Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Bornoniana 4 manuscrit, note 24.
Note [24]

François i Harlay de Champvallon (Paris 1585-Gaillon, Normandie 1653) était le frère puîné d’Achille, marquis de Bréval. {a} Nommé archevêque de Rouen en 1615, François i démissionna en 1651, en faveur de son neveu, François ii (v. note [25], lettre 420). Licencié de Sorbonne et fervent défenseur de la Contre-réforme, François i a publié plusieurs ouvrages d’instruction et de polémique religieuse, tant latins que français. Tallemant des Réaux s’en est moqué dans l’hilarante historiette qu’il lui consacrée (Le feu archevêque de Rouen, tome ii, pages 39‑42) :

« Pour M. de Rouen, il n’y eut jamais un plus grand galimatias. On écrivit sur un de ses livres : Fiat lux, et lux facta non est. {b} Il avait envoyé un des ses livres manuscrits à quelqu’un pour lui en dire son avis. Cet homme avait mis en un endroit à la marge : “ Je n’entends point ceci. ” M. de Rouen ne se souvint pas d’effacer l’observation, et l’imprimeur l’imprima. Cela faisait rire les gens de voir qu’à la marge d’un livre il y eût “ Je n’entends point ceci ”, car il semblait que ce fût l’auteur lui-même qui le dît.

Un jour qu’il avait promis d’expliquer la Trinité le plus clairement du monde en un sermon, il dit du grec, puis ajouta : “ Voilà pour vous, femmes. ”

C’est le plus prolixe prédicateur, harangueur et compositeur de livres qu’on ait jamais vu. À Gaillon, {c} qu’il appelle notre palais royal et archiépiscopal de Gaillon, il a une imprimerie qu’il appelle aussi notre imprimerie archiépiscopale. […]

Il disait que de prononcer du grec à la garde-robe, {d} cela le lâchait, mais que le latin le constipait. […] Mme des Loges {e} disait de l’archévêque de Rouen que c’était une bibliothèque renversée […].

Il y avait pourtant du bon dans ce mirifique prélat : il était bon homme, franc et sincère ; mais jamais il n’eut un grain de cervelle. Une fois qu’il fit quelque entrée à Dieppe, le ministre du lieu le harangua et lui plut extrêmement. {f} Quand cet homme eut achevé : “ Voilà ”, dit-il, en se tournant vers les ecclésiastiques qui le suivaient, “ Voilà haranguer, cela ! ” Et se mit à leur remarquer toutes les parties de l’oraison : “ Voilà haranguer cela, et non pas vous autres qui manquez en ceci, en cela, et qui ne pensez qu’à la bonne chère. ” Il ne la faisait pourtant pas mauvaise, la chère, à Gaillon. Il avait toutes ses heures réglées pour ses occupations sérieuses et pour ses divertissements. Il recevait des nouvelles de tous les endroits de l’Europe. Il avait musique et n’était jamais sans quelques gens de lettres.

Sur la fin, il se laissait si fort gouverner à je ne sais quelle femme, qui était sa ménagère, qu’il commençait à s’incommoder, et elle, à s’accommoder très fort. {g} Enfin, on le fit résoudre à donner son archevêché à son neveu, Champvallon, qui était déjà son coadjuteur ; il le fit et mourut bientôt après. »


  1. V. note [2], lettre 504.

  2. « Que la lumière soit, mais la lumière ne fut point. »

  3. V. note [6], lettre 292.

  4. À la selle.

  5. Marie Bruneau de Rechignevoisin, v. note [57], lettre Patiniana I‑3.

  6. Cet éloquent ministre était un pasteur calviniste de Dieppe (v. note [9], lettre 216).

  7. « Il avait écrit sur la porte de Gaillon : Legem non observabo sed adimplebo [Je ne me contenterai pas d’observer la loi, je l’accomplirai]. On ajouta Couillardin : il concubinait alors avec Mlle Couillardin » (note de Tallemant).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Bornoniana 4 manuscrit, note 24.

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(Consulté le 29/03/2024)

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