À André Falconet, le 21 novembre 1664, note 3.
Note [3]

En raison de quelques cas de peste signalés en Provence, le parlement d’Aix avait ordonné, de manière absurde, une quarantaine (v. note [1], lettre latine 290) aux îles d’Hyères pour tous les navires assurant la retraite de Gigeri (v. note [2], lettre 799).

La Lune, vaisseau de 48 canons, était en un tel état de délabrement qu’elle faisait eau de toutes parts. Son commandant M. de Verdille (âgé de 80 ans) était tout de même parvenu à lui faire gagner directement le port de Toulon. Malgré ses mises en garde, on lui donna l’ordre de mener son navire à Porquerolles. Durant cette brève traversée, la Lune s’ouvrit en deux et sombra en un instant, « comme du marbre » (selon les propres mots du duc de Beaufort) :

« Une partie des officiers, qui avaient veillé extraordinairement la nuit précédente au jeu ou à la débauche, eurent à peine le temps de s’éveiller pour mourir. Un petit nombre de gens, et les moins choisis, se sauvèrent dans la chaloupe, d’où ils ne repoussaient pas seulement, mais tuèrent à coups de pique et de rame, par la crainte d’y périr eux-mêmes, la multitude qui s’y voulait jeter. Quelques autres échappèrent à la nage et entre ceux-là, le commandant lui-même et La Villedieu, aide de camp. On y perdit, outre le corps du vaisseau et l’équipage, 48 pièces de canon, 1 200 hommes, {a} la plupart du régiment de Picardie, dont ce vaisseau portait dix compagnies, quantité de volontaires, plusieurs des meilleurs officiers de l’armée et La Guillotière lui-même, qui sembla expier par sa mort tout ce que sa jalousie et son chagrin avaient eu de part à toutes nos aventures tragiques. » {b}


  1. Selon Pellisson, mais seulement la moitié selon d’autres sources.

  2. Relation tirée de Bernard Bachelot (op. cit. in note [2], lettre 799, pages 378‑379).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, page 250) a relaté l’événement, en date du 19 novembre :

« J’appris qu’un vaisseau, la Lune, chargé de sept cents hommes, dont dix compagnies de Picardie avec La Guillotière, avait péri à la vue de Marseille, où il était demeuré pour faire la quarantaine à cause de la peste, le vaisseau étant vieux et s’étant ouvert. C’est une perte grande, et {a} après celle de Gigeri, où il a péri quatre cents hommes qu’on laissa pour garder le camp tandis que les troupes s’embarquèrent, lesquelles virent ces pauvres malheureux se jeter à la mer plutôt que de tomber vivants aux mains des Maures. »


  1. Surtout.

La Gazette (ordinaire no 141 du 22 novembre 1664, pages 1153‑1154), en rendant compte de ces événements, déguisait la triste vérité, finissant par dire :

« De Marseille, le 12 novembre 1664. […] De sorte que cette retraite aurait été également honorable et heureuse si l’un de nos vaisseaux, appelé la Lune, sur lequel était une partie du régiment de Picardie, ne se fût perdu par la rencontre des bancs de sable entre Toulon et Hyères. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 21 novembre 1664, note 3.

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(Consulté le 20/04/2024)

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