Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Bornoniana 4 manuscrit, note 29.
Note [29]

« Aristote dit (Politique, livre ii, chapitre 70) : “ Théodore, l’acteur tragique, n’avait peut-être pas tort de toujours refuser qu’un comédien, même fort médiocre, parût en scène avant lui, parce que ce qu’ils entendent en premier capte l’attention des spectateurs. Il en va de même dans les relations entre les hommes et ce qui les entoure : la nouveauté est toujours ce qui charme le plus. ” {a} Voyez la Paraphrase de Daniel Heinsius sur cette citation, page 907, {b} et le Commentaire de Michael Piccartus, page 1137. » {c}


  1. La citation est fidèle, mais sa référence est inexacte : les deux gloses qui suivent sur la Politique d’Aristote (notules {b} et {c} infra) la placent (comme la plupart des autres éditions, mais non toutes) dans le chapitre xvii du livre vii.

  2. Αριστοτελουσ Πολιτικων βιβ. θ. Aristotelis Politicorum Libri viii. Cum perpetua Danielis Heinsii in omnes libros Paraphrasi. Accedit accuratus rerum Index.

    [Les huit livres des Politiques d’Aristote. Avec la Paraphrase continue de Daniel Heinsius. {i} Un soigneux index des matières y a été ajouté]. {ii}

    1. V. note [4], lettre 53.

    2. Leyde, Elsevier, 1621, in‑8o de 1 045 pages.

    Cette paraphrase (explication) de Heinsius prolonge et développe la citation d’Aristote (pages 907‑908) :

    Quippe quæ audimus primo, commovere animos ac occupare solent. Ideo fortasse haud male Theodorus olim celeberrimus tragœdiarum, iudicabat histrio, qui nolebat quemquam histrionum, sive excelleret in arte sua, sive rudis et e plebe esset, ante se in scenam prodire. Quia occupare ac quasi vindicare sibi auditores solent, qui ab iis primi audiuntur. Et revera, idem in societate hominum ac consuetudine, idem in omni prope actione usu venit. Ut, nimirum, prima totos sibi quasi vindicent. Prima enim, quia magis animum afficiunt, propterea et firmius inhærent. Ideoque omnia quæ prava, procul removenda sunt a pueris : inprimis, quæ scelesta sunt aut execranda. Annis autem quinque jam confectis, integrum biennium, ad septimum, videlicet, utilissime eas disciplinas spectare incipient vel artes, quibus mox sunt imbuendi. Qualis, nempe, bellica, et similes. Nam ut contemplatio plerumque efficit, ut, quæ perniciosa sunt amare incipiant : ita quæ præclara, si in oculos incurrant, hac ætate, ab iis facile ad animum hic amor transfertur. Duæ autem sunt præcipuæ, quæ disciplinam poscere videntur, ætates, et pro quibus ipsæ, distinguendæ videantur necessario ac dividendæ : ea quæ septennium, nimirum, sequitur, ad pubertatem usque ; et quæ, item pubertatem usque, ad uneum et vigesimum ætatis. Nam qui universam per septennia ætatem partiuntur, mihi quidem maxima ex parte falli videntur.

    [Ce que nous entendons en premier est assurément ce qui d’ordinaire nous remue et saisit l’esprit. L’acteur Theodorus, jadis le plus célèbre des tragédiens, n’a donc peut-être pas manqué de jugement en ne voulant pas qu’un autre comédien, qu’il excellât en son art, ou qu’il fut grossier et issu de la plèbe, apparût avant lui sur la scène. La raison en était que les spectateurs ont coutume d’être attentifs au premier qu’ils entendent, et de se l’approprier. Il en va de même, à vrai dire, dans la société et l’habitude des hommes, et de même aussi dans presque toutes les actions qu’ils accomplissent : comme si leur esprit s’appropriait presque tout ce qu’il perçoit en premier, car les premières perceptions sont celles qui s’y impriment le plus profondément et, à cause de cela, s’y attachent le plus fermement. Voilà pourquoi tout ce qui est mauvais doit être tenu loin des enfants, surtout ce qui est impie et exécrable. Passé l’âge de cinq ans et pendant deux années, jusqu’à sept ans, ils commenceront avec grand profit à porter leur attention sur les disciplines ou les arts, dont ils devront s’imprégner rapidement. Tels sont le maniement des armes et autres enseignements semblables : puisque l’étude attentive exerce de multiples effets, les enfants entreprendront d’aimer ce que cela a de pernicieux ; mais si, à cet âge, ils ont sous les yeux ce qu’il y a de plus noble, alors l’amour qu’ils en éprouveront se transmettra à leur esprit. Deux âges principaux semblent propices à l’instruction, et paraissent devoir être distingués en deux périodes : celle qui va de la septième année à la puberté, puis celle qui va de la puberté à la vingt et unième année. Il me semble que ceux qui divisent l’ensemble de l’existence en périodes de sept ans sont en très grande partie dans l’erreur].

    Voici ce que dit exactement cette suite du texte d’Aristote :

    « La nouveauté est toujours ce qui nous charme le plus. Ainsi, qu’on rende étranger à l’enfance tout ce qui porte une mauvaise empreinte ; et surtout, qu’on en écarte tout ce qui sent le vice ou la malveillance. De cinq à sept ans, il faut que les enfants assistent pendant deux années aux leçons qui, plus tard, seront faites pour eux. D’ailleurs, l’éducation comprendra nécessairement deux époques distinctes, depuis sept ans jusqu’à la puberté, et depuis la puberté jusqu’à vingt et un ans. On se trompe souvent quand on ne veut compter la vie que par périodes de sept ans. »

  3. Michaelis Piccarti Franci Professoris Norici in Politicos libros Aristotelis Commentarius.

    [Commentaire du Français Michael Piccartus, {i} professeur en Bavière, sur les livres Politiques d’Aristote]. {ii}

    La page 1137 (livre vii, chapitre xvii) explique qui pouvait être ce Θεοδωρος Τραγωδος {iii} pris en exemple par Aristote :

    Cui rei documentum Theodorus præbuit Tragœdus antiquiss. quem inter xx. Theodoros ultimum commemorat Diog. Laërt. in Theodoro Atheo et laudat inter nobiliores histriones Plutarch. lib. de glor. Atheniens. Cujus forte an fuit liber inscriptus Φωναστιον sive de voce exercenda, quem librum ad Theodorum quoque quemdam auctorem refert idem Laërtius.

    [Le très antique tragédien Théodore en a fourni l’illustration : c’est celui que, dans son chapitre sur Théodore l’Athée, Diogène Laërce cite en dernier parmi ses 20 Théodore, {iv} et celui que, dans son livre sur la Gloire des Athéniens, Plutarque loue parmi les plus célèbres acteurs. {v} Peut-être est-ce celui à qui appartient l’ouvrage intitulé Phônastion, ou « la manière d’exercer sa voix », que ledit Laërce attribue à un auteur qui est aussi dénommé Théodore]. {vi}

    1. Michel Piccart (1574-1620) enseignait le français à l’Université d’Altdorf.

    2. Leipzig, Laurentius Cober, 1615, in‑8o en deux parties de 1 140 pages (sur les 7 premiers livres) et 58 pages (sur le livre viii).

    3. Théodôros Tragôdos (Theodorus Tragœdius, Théodore le Tragédien.

    4. Diogène Laërce, Vies des philosophes illustres (v. note [3], lettre 147), livre ii, § 103‑104, Homonymes, à la fin de la section consacrée à Théodore de Cyrénaïque (iveiiie s. av. J.‑C.), dit l’Athée, « qui rejetait complètement les croyances en des dieux » :

      « Il y a eu vingt Théodore : […] le vingtième, un poète auteur de tragédies. »

    5. Plutarque (v. note [9], lettre 101), Œuvres morales, Si les Athéniens se sont plus illustrés à la guerre que dans les lettres, chapitre 6 :

      « Quel est donc l’avantage qu’Athènes a retiré de ces belles tragédies ? […] Qu’ils y joignent leurs acteurs, les Tragus, les Nicostrate, les Callipidas, les Meniscus, les Théodore et les Polus, comme des décorateurs de la tragédie, qu’ils parent à la manière des femmes somptueuses, ou plutôt comme des ouvriers qui incrustent, qui dorent et colorent les statues. »

    6. Diogène Laërce (ibid. § 103), dans l’énumération des 20 Théodore : « Le quatrième est celui dont on cite un très beau livre sur l’art d’exercer sa voix. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Bornoniana 4 manuscrit, note 29.

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(Consulté le 19/04/2024)

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