À Charles Spon, le 22 août 1645, note 3.
Note [3]

« Instruisez-vous par l’exemple de Justina, instruisez-vous, mères, pour ne pas marier votre à un fou. »

Avec matres pour patres, ce sont les deux derniers vers d’une épigramme de Jean-Louis Vivès (Juan Luis Vives ; Valence, Espagne 1492-Bruges 1540) : {a}

Immitis ferro secuit mea colla maritus
Dum propero nivei solvere vincla pedis,
Durus et ante thorum quo nuper nupta coivi,
Quo cecidit nostræ virginitatis honos.
Nec culpa meruisse necem bona numina testor ;
Sed iaceo fati sorte perempta mei.
Discite ab exemplo Iustinæ, discite patres,
Ne nubat fatuo filia vestra viro
.

[Un cruel mari m’a tranché le cou tandis que je délaçais en hâte mon blanc soulier ; sans pitié et devant le lit nuptial où, m’étant couchée avec lui peu de jours avant, s’était envolé l’honneur de ma virginité. Nulle faute pourtant ne m’avait mérité cette mort, j’en prends les dieux pour témoins ; mais me voici à terre, victime de mon destin. Instruisez-vous par l’exemple de Justina, instruisez-vous, pères, pour ne pas marier votre fille à un fou]. {b}


  1. Trois livres de Institutione feminæ christianæ [sur l’Institution de la femme chrétienne] (Anvers, Michael Hillenius, 1524, in‑4o) : livre i, page§ L ii vo, chapitre intitulé De quærendo sponso [La manière de chercher un fiancé].

  2. Traduction dans L’Institution de la femme chrétienne, tant en son enfance comme en mariage et viduité, avec l’office du mari… (Anvers, Christophe Platin, 1574, in‑8o), pages 164‑165 :

    « Justine fus jadis de grand’ beauté ornée,
    Et non moins de vertus, d’honneur et chasteté :
    Mais en mari je fus par trop infortunée,
    Qui sur moi exerçant horrible cruauté
    Près du lit où naguère avait cueilli l’honneur
    De ma virginité, en abaissant la tête
    Pour lâcher mon soulier, de glaive par fureur
    Mon beau chef sépara du corps : Mais Dieu j’atteste
    En mon âme impollue, qu’on lui fis offense :
    Mais telle fin m’avait m’avait gardé ma destinée.
    Voyez, pères, ici, et chacun de vous pense
    Remémorant ce cas tant étrange et nouveau,
    Que pour ne voir un jour sa ville malmenée
    Ne la doit marier à homme sans cerveau. »

V. note [14], lettre 409, pour trois autres ouvrage qui attestent de l’abondante et éminente production littéraire de Vivès. Après des études à Paris, il se rendit à Louvain et s’y lia avec Érasme. Sous sa direction, Vivès se perfectionna dans les langues grecque et latine. Il professa ensuite les belles-lettres à Louvain, fut appelé en Angleterre pour y exercer les fonctions de précepteur de la princesse Marie, fille de Henri viii (Marie Tudor, v. note [8] du Borboniana 3 manuscrit). Ce roi jeta Vivès en prison parce qu’il avait osé désapprouver son divorce d’avec Catherine d’Aragon. Libéré au bout de six mois, Vivès alla s’établir à Bruges. Il occupe une place distinguée parmi les philosophes érudits qui vers la fin du xvie s. sapèrent dans ses fondements l’influence des scolastiques et donnèrent une vive impulsion à l’étude de la littérature classique. Il formait avec Érasme et Budé ce qu’on nommait le triumvirat dans la république des lettres : Budé était l’esprit, Érasme la parole et Vivès le jugement (G.D.U. xixe s.). De nos jours, Bruges honore toujours la mémoire de Vivès par une statue placée dans l’un de ses plus charmants jardins.

En novembre-décembre 1658, Charles Spon et Guy Patin ont échangé sur le veuvage de leur collègue Lazare Meyssonnier. Je n’ai pas trouvé le nom et le prénom de son épouse, mais cette recherche m’a mené à son petit livre intitulé :

La belle magie ou Science de l’esprit, contenant les Fondements des Subtilités, et des plus Curieuses et Secrètes Connaissances de ce Temps. Accompagnée de figures en taille-douce, et tables bien amples… {a}


  1. Lyon, Nicolas Caille, 1669, in‑12 de 543 pages. Le livre n’est illustré que de deux gravures un portrait de l’auteur, avec cette légende :

    « Vrai portrait de Lazare Meyssonnier, conseiller médecin odinaire du roi, et de S.A.R., {i} docteur de l’Université de Montpellier, agrégé au Collège des médecins à Lyon professeur de la Science de L’esprit qui enseigna aux Mages par une Étoile comme il fallait aller adorer Jésus-Christ N.S., {ii} et lui offrir les Trésors. » {iii}

    1. « Son Altesse royale », titre réservé à Monsieur, frère du roi (Gaston d’Orléans, frère de Louis xiii).

    2. Notre Seigneur.

    3. Voilà pourquoi Guy Patin tenait Meyssonnier pour un fou.

Les pièces liminaires contiennent aussi un court Testament de l’auteur à Marie-Marguerite Meyssonnier, sa fille unique (sans mention de sa mère).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 22 août 1645, note 3.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0125&cln=3

(Consulté le 28/03/2024)

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