À André Falconet, le 9 avril 1660, note 24.
Note [24]

Les chroniques attribuent ordinairement ce propos au roi d’Espagne, Philippe ii (v. note [13], lettre 152), plutôt qu’à Ferdinand Alvarez de Tolède (1507-1582), duc d’Albe, gouverneur des Pays-Bas (1563-1573). Le souverain l’aurait tenu après l’exécution, sur son ordre, des Flamands Lemoral, comte d’Egmont, et Philippe de Montmorency-Nivelle, comte de Horne, décapités à Bruxelles le 5 juin 1568 pour avoir mené la révolte des Gueux qui voulaient la liberté de conscience pour les calvinistes et l’indépendance des Pays-Bas.

J’en ai aussi lu cette version dans le Discours sur les moyens de bien gouverner et maintenir en paix un royaume, ou autre principauté. Divisés en trois parties, à savoir : du Conseil, de la Religion, et de la Police que doit tenir un Prince. Contre Nicolas Machiavel, Florentin… (sans lieu ni nom, 1579, in‑8o) d’Innocent Gentillet, {a} Les machiavélistes de France n’ont toujours bien suivi leur maître, page 780 :

« Mais je dirai ceci en passant, que nos machiavélistes de France, qui furent auteurs et entrepreneurs des massacres de la Saint-Barthélemy, n’avaient pas bien lu ce passage de Machiavel que nous venons d’alléguer ; {b} car ils disaient qu’il ne se fallait point amuser à pêcher des grenouilles, mais fallait attraper aux filets les gros saumons, et qu’une tête de saumon vaut plus que dix mille grenouilles ; et quand on aurait tué les chefs des prétendus rebelles, qu’on viendrait facilement à bout de la fretaille, {c} qui ne saurait rien entreprendre sans chefs. Ils devaient considérer, ces vénérables entrepreneurs, ce que dit ici leur docteur Machiavel (et qu’ils ont vu depuis par expérience) qu’un peuple ne peut manquer de chefs, qui lui renaissent toujours à foison, en la place de ceux qu’on tue. S’ils eussent bien noté ce passage de Machiavel, comme ils font les autres, tant de sang ne fût pas répandu, et leur tyrannie eût (peut-être) plus duré qu’elle ne fera. Car la grande effusion de sang qu’ils ont faite a crié incontinent vengeance à Dieu, lequel (selon sa justice coutumière) a exaucé la voix du sang, le cri du pupille et de la veuve, a mis la cognée au pied de la tyrannie et déjà abattu plusieurs branches d’icelle, et ne tardera pas (s’il lui plaît) à la mettre du tout par terre, et rétablir la France en son ancien gouvernement. »


  1. Avocat français huguenot mort à Genève en 1588, où il s’était réfugié après la Saint-Barthélemy (24 août 1572, v. note [30], lettre 211).

  2. « […] Je dirai seulement ceci, que l’expérience nous a faits sages, que l’invention de ces citadelles (que les princes ont bâties de notre temps, contre leurs sujets) a été cause de maux infinis : car le commerce en a été et est beaucoup diminué ès [dans les] villes où elles ont été bâties, et y ont été et sont commises infinies insolences par les soldats contre les citadins, et n’en est revenu ni reviendra aux princes qui les ont fait bâtir que dépense et malveillance de leurs sujets ; car cette construction de citadelles est un indice que le prince ne se fie pas de [à] ses sujets, même [surtout] quand elles sont construites ailleurs qu’en lieu limitrophe contre l’étranger. Quand les sujets connaissent que leur prince se défie d’eux, ils estiment qu’il ne les aime point aussi ; et quand le sujet n’est point aimé de son prince, il ne saurait aussi l’aimer ; et ne l’aimant point, il ne lui obéit qu’à regret, et comme par contrainte ; et enfin, secoue le joug quand les occasions se présentent. Voilà le profit des citadelles. »

  3. Menu fretin.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 9 avril 1660, note 24.

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(Consulté le 29/03/2024)

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