À Charles Spon, le 19 mai 1654, note 29.
Note [29]

Histoire naturelle, ou Relation exacte du Vent particulier de la ville de Nyons en Dauphiné, dit le Vent de S. Césarée d’Arles, {a} et vulgairement le Pontias : en laquelle sont insérées plusieurs Remarques curieuses de la Géographie et de l’Histoire Ecclésiastique, Civile et Naturelle ; et notamment diverses Merveilles de certains Vents Topiques et Régionaux ci-devant inconnues. Par Gabriel Boule {b} Marseillais, Conseiller et Historiographe du Roi. {c}


  1. Saint Césarée ou Césaire d’Arles, natif de Chalon-sur-Saône, moine du Lérins, fut archevêque d’Arles de 502 à sa mort, en 542. Son miracle nyonsais est relaté à la fin de la présente note.

  2. V. note [31], lettre 248.

  3. Orange, Édouard Raban, 1647, in‑8o de 159 pages.

Le Pontias est un vent particulier à la ville de Nyons (aux confins des départements de la Drôme et du Vaucluse) : ce serait le vent de Pontias (Pontiacus, surnom de la ville de Nyons à cause du pont, dit romain, qui y enjambe l’Eygues). Une croyance populaire veut qu’il soit issu d’un vaste trou naturel ouvert dans la partie la plus élevée du Devez, montagne située au nord de la ville. Suivant les saisons, il est fort ou faible : l’hiver, il souffle violemment, chaque jour de neuf heures du soir à neuf ou dix heures du matin jusqu’à 12 ou 16 kilomètres au-dessous de Nyons, quelquefois même il suit la rivière d’Eygues jusqu’au Rhône ; en été, c’est de trois ou quatre heures du matin à huit heures seulement qu’il se fait sentir et il ne parcourt pas plus de 4 kilomètres ; il arrive même, quand le temps est beau, qu’il ne souffle pas du tout. Il est excessivement froid, et c’est à lui que la ville doit sa température exceptionnelle et la salubrité de son air. Lorsqu’il arrive que le Pontias ne souffle pas, comme dans les années 1639 et 1640, c’est l’annonce presque certaine d’une peste. On prétend que les oliviers qui sont exposés au souffle du Pontias rendent une huile d’une qualité supérieure (G.D.U. xixe s.).

Sur le lien légendaire entre le Pontias et saint Césarée, Gabriel Boule traduit un fragment d’une chronique latine médiévale d’« un certain Gervasius de Tillibery » {a} (page 110‑111) :

« Dans le royaume d’Arles et en l’évêché de Vaison, il y a un certain lieu appelé Nyons. Il est situé dans une vallée environné tout partout de montages ; dans laquelle comme il n’était entré le moindre vent du monde jusques au temps de Charlemagne, elle avait toujours été stérile, et destituée de toutes les commodités servant à l’usage des hommes. Saint Césarée, archevêque d’Arles, très saint personnage et illustre en miracles, ayant reconnu cette infécondité, fut jusques à la mer que est au-dessous de sa ville, et ayant rempli un gant de vent marin, il le resserra. Étant après allé en cette vallée qui avait été jusques à ce temps-là infertile, il jeta, au nom du Christ, son gant plein de vent contre un rocher, avec injonction de venter perpétuellement. Soudain, s’étant fait un trou au rocher, il n’a laissé depuis de souffler toujours par cette fente qui avait reçu ce vent que le vulgaire appelle Pontias, comme ayant été transporté de Ponto, “ de la mer ”, {b} par une vertu divine. Or ce vent, quelque impétueux qu’il soit, ne passe point au delà des barrières d’une eau qui court au-dessous de la ville, et rend fructifiant et salubre tout partout où il souffle ; et passant au devant du lieu, il y fait sentir une froideur glaciale, sans approcher néanmoins ceux qui sont hors de ses barrières, comme si on lui avait fait des défenses de les outrepasser. »


  1. Gervais de Tillbury, juriste et homme politique impérial natif d’Angleterre, a écrit, en 1212, des Otia imperialia [Divertissements impériaux] à l’intention de son maître, l’empereur germanique Otton iv de Brunswick ; il y parle d’Arles et de la Provence.

  2. Dérivé du grec pontos, pontus est un synonyme latin de mare, « la mer ». Le mot a donné son nom au Pont-Euxin (mer Noire). Le pont, dit romain, de Nyons n’a été construit qu’au xive s., soit bien après le miracle de Césarée. Le nom latin de Nyons est Noiomagus.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 19 mai 1654, note 29.

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(Consulté le 29/03/2024)

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