À Charles Spon, le 20 mars 1649, note 29.
Note [29]

Cette inondation a frappé les esprits, les mémorialistes en ont abondamment parlé.

  • Mme de Motteville (Mémoires, page 243) :

    « Les eaux étaient fort débordées cette année et Paris était devenu semblable à la ville de Venise : la Seine le baignait entièrement ; on allait par bateau dans les rues ; mais bien loin d’en recevoir de l’embellissement, ses habitants en souffraient de grandes incommodités et les dames, pour faire voir leur beauté, ne se servaient nullement de ces gondoles si renommées que l’on admire sur les canaux vénitiens. La Nature a mis un bel ordre en toutes choses : ce qui sert ordinairement en certains lieux serait une grande laideur en d’autres ; ainsi, cette belle rivière, la richesse et la beauté de Paris, n’étant plus renfermée dans ses bornes ordinaires, ruinait, par cette trop grande abondance de ses eaux, la ville qu’elle baignait plus qu’à son ordinaire et lui ôtait les avantages qu’elle lui donne quand elle se contente de couler doucement dans son lit naturel. »

  • Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 115, janvier 1649) :

    « Ce jour 13, la Seine qui, depuis les neiges fondues et les pluies du dégel commencé avec l’année, a toujours crû et depuis trois jours beaucoup augmenté, s’est trouvée si haute qu’il n’y a point mémoire d’homme qu’elle ait été si haute. Elle est par toute la place de Grève, en sorte que l’on ne saurait aborder la Maison de Ville, {a} dont l’eau couvre les poteaux de devant jusqu’à l’escalier d’entrée, que par les piliers du Saint-Esprit {b} et delà, par planches et bateaux posés de l’un à l’autre jusqu’audit escalier. Les grands bateaux chargés de bois sont jusqu’au milieu de la place, vis-à-vis dudit Saint-Esprit.

    Les vieilles gens de Paris disent qu’il y a 72 ans qu’il y eut une pareille désolation. Cela irait à l’an 1576. »


    1. L’Hôtel de Ville.

    2. Du côté de la place de Grève opposé à l’Hôtel de Ville.

  • Ibid. (pages 118‑119, matin du vendredi 15 janvier 1649) :

    « L’inondation de la rivière continue, refluant dans les fossés de la ville et d’eux, dans les égouts des rues ; en sorte que celle du Parc-Royal, de la vieille rue du Temple jusqu’aux Blancs-Manteaux, celle de Saint-Antoine au carrefour Saint-Paul, ne se passent qu’à planches et bateaux.

    La vieille et la neuve < rue > Saint-Paul, celle des Lions et le bas de celles de Beautreillis et des Célestins, avec tout le quai et place desdits Célestins et Arsenal, sont couvertes de l’eau, partie regorgeant de l’égout des Célestins, mais beaucoup plus refluée et débordée de l’abreuvoir Saint-Paul ; en sorte que toute cette suite de maisons qui sont depuis le haut dudit abreuvoir et rue Saint-Paul jusqu’à ladite rue des Célestins sont assiégées et isolées dans l’eau de toutes parts.

    En la place Maubert, l’eau est jusqu’au premier étage des maisons. Le vieux pont de bois de la Tournelle, couvert d’eau ; les jardins du terrain de l’archevêché, cloître et porte Saint-Landry, {a} remplis d’eau ; le pont des Tuileries, démembré de plusieurs piles de bois et arches emportées ; les chantiers de bois rangés des deux côtés de la rivière, au-dessus [en amont] de la ville, hors les portes Saint-Antoine et de Saint-Bernard, et au-dessous de la ville, à la Grenouillère, ont été emportés par l’eau.

    Dans l’île Notre-Dame {b} on ne passe ni l’on n’aborde les ponts que par bateaux.

    La Seine a emporté le pont des Tuileries et passant par-dessus sa rive gauche, a rempli la rue de Seine ; et a fallu que de l’académie {c} du sieur du Plessis du Verne on ait sauvé les chevaux et les académistes qui ont été travailler où jadis ils étaient, entre la porte de Bucy et l’abbaye. » {d}


    1. Sur l’île de la Cité.

    2. L’île Saint-Louis.

    3. Académie équestre.

    4. Saint-Germain-des-Prés.


  • Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 631, 14 janvier 1649) :

    « L’après-dînée, je fus avec M. de Collanges voir la Bastille et voir d’en haut la grandeur de la rivière dont les eaux sont plus hautes qu’elles n’ont jamais été, le faubourg Saint-Antoine étant tout noyé. Dans la ville, l’eau passait l’escalier des jésuites, {a} et l’on ne peut passer dans la rue Saint-Antoine qu’en bateau ; de même vis-à-vis les Religieuses de l’Annonciade. {b} La rue du Temple, toute la rue des Lions et le quai de l’Arsenal sont couverts d’eau, ainsi que toute l’île, tout le faubourg Saint-Germain, l’hôtel de Liancourt. »


    1. Porche de l’église Saint-Paul et Saint-Louis, rue Saint-Antoine.

    2. Rue Popincourt dans l’actuel xie arrondissement de Paris.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 mars 1649, note 29.

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(Consulté le 29/03/2024)

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