À André Falconet, le 29 septembre 1665, note 3.
Note [3]

Mme de Motteville a décrit la consternation de la cour (Mémoires, page 558) :

« La nouvelle de la mort du roi d’Espagne arriva à la cour le 27 septembre, et ce prince était mort le 17 du même mois. La reine, {a} ce jour-là, était allée aux Carmélites. {b} Le roi lui manda de revenir au Louvre chez elle dans sa chambre, où il l’attendait, et de ne point entrer chez la reine sa mère avant que de l’avoir vu. La reine revint aussitôt, pleine d’inquiétude et de trouble de ce que le roi lui venait de mander. Cette princesse étant chez elle, lui demanda le sujet de son retour, et si la reine {c} était plus mal. Le roi lui dit que non, mais qu’il avait de mauvaises nouvelles à lui dire, et qu’il était fâché de lui apprendre que le roi son père était extrêmement malade. La reine voyant bien que ce qu’il disait voulait qu’il était mort, s’écria et lui dit : “ Je l’ai perdu, dites-le-moi, je vois que ce n’est que trop vrai. – Devinez-le, lui dit le roi, car je ne vous le puis dire. ” Cette princesse alors, n’en pouvant plus douter, se jeta toute pâmée de douleur entre les bras du roi, et pleura excessivement. Elle en fut si véritablement affligée qu’elle força le roi d’accompagner de quelques larmes celles qu’elle répandit en grande abondance. Après avoir passé ces premiers sentiments qui, à notre honte, ne passent en tous que trop brièvement, elle se mit au lit et le lendemain, elle y fut encore jusqu’au soir ; mais voulant voir la reine sa mère, {c} elle jeta un manteau de deuil sur elle et descendit dans sa chambre. Cette princesse, quasi mourante, apprenant cette même nouvelle, avait pleuré, et dit seulement, parlant du roi son frère, qu’elle le suivrait bientôt. »


  1. Marie-Thérèse, fille du roi Philippe iv d’Espagne.

  2. Couvent situé au du faubourg Saint-Jacques, en face du Val-de-Grâce.

  3. Anne d’Autriche, sœur aînée de Philippe iv.

Le fils unique de Philippe iv, Carlos José (Madrid 4 novembre 1661-ibid. 1700), âgé de moins de quatre ans, prenant le nom de Charles ii, montait sur le trône sous la tutelle de sa mère, Marie-Anne d’Autriche. Dernier rejeton légitime de la lignée décharnée des Habsbourg d’Espagne, le petit roi avait la mine et le comportement d’un débile. L’Espagne fut placée sous l’autorité d’un Conseil de régence d’où fut malheureusement écarté Don Juan d’Autriche, le fougueux bâtard de Philippe iv ; ce qui valut au royaume une longue période d’instabilité politique jusqu’en 1677.

Sous le règne de Charles ii, l’Espagne acheva de sombrer dans une décadence rapide qui s’était déjà bien amorcée sous le règne de Philippe iv. En dépit de deux mariages, Charles ii n’eut pas d’enfants et la diplomatie régla par deux fois, de son vivant et sans le consulter, le partage de sa succession. Malgré son aversion pour les Français, le Conseil finit par attribuer le trône d’Espagne à Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis xiv, à l’issue de la guerre de Succession (1701-1714). Fondateur de la dynastie des Bourbon d’Espagne, il régna sous le nom de Philippe v jusqu’en 1746.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 29 septembre 1665, note 3.

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(Consulté le 28/03/2024)

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