Autres écrits : Commentaires de la Faculté rédigés par le doyen Guy Patin (1650-1652) : 1D. Novembre 1650-novembre 1651, Affaires de l’Université, note 28.
Note [28]

Suite de l’« Affaire des Hibernois » (v. supra notes [24] et [25]) sur le soutien que les jésuites et les lazaristes apportaient à une partie des théologiens irlandais contre les jansénistes (Journal de Louis Gorin de Saint-Amour, troisième partie, chapitre ix, page 134‑135) :

« Ils obligèrent le susdit Poërus, qui avait lui-même, avec les autres, dans l’assemblée de l’Université, déclaré qu’il était prêt de révoquer sa déclaration si l’Université l’avait agréable, de faire des plaintes à l’assemblée ordinaire de la Faculté {a} du mois d’avril suivant contre le décret de M. le recteur ; d’y exposer comme ils s’étaient pourvus au Parlement contre ce décret ; et de demander à la Faculté qu’elle intervînt pour eux en cette cause contre l’Université. C’était un procédé tout à fait extraordinaire et surprenant ; aussi il y eut un très grand nombre de docteurs, lesquels, estimant l’Université et son recteur indignement traités par l’effronterie de ces étrangers, s’opposèrent dans l’assemblée de la Faculté à tout ce que M. Cornet, M. Hallier {b} et leurs adhérents pourraient faire conclure en leur faveur ; et déclarèrent qu’ils se joignaient à tout ce que M. le recteur et l’Université avaient fait en cette affaire, comme très juridique et très bien fondé. Mais la partie de M. Cornet et de ses adhérents était trop bien faite, et ils furent les maîtres de la conclusion de la Faculté, par laquelle ils ordonnèrent que la Faculté interviendrait en cette cause au Parlement pour les Hibernois, et ils députèrent MM. Amiot et Guyard, avec MM. le doyen et le syndic, pour en faire les poursuites, quelque part où ce pût être et en quelque manière que ce fût, et tous lieux et par tous moyens : Appellationi Hibernorum sese adjunxit Facultas ; qui autem litem promoveant ubicumque quomodolibet nominavit hon. MM. NN. Edmundum Amyot et Dionysium Guyard cum DD. Decano et Syndico. {c} Ç’avait été comme M. Pereyret avait prononcé son avis, et plusieurs, sans faire aucune réflexion à ces paroles, ayant dit, selon leur coutume, Sequor sententiam Domini Pereyret. {d} Ce docteur le fit ainsi écrire dans la conclusion.

Ces termes inusités et tout à fait extraordinaires d’ubicumque et quolodolibet, inférés dans une conclusion de la Faculté, sur une affaire pendante au Parlement, dans laquelle il n’était question que d’y intervenir, et d’y faire les poursuites nécessaires et accoutumées, ne ressentaient nullement la gravité de la Faculté. Ils en étaient sans doute indignes et tout à fait éloignés, et ils ne pouvaient être considérés que comme y ayant été insérés par un emportement puéril, pour insulter à M. le recteur et aux députés de l’Université par les mêmes termes que l’Université avait jugés les plus contraires aux droits du royaume et de l’Église gallicane, de tous ceux qui se trouvaient dans la déclaration des Hibernois. Mais le dessein et la visée des docteurs qui firent former cette conclusion en ces termes s’étendaient plus loin. Parce que la déclaration des Hibernois était faite contre les Cinq Propositions, ils considéraient tout ce qui était entrepris contre ces Propositions comme faisant partie de ce procès dans lequel la Faculté concluait d’intervenir. Ils se donnaient par ces paroles, ubicumque et quomodolibet, la charge de poursuivre jusqu’à Rome et partout ailleurs un procès, {e} lequel au fond n’était pendant qu’au Parlement ; et ils ne se restreignaient pas à la façon de le poursuivre, mais il donnaient charge de le poursuivre en quelque manière et par quelque voie que ce fût qui leur semblerait avantageuse à leurs fins, sans en excepter même la résolution qu’ils firent, et qu’ils avaient vraisemblablement dès lors, d’envoyer vers le pape le P. Mulard comme député de la Faculté. C’est ainsi qu’ils fondèrent et qu’ils disposèrent de loin cette députation si indigne. Ils l’eussent bien pu faire sans cela avec autant de justice et de raison qu’ils le firent avec cela ; mais ils voulaient par ce moyen se réserver ce dernier retranchement pour se parer, en quelque sorte, des justes reproches que mériterait une conduite si déréglée si elle venait quelque jour à être découverte. La vérité et la justice ont-elles besoin, pour se maintenir, de ces déguisements et de ces friponneries ? Et est-ce l’esprit de vérité et de justice qui les inspire à ceux qui ne craignent point de s’en rendre coupables devant Dieu et devant les hommes ? » {f}


  1. La Faculté de théologie.

  2. François Hallier (Chartres 1596-Cavaillon 1659), docteur en théologie et en droit canonique, théologal de Chartres, fut nommé évêque de Cavaillon en Provence (Vaucluse) en 1657. Il avait abandonné le parti des jansénistes pour celui des jésuites en 1643. En 1652, il se rendit à Rome pour obtenir du pape la condamnation des Cinq Propositions (dont Hallier est considéré comme l’un des auteurs).

    V. infra notule {h}, note [65] pour Nicolas Cornet.

  3. « La Faculté s’est jointe à l’appellation {i} des Hibernois ; elle a désigné nos honorables Maîtres Edme Amiot et Denis Guyard, {ii} avec Messieurs le doyen et le syndic, {iii} qui poursuivront ce procès où que ce soit et de quelque manière que ce soit. »

    1. « Plainte qu’on fait devant un juge supérieur d’une sentence ou ordonnance qu’on prétend mal rendue par un juge inférieur » (Furetière, qui en fait un synonyme d’appel).

    2. Edme Amiot (ou Amyot), docteur en théologie, doyen et chanoine de la cathédrale d’Auxerre, était curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, paroisse toujours en activité, située en haut de la rue Saint-Jacques, dans le ve arrondissement de Paris.

      Saint-Amour a écrit, page 30 de ses Mémoires, que Denis Guyard, docteur de Sorbonne, était grand vicaire de l’archevêque de Paris.

    3. V. supra note [17], pour Jacques Hennequin, doyen de la Faculté de théologie, et infra notule {h}, note [35], pour Nicolas Cornet, son syndic.

  4. « Je suis de même avis que Monsieur Pereyret. » Jacques Pereyret, docteur de Sorbonne, était principal du Collège de Navarre, où il professait la théologie ; insigne suppôt des jésuites, il était (ou avait été) official de l’évêque de Clermont.

  5. V. supra note [24] pour la déclaration des Hibernois contre le jansénisme, qui employait le mot quomodolibet [de quelque manière que ce soit] et sous-entendait le mot ubicumque [où que ce soit (devant le Parlement de Paris, à Rome ou n’importe où ailleurs)].

  6. Cette interprétation, qui paraît solidement étayée, mène à conclure que l’« Affaire de Hibernois » a servi de prétexte et même d’étincelle à la condamnation pontificale des Cinq Propositions.

    V. infra note [35] pour la fin de ce sombre épisode.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Commentaires de la Faculté rédigés par le doyen Guy Patin (1650-1652) : 1D. Novembre 1650-novembre 1651, Affaires de l’Université, note 28.

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(Consulté le 20/04/2024)

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