Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 3, note 22.
Note [22]

Le Pausilippe ou Pausilipe (Pausylippum ou Pausylipum en latin, Posillipo en italien) est un cap situé au nord-ouest de la baie de Naples, non loin du tombeau de Virgile (v. notule {a}, note [38] du Naudæana 2) ; il est dominé par un mont, percé d’un tunnel antique (crypta Neapolitana).

Gabriel Naudé citait ici deux références bibliographiques.

  1. Au chapitre xxi (pages 605‑634), Du Poète Virgile, de son Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie (Paris, 1625, v. note [5], lettre 608), Naudé lui-même a dénoncé l’ineptie des contes magiques que des rêveurs ont attachés au nom de cet auteur (pages 608‑609) :

    « qui a charmé par la perfection de ses œuvres tous les plus beaux esprits à idolâtrer ses vestiges, comme ont fait Stace, Silvius et le Poète florentin, {a} et à le qualifier du titre de très excellent orateur avec Quintilien, saint Jérôme et Sénèque, de Père de l’éloquence, avec saint Augustin, et d’être le seul digne du nom de Poète, avec Jules-César de la Scale ; {b} mais de la géotique, {c} superstitieuse et défendue, de laquelle toutefois cet honneur du Parnasse n’eût été aucunement soupçonné sans l’impudence effrénée de ces potirons et fabulistes, auxquels certes je ne sais si je me dois plutôt prendre, ou à ces deux auteurs modernes, {d} et quelques autres, quos fama obscura recondit, {e} qui sont si légers et crédules que de recevoir de tels faussaires pour cautions légitimes d’une calomnie qui tourne beaucoup plus à leur préjudice qu’à celui de Virgile, la vie duquel est si connue, et tout ce qu’il a fait de plus particulier, si fidèlement recueilli par une infinité d’auteurs, qu’il y a véritablement de quoi s’étonner de ceux-là qui se veulent aujourd’hui servir des mensonges et inventions fabuleuses de sept ou huit esclaves de la barbarie et des opinions de la populace pour augmenter le catalogue des magiciens du nom de ce poète, et nous conter de lui mille petites histoires et férialités {f} qui ne pourraient moins, si elles étaient vraies, que de le faire estimer pour l’un des plus experts qui ait jamais été en cet art. »


    1. Pétrarque (v. note [17], lettre 93) ; v. note [3], lettre 1012, pour Stace. Silvius ne peut ici correspondre qu’à Silvio Antoniano (Rome 1540-ibid. 1603), prélat et génie précoce de la poésie, surnommé Poetino, cardinal en 1599.

    2. Jules-César Scaliger (sous le noble patronyme dont il tirait gloire).

    3. Géoscopie, géomancie ou géomance : « espèce de divination qui se fait par le moyen de plusieurs petits points qu’on marque sur un papier au hasard et sans les compter ; car alors on prétend, sur ces diverses figures que le hasard fait trouver à l’extrémité des lignes, fonder un jugement de l’avenir et décider de l’événement de toute question proposée. Il n’y a rien de plus vain que l’art de la géomance. […] Ce mot vient du grec , terra, et de manteia, divinatio, c’est-à-dire divination par le moyen de la terre car, autrefois, on se servait de petits cailloux, au lieu qu’à présent on se sert de points » (Furetière).

    4. Jean Bodin dans la Démonomanie des sorciers (Paris, 1580, v. note [25], lettre 97) et Pierre de Rosteguy L’Ancre dans L’Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues (Paris, 1622, pages 280‑281, v. note [22] du Patiniana I‑1).

    5. « qu’un renom obscur a laissé sombrer dans l’oubli » (Virgile, v. note [22], lettre 117).

    6. Bouffonneries.

    Naudé détaille ensuite les extravagances qu’on a forgées sur la prétendue magie de Virgile, disant, entre autres (pages 612‑613) :

    « il fit ériger sur une haute montagne proche de la ville de Naples une statue d’airain qui avait en sa bouche une trompette, laquelle sonnait si fort, quand le vent de Septentrion venait à souffler, que le feu et la fumée qui sortaient de ces forges de Vulcain, que l’on voit encore près de la ville de Pouzzoles, étaient repoussés vers la mer, sans faire aucun mal ni dommage aux habitants ; que ce fut lui qui fit faire les bains de Caltura di petra bagno et adiuto di l’homo, avec de belles inscriptions en lettres d’or, lesquelles furent depuis rompues et gâtées par les médecins de Salerne qui étaient fâchés que l’on connût par icelles à quelle maladie chacun bain pouvait remédier ; {a} que le même fit en sorte que personne ne peut être offensé dans cette merveilleuse grotte qui est taillée dans la montagne de Pausilippe pour aller à Naples ; […]. » {b}


    1. Pozzuoli en italien, port situé à l’ouest de Naples, renommé pour l’activité volcanique permanente de son sol, à l’origine de sources d’eau chaude et d’une importante activité thermale. La route côtière antique qui menait de Pouzzoles à Naples passait sous le Pausilippe.

      Les thermes dont Naudé parlait ici en donnant leurs noms italiens sont ceux qu’on appelle les « bains de Cicéron », près de Pouzzoles, v.  note [48] du Faux Patiniana II‑4.

      V. note [4], lettre 12, pour Salerne (au sud de Naples, de l’autre côté du Vésuve) et sa fameuse École de médecine, dont les praticiens voyaient d’un mauvais œil les écriteaux thérapeutiques qui les dispensaient de prescrire aux malades dans quel bain se tremper pour se soigner.

    2. V. la fin de la citation de Hentzner donnée dans la notule {b}, note [23] infra, pour le sort réservé à celui qui commettait un homicide dans le tunnel du Pausillipe.

  2. « Voyez de Thou dans sa Vie, 5e partie, page 63. »

    Dans les Jac. Aug. Thuani Commentariorum de vita sua Libri sex [Six livres des Commentaires de Jacques-Auguste i de Thou sur sa propre vie] (sans nom, 1621, v. note [27] du Borboniana 10 manuscrit), le passage sur le Pausillipe se trouve dans le livre i, page 13, sur son voyage en Italie, en 1574 (Thou fr, volume 1, page 32, où il parle de lui à la 3e personne) :

    « De Thou était parti pour Naples sur la fin de février, lorsque le printemps commence en ce pays-là. Après avoir passé par Velletri, Terracina et Fondi, {a} première ville du royaume de Naples, il y arriva par cette caverne pleine de poussière, décrite par Sénèque, {b} et creusée dans la montagne Pausilippe. Il y vit Jean-Baptiste Porta, connu par son Histoire des choses cachées de la Nature, que l’auteur a augmentée depuis. {c} De là, il fit une promenade jusqu’à Salerne et Sorrrento, admirant partout la douceur de l’air et la beauté du pays. Il vit Mergolino, lieu célèbre par le tombeau de Sannazaro et par celui de Virgile, qui n’en est pas loin : {d} l’aspect de la mer rend ce lieu fort agréable. Il se hâta de revenir à Rome par Pouzzoles et par les lieux remarquables d’alentour ; mais si défait et si fatigué des mauvais gîtes qu’il paraissait plutôt revenir d’une longue et fâcheuse maladie, que d’un voyage. »


    1. Trois villes du Latium sur l’itinéraire de Rome à Naples. Terracina est un port de la côte Tyrrhénienne.

    2. Lettres à Lucilius, épître lvii, l§ 1‑2 :

      Cum a Bais deberem Neapolim repetere, facile credidi tempestatem esse, ne iterum navem experirer ; et tantum luti tota via fuit ut possim videri nihilominus navigasse. Totum athletarum fatum mihi illo die perpetiendum fuit : a ceromate nos haphe excepit in crypta Neapolitana. Nihil illo carcere longius, nihil illis facibus obscurius, quæ nobis præstant non ut per tenebras videamus, sed ut ipsas. Ceterum etiam si locus haberet lucem, pulvis auferret, in aperto quoque res gravis et molesta : quid illic, ubi in se volutatur et, cum sine ullo spiramento sit inclusus, in ipsos a quibus excitatus est recidit ? Duo incommoda inter se contraria simul pertulimus : eadem via, eodem die et luto et puluere laborauimus.

      [Obligé de retourner de Baïes à Naples, je me laissai persuader sans peine que la mer était mauvaise, pour ne pas m’embarquer une seconde fois ; mais les chemins étaient tellement inondés de boue que j’eus toutefois l’air d’avoir navigué. Je dus ce jour-là subir absolument le même sort que les athlètes : d’abord frotté d’huile, puis couvert de poussière tout le long du tunnel qui mène à Naples. Rien de plus fastidieux que ce long cachot ; rien de plus obscur que la lumière qui y pénètre, car elle sert à voir, non pas à travers les ténèbres, mais les ténèbres mêmes. Du reste, quand la lumière pénétrerait en ce lieu, la poussière l’aurait bientôt éclipsée, car ce fléau, qui vous incommode déjà dans les endroits découverts, devient bien pire lorsque, prisonnière sans issue, elle tournoie sur elle-même et retombe sur les malheureux qui l’ont soulevée].

      Après son élargissement au xvie s. (v. le récit de Hentzner donné dans la notule {b}, note [23] infra), la crypta Neapolitana est un tunnel long de 700 mètres, sur 4,5 de large, et 5 de haut.

    3. V. note [36] du Naudæana 4 pour Giambattista della Porta.

    4. V. note [38] du Naudæana 2.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 3, note 22.

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(Consulté le 28/03/2024)

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