Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 24.
Note [24]

Dans Les Œuvres de Clément Marot, {a} de Cahors, valet de chambre du roi, {b} cette épigramme « À Maurice Scève, Lyonnais », {c} est imprimée à la page 413 ; elle est ailleurs intitulée « Pourquoi l’auteur ne veut pas apprendre à chanter ».


  1. Mort en 1544 (v. note [27], lettre 396), dont il est utile de rappeler ici que son inclination pour la Réforme lui a valu de sérieux déboires (v. infra note [33]).

  2. Né et mort à Lyon, 1501-1564.

  3. Lyon, Guillaume Roville, 1547, in‑8o de 527 pages.

Pour cet article liant la musique à l’abus de boisson, je me suis évertué à donner du sens à la « maxime bachique » qui précède les vers de Marot (ici qualifié de « naturel », au sens de sincère, spontané).

  • L’édition suivante de L’Esprit de Guy Patin (Amsterdam, 1710) n’a guère éclairci les choses en remplaçant « Tout bien dit, Anacréon, et ceux qui boivent le plus, disent L.C., ce sont les musiciens » par « Tout boit, dit Anacréon et ceux qui… ».

  • Anacréon de Téos (en Ionie), poète lyrique grec du vie s. av. J.‑C.) a beaucoup chanté les plaisirs de la vie. Il a lié le vin et la musique, ou la danse, dans quelques-unes de ses odes dont la ve, Sur la rose (traduction de Leconte de Lisle) :

    « Tous, la chevelure ceinte de roses, nous allons rire et boire.
    Une belle jeune fille aux pieds délicats, au son des kithares, {a} conduit les chœurs et porte un thyrse {b} où s’enroule le lierre bruyant.
    Un jeune homme, dont les beaux cheveux sont parfumés, chante d’une voix claire, et fait sonner les fibres du pektis. {c}
    Le bel Éros, à la chevelure dorée, vient avec le beau Lyaios et Kythéré, {d} et se mêle à la danse si douce aux vieillards. »


    1. Cithares, sortes de guitares antiques.

    2. Javelot ou sceptre symbole de Bacchus.

    3. Harpe.

    4. Lyaios et Kythéré sont les surnoms de Bacchus (Dionysos) et de Vénus (Aphrodite).

  • Les « L.C. » qui disent que les musiciens sont « ceux qui boivent le plus » pourraient être « les calvinistes », mot qu’il était encore prudent de dissimuler dans un livre français imprimé en 1709 (même à Amsterdam), car l’édit de Fontainebleau, qui révoquait celui de Nantes, avait été promulgué en 1685.

    Jean Calvin a notamment émis des réserves sur la musique (sans l’unir explicitement à l’ivresse) dans son commentaire du Psaume 33, verset 2, « Célébrez le Seigneur avec la harpe : chantez-lui psaumes avec la viole et l’instrument à dix cordes » (Commentaires sur les Psaumes, {a} tome 1, pages 263‑264) :

    « Car je confesse qu’encore aujourd’hui, quand les fidèles se réjouissent d’instruments de musique, ils doivent avoir ce but de conjoindre les louanges de Dieu avec leur réjouissance ; mais quand ils font leurs saintes assemblées ecclésiastiques, je dis que pour chanter les louanges de Dieu, de remettre en usage les instruments de musique, cela ne conviendrait non plus que de faire encensements, dresser luminaires et ramener les autres ombres de la Loi. Et pourtant, les papistes ont fait follement et sans raison d’emprunter des juifs cette façon de faire, comme plusieurs autres choses. Vrai est que les gens adonnés à pompes externes prennent plaisir à ouïr ce bruit d’instruments ; mais Dieu approuve plus la simplicité […]. {b} Certes, la voix de l’homme, encore qu’elle ne soit pas entendue du commun, est bien plus excellente que tous les instruments de musique, qui sont choses mortes ; et néanmoins, nous voyons ce que saint Paul en détermine. Que faudra-t-il donc dire d’une chanterie {c} qui ne fait sinon battre les oreilles d’un son qui s’évanouit en l’air ? {d} Si quelqu’un objecte que la musique sert beaucoup à réveiller les esprits des hommes et émouvoir leurs cœurs, je le confesse, mais il est toujours à craindre que quelque corruption n’y survienne obliquement, qui corrompe le pur service de Dieu, et enveloppe les hommes en quelque superstition. Et comme ainsi soit que le Saint-Esprit, par la bouche de saint Paul, {b} nous avertit expressément du danger, je dis que de passer plus outre que nous ne sommes là enseignés, ce serait non seulement un zèle inconsidéré, mais une obstination méchante et perverse. »


    1. Paris, Ch. Meyrueis, 1859, 2 volumes in‑8o, premières éditions en 1557 (latine) et 1558 (française).

    2. Dans le passage que j’ai omis et plus bas dans cet extrait, Calvin interprète de manière spécieuse les versets de la Première épître aux Corinthiens (14:6‑9), où saint Paul prescrit de prêcher aux fidèles dans leur langue :

      « Et maintenant, frères, supposons que je vienne chez vous et vous parle en langues : en quoi vous serai-je utile si ma parole ne vous apporte ni révélation, ni science, ni prophétie, ni enseignement ? Ainsi en est-il des instruments de musique inanimés, flûte ou cithare ; s’ils ne donnent pas distinctement les notes, comment reconnaîtra-t-on ce que joue la flûte ou la cithare ? Et si la trompette n’émet que des sons confus, qui se préparera au combat ? Ainsi de vous : si votre langue n’émet pas des paroles distinctes, comment comprendra-t-on ce que vous dites ? Vous parlerez en l’air. Il y a de par le monde je ne sais combien d’espérances de langues, et rien n’est sans langage. Mais si j’ignore la valeur des sons, je ferai l’effet d’un barbare à celui qui parle, et celui qui parle me fera, à moi, l’effet d’un barbare. Ainsi donc, vous aussi, puisque vous aspirez aux dons spirituels, cherchez à y exceller pour que l’assemblée en tire édification. »

      La musique n’est-elle pas précisément un langage que tous les humains peuvent comprendre sans l’avoir même apprise ?

    3. Chanterie a eu deux sens : celui de chorale (maîtrise ou manécanterie) et, par dénigrement, celui de mauvais chant ennuyeux.

    4. V. note [1], lettre 818, pour l’insensibilité de Guy Patin à la musique.

  • Furetière ne m’a pas tiré d’affaire en écrivant que « Boire ensemble est aussi un témoignage d’amitié, qui se fait en se donnant l’un à l’autre quelque repas. Il l’est aussi de réconciliation car, quand on veut raccommoder des gens brouillés, on dit qu’on les fera boire ensemble. On dit même dans ce sens, au figuré, quand les voix ou les instruments de deux musiciens ne sont pas d’accord, qu’il les faut faire boire ensemble. »

Sous réserve d’une meilleure proposition, voici ma version de l’incompréhensible première phrase de cet article alambiqué :

« Anacréon l’a fort bien dit, et les calvinistes le disent aussi : ceux qui boivent le plus, ce sont les musiciens. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 24.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8214&cln=24

(Consulté le 28/03/2024)

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