À André Falconet, le 18 janvier 1659, note 3.
Note [3]

« l’empourpré, podagre et chiragre, {a} étant seul à sy opposer. »

Mazarin, l’empourpré goutteux, jouait si bien sa comédie de Lyon que, en parlant de providence divine, Mme de Motteville (Mémoires, page 470‑472) semble s’y être autant trompée que Guy Patin :

« Dieu, qui avait destiné le roi à une autre princesse, {b} la première de l’Europe et la plus grande du monde, avait ordonné par sa providence que le roi d’Espagne, au bruit du voyage de Lyon, serait alarmé ; et j’ai su par celle {c} qui depuis a été notre reine, que le roi son père, {d} entendant dire que le roi {e} allait se marier, avait répondu Esto no puede ser, y no sera. {f} […] Le roi d’Espagne, pour rendre ses paroles véritables, crut qu’il fallait alors quitter toute finesse, et montrer véritablement le désir et le besoin qu’il avait de la paix : il ordonna à don Antonio Pimentel de venir conférer en France avec le ministre, {g} et lui offrir la paix et l’infante. Pimentel, que j’ai vu depuis à Saint-Jean-de-Luz, m’a dit que, comme il connaissait le cardinal Mazarin depuis longtemps, il avait souvent assuré le roi d’Espagne, son maître, de ses bonnes intentions et qu’il désirait sincèrement finir la guerre ; que les ministres de cette cour {h} n’avaient pas approuvé sa confiance et que pour avoir parlé de cette sorte, il en avait pensé perdre sa fortune. Le roi, {i} son maître, l’envoya donc promptement en France sans passeports et au hasard d’être pris prisonnier, car le temps était arrivé que toutes les animosités devaient finir. Il venait dans cette pensée qu’en cas qu’il fût arrêté, il demanderait à parler au ministre ; et qu’ainsi, soit comme libre ou comme prisonnier, il trouverait le moyen de traiter avec le cardinal du mariage qu’il venait proposer. Il sut enfin si bien se déguiser et si bien conduire son voyage qu’il arriva dans Lyon le même jour que Mme de Savoie y arriva ; et à la même heure qu’elle y entrait venant du côté de Savoie, don Antonio Pimentel y entrait aussi venant du côté de l’Espagne : ces deux puissances étaient destinées à combattre l’une contre l’autre et le roi {e} devait être le prix du parti victorieux. Comme elles sont inégales, il ne faut pas s’étonner si l’Espagne l’emporta sur la Savoie, et si l’excessive grandeur de l’infante et la paix furent préférées à la princesse Marguerite qui, en toutes choses devant céder à cette fille et petite-fille de tant de rois et d’empereurs, lui devait céder encore en beauté, car elle en avait beaucoup. […]

La reine, {j} de son côté, était demeurée extrêmement triste de l’entrevue de Mme de Savoie ; elle n’avait point trouvé la princesse Marguerite à son gré ; elle ne l’avait pas trouvée belle ; et quand elle l’aurait été, elle voyait, par ce mariage, la guerre s’établir entre la France et l’Espagne plus fortement que par le passé. Elle regardait le roi, son fils, par sa couronne et par sa personne, comme le plus digne mari qui fût alors sur terre, et elle ne voyait rien de grand dans la princesse Marguerite que la vertu et une naissance qui, toute grande qu’elle était, le devait céder à l’infante. […]

Mais enfin le miracle qui devait arriver, et qui arriva le lendemain par l’entretien que Pimentel eut avec ce ministre, {k} le fit changer de conduite et donna lieu à la reine d’espérer l’assistance du ciel, qu’elle trouvait toujours propice dans tous ses desseins et ses justes désirs. Le soir de ce grand jour où toutes choses changèrent de face, le cardinal entrant dans la chambre de la reine, qu’il trouva rêveuse et mélancolique, lui dit en riant : “ Bonnes nouvelles, Madame. – Eh quoi ! lui dit la reine, serait-ce la paix ? – Il y a plus, Madame, j’apporte à Votre Majesté la paix et l’infante. ” »


  1. Goutte au pied et à la main, v. note [30], lettre 99.

  2. Que Marguerite de Savoie.

  3. L’infante Marie-Thérèse.

  4. Philippe iv d’Espagne.

  5. Louis xiv.

  6. « Cela ne peut pas être, et ne sera pas. »
  7. Mazarin.

  8. De France.

  9. Philippe iv.

  10. Anne d’Autriche.

  11. Mazarin.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 18 janvier 1659, note 3.

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(Consulté le 20/04/2024)

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