À André Falconet, le 18 juillet 1664, note 3.
Note [3]

Corfitz Ulfeldt (v. note [11], lettre 263) était mort le 20 février 1664 près de Bâle au cours d’un voyage en bateau sur le Rhin. Le livre de Samuel Sorbière, historiographe du roi, dédicacé à Louis xiv, est intitulé :

Relation d’un voyage en Angleterre, où sont touchées plusieurs choses qui regardent l’état des Sciences et de la Religion, et autres matières curieuses. {a}


  1. Paris, Louis Billaine, 1664, in‑8o de 232 pages, dédié au roi et présenté sous la forme d’une lettre adressée « à M. le marquis de Vaubrun Nogent, gouverneur de Philippeville, mestre de camp du régiment colonel de la cavalerie légère », datée de Reims, le 25e d’octobre (sans année) ; achevé d’imprimer le 16 mai 1664.

Un long passage (pages 176‑187) y est consacré à Ulfeldt et à son épouse, la comtesse Eleonor (Leonora Christina Ulfeldt, 1621-1698, fille naturelle du roi Christian iv de Danemark), que Sorbière était allé visiter dans la prison de Douvres où le roi Charles ii l’avait mise, « d’où elle a été depuis ce temps-là transférée en Danemark où elle a souffert avec un courage héroïque des choses indignes de son sexe et de sa naissance ».

La suite narre les mésaventures politiques des Ulfeldt, qui tourne au panégyrique du couple et à la critique acerbe du roi de Danemark, Frédéric iii, et de sa cour : en 1649, après la mort de Christian iv, pour renflouer les finances du royaume ruiné par la guerre de Trente Ans, Ulfeldt avait été chargé de négocier un traité avec les Hollandais, qui leur concédait le passage du Sund ; la négociation ayant échoué, le favori était tombé en disgrâce et avait dû s’exiler en Suède :

« Après la mort du roi de Suède, {a} qui avait ramené la paix, il {b} fut compris dans l’amnistie et rétabli dans ses biens, mais non pas dans ses charges. Comme il faisait alors une mauvaise figure dans son pays, il s’y déplut et ne crut pas même qu’il y fût en sûreté, parce que le roi avait fait déclarer le royaume héréditaire et qu’il y avait une infinité de mécontents, à la tête desquels on le pourrait toujours accuser d’avoir intention de se mettre, quand on lui voudrait ôter la liberté. Il y a deux ans {c} qu’il prit prétexte d’aller aux eaux de Spa, afin de s’éloigner de la cour, et il passa en France incognito à Paris et se retira à Bruges pour y passer l’hiver. Et c’est là que Madame sa femme, qui l’a suivi en tous ses voyages, était passée en Angleterre pour retirer quelque argent qui lui est dû ; comme c’est de Bruges que l’on a supposé que son mari faisait des conspirations en Danemark.
[…] Et tout cela ne demande-t-il pas l’admirable force d’esprit que ces deux âmes intrépides ne conservent pas moins dans l’une que dans l’autre fortune. En vérité, Monsieur, je ne sais si je changerais leur agitation pour la tranquillité de ceux qui de Flandres, où étaient ces illustres malheureux, les craignent en Danemark ; et je ne fais point de doute qu’un jour l’on n’y reconnaisse leur grand mérite et qu’on ne rende à leur mémoire tout l’honneur qui est dû à la fidélité qu’ils ont eue pour leur roi, aussi bien qu’au zèle qu’ils ont conservé pour les lois fondamentales de leur patrie. »


  1. Charles x Gustave, en 1660.

  2. Ulfeldt.

  3. 1661.

À la mi-mai 1664, la police secrète danoise avait arrêté à Hambourg Otto Sperling, complice politique de Corfitz Ulfeldt ; Gazette (ordinaire no 67 du 7 juin 1664, pages 547‑548) :

« De Copenhague, le 15 mai 1664. Nous avons ici le Docteur Otho Sperling médecin, confident de Corfitz, ci-devant comte d’Ulfeldt, au dessein duquel on l’accuse d’avoir eu beaucoup de part, ainsi qu’à plusieurs libelles contre le roi de Danemark et son gouvernement, et à diverses intrigues, qui se trouvent justifiées mêmes par ses lettres interceptées. Il fut enlevé de la ville de Hambourg par un officier de Sa Majesté danoise, lequel feignant que sa femme était indisposée, le fit entrer dans son carrosse, pour l’aller voir ; et comme il s’en retournait dans le même carrosse, accompagné dudit officier, celui-ci convia un autre à qui il avait donné le mot, d’y entrer aussi ; et tous deux l’ayant insensiblement conduit jusqu’auprès de la porte par où l’on va dans le Holstein, {a} ils se jetèrent sur lui, et le serrèrent de si près qu’il n’eut pas la liberté de crier au secours. De cette façon, il fut contraint de se laisser emmener hors de la ville, d’où trente cavaliers qui l’attendaient le conduisirent à Glukstat, {b} duquel lieu il a été amené ici, et enfermé dans la tour du château. » {c}


  1. Le Holstein et le Schleswig étaient deux duchés unis situés entre les frontières du Saint-Empire au sud (Basse-Saxe, région de Hambourg) et du Danemark continental (Jutland) au nord.

  2. Glückstadt (Lykstad en danois) port fluvial du Holstein, sur l’Elbe, un peu en aval de Hambourg.

  3. Sperling demeura emprisonné jusqu’à sa mort, en 1681.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 18 juillet 1664, note 3.

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(Consulté le 28/03/2024)

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