ou la lame des épées, couteaux, poignards, etc. » (Furetière).

  5. Afin de devenir couteau.

  6. Elle s’y attarda par plaisir.

  7. Neuf fois.

  8. Rendre son tranchant à la lame qui ne veut plus couper.

  9. Velléitaire.

  10. Le sens de cette fable ne paraît guère obscur, qu’on l’entende au premier degré, ou surtout au second, avec allusions et homophonies fort salaces, dont je ne donnerai que deux indices : « suça » pour « s’usa », « Ce vit grandit par plus de neuf » pour « Se vit grandi par plus de neuf ».

    Guy Patin (ou son porte-plume), me semble-t-il, n’aurait pas ingénument transcrit ces vers s’il n’y avait éprouvé « un vrai plaisir de trouver quelque finesse ».


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 21.

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(Consulté le 16/04/2024)

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