Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 28.
Note [28]

  • Citation fidèle de Cicéron (De la Vieillesse, chapitre xxiii, § 85) :

    « Car si je me trompe en croyant les âmes humaines immortelles, je le fais de bon cœur ; et je me régale de cette erreur, sans vouloir qu’on m’en démette, tant que je vivrai. Si une fois mort (comme l’assurent quelques petits philosophes), je ne ressens plus rien, je n’ai pas à craindre que des philosophes morts se rient de mon erreur. {a} Si l’homme n’est pas voué à l’immortalité, il est souhaitable qu’il s’éteigne quand vient son heure, {b} étant donné que vivre ainsi est dans sa nature, tout comme dans celle de toutes les autres choses, car il y a dans la nature une mesure pour toutes choses, y compris la vie : la vieillesse est comme l’acte final d’une pièce de théâtre, etc. » {c}


    1. Ces mots sont commentés plus bas dans la présente note.

      La Vieillesse de Cicéron est un dialogue entre Caton l’Ancien (v. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot), voyant la mort approcher, et trois jeunes hommes. C’est ici Caton qui s’exprime par la plume de Cicéron.

    2. Refus (par Caton) de la mort volontaire (suicide).

    3. Fin de la phrase : cuius defatigationem fugere debemus, præsertim adiuncta satietate [dont nous devons éviter qu’elle ne s’éternise, tout particulièrement quand elle nous a pleinement rassasiés] ; nuance entre se laisser mourir et se donner la mort.

      V. note [3], lettre latine 100, pour un proche écho de cette pensée dans le même traité de Cicéron.

  • « Voyez le commentaire de Hieronymus Wolfius sur ce passage, édition in‑fo, pages 265, 266 et 267 » :

    M. T. Ciceronis, Libri tres de Officiis, una cum Hieronymi Wolfii Commentariis, hac secunda editione et correctis, et nonnihil auctis : quibus ea potissimum tractantur, quæ sunt huius argumenti propria : quæque et a vitiis atque erroribus revocent : et ad veritatis atque virtutis amorem ingenia non distorta impellant : quatenus id quidem oratione mediocri consequi licet. Addita sunt et scholia brevia eiusdem in Catonem, Lælium, Paradoxa, et Somnium Scipionis. Accessit locuples Rerum ac verborum in his memorabilium Index.

    [Trois Livres de Cicéron sur les Devoirs, avec les commentaires de Hieronymus Wolfius, {a} qui ont été corrigés et amplement augmentés en cette seconde édition. Ils traitent principalement de ce qui touche à cette question : que les esprits non pervers s’éloignent des vices et des erreurs, et soient incités à l’amour de la vérité et de la vertu, bien que cela ne s’ensuive pas de ce modeste discours. Avec les brèves annotations du même auteur sur Caton, {b} Lælius, les Paradoxes et le Songe de Scipion, et un riche index des matières et des mots mémorables]. {c}

    Dans cette édition, différente de celle que citait le Borboniana, ce passage (colonnes 260) sur l’erreur risible que ferait Caton en croyant l’âme immortelle (v. première notule {a} supra), y a particulièrement retenu mon attention car il condamne avec véhémence le libertinage :

    Quis enim non videt ætatis nostræ intemperias ? qua superstitionis tyrannidi petulantia impietatis, pestis longe gravior et nocentior successit. Religio et pietas in medio posita est superstitionis et impietatis : quarum etsi neutra vel Deo probatur, vel hominibus expedit : tamen optione duorum ingentium malorum data (quoniam vera religio, ut Sacræ profanæque literæ docent, semper paucissimorum fuit) longe optabilior, et ad vitam degendam accommodatior esse videtur superstitio. Hæc enim utcumque in officio continet improbos : impietas vero audacia sua et furore cœlum terræ miscet : ac nisi vi et atrocissimis suppliciis coherceatur, tandem omnem civilem consociationem evertit, vitamque facit viris bonis morte acerbiorem.

    Cum igitur hæc Catonis sententia et pietati consentanea sit, et rebuspublicis salutaris : summa vi defendenda et retinenda est. Epicureus autem furor cum summo periculo est coniunctus : tum quod (ut dixi) magnam fenestram ad omnem licentiam aperit : tum quod eam petulantiam gravissimæ pœnæ manent, si philosophia illa fefellerit.

    [Qui ne voit les emportements de notre siècle où, à la tyrannie de la superstition, a succédé l’effronterie de l’impiété, {d} peste bien plus grave et pernicieuse ? La religion, comme la piété, se situe entre la superstition et l’impiété. Bien que Dieu n’approuve aucune de ces deux-là, les hommes y trouvent leur avantage. S’il fallait pourtant choisir entre ces deux immenses maux (parce que la véritable religion n’a toujours été pratiquée que par très peu de gens, ainsi que l’enseignent les écrits, tant saints que profanes), la superstition paraît de loin plus souhaitable et convenable pour mener sa vie, car, bon an mal an, elle maintient les méchants dans le respect de l’ordre ; tandis que l’impiété, {d} par son audace et sa folie, mélange le ciel à la terre ; et si elle n’est pas réprimée par la force et par les plus atroces supplices, elle finit par renverser toute la société civile, et par rendre aux honnêtes gens la vie plus acerbe que la mort.

    Puisque la sentence de Caton est à la fois conforme à la piété et salutaire pour l’intérêt du public, il faut la défendre avec énergie et la retenir absolument. Quant au délire d’Épicure, il est extrêmement dangereux d’y adhérer : et parce qu’il ouvre une large fenêtre sur toutes les licences (comme j’ai dit plus haut), {e} et parce que celui qui se sera égaré dans cette philosophie sera très sévèrement châtié de son impudence].


    1. V. note [29], lettre 348.

    2. La deuxième partie de l’ouvrage est intitulée :

      M.T. Ciceronis, Cato Maior, seu de Senectute, ad T. Pomponium Atticum : Hieronymi Wolfii Oestingensis Scholiis explicatus.

      [Caton l’Ancien ou de la Vieillesse, de Marcus Tullius Cicero, adressé à Pomponius Atticus : expliqué par les annotations de Jérôme Wolf, natif d’Oettingen].

    3. Bâle, Eusebius Episcopus, 1569, in‑fo en trois parties de 750, 262 et 62 pages ou colonnes.

    4. C’est-à-dire l’athéisme, mais Wolf s’est abstenu d’employer un mot aussi fort.

    5. L’index de la seconde partie de l’ouvrage contient de nombreux renvois aux épicuriens et à l’épicurisme.

  • V. notes :

    • [3] du Patiniana I‑4 pour l’exécution de Michel Servet (dont le Borboniana taisait ici le nom), pour hérésie trinitaire, à Genève en 1553 ;

    • [21], lettre 97, pour Lucilio Vanini qui périt aussi sur le bûcher, pour athéisme, à Toulouse en 1619 ;

    • [67] du Naudæana 1 pour les doutes d’Aristote sur l’immortalité de l’âme, et les risques que Pomponace a pris en publiant cette idée (en 1516) ;

    • [29] infra pour l’incrédulité de Sénèque sur le même sujet.

  • Bien que l’éditeur du Borboniana imprimé (1751, v. note [17] de l’Introduction aux ana) ait dit n’en pas avoir eu le manuscrit (v. supra la fin de la note [13]), il a repris (art. xiii, pages 257‑258) la plus grande partie de cet article « bien pensant », ainsi que la première phrase et le dernier paragraphe du suivant. Toutes les citations impies en ont été soigneusement supprimées.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 28.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8207&cln=28

(Consulté le 29/03/2024)

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