À Charles Spon, le 25 octobre 1652, note 30.
Note [30]

Prévenu que le roi le ferait arrêter s’il ne se décidait pas à partir, le duc d’Orléans prit le chemin de l’exil.

Mme de Motteville (Mémoires, page 441) :

« Ce prince fut obligé de fuir à la vue du roi qu’il n’avait point voulu venir trouver, quoique le duc de Damville, avant que le roi arrivât, lui en eût porté l’ordre. En refusant de voir le roi qui avait eu la bonté de le vouloir souffrir et de lui offrir le pardon des choses passées, il fallut qu’il évitât par son exil le chagrin de voir toutes ses entreprises accompagnées de honte et de malheur ; mais comme il demeura quelque temps indécis sur ce qu’il avait à faire, le roi et la reine, qui regardaient son absence comme nécessaire, approchant de Paris et voyant qu’il y était encore, tinrent conseil dans leur carrosse pour y prendre leur résolution ; et il y fut conclu, selon ce que la reine me fit l’honneur de me dire à mon retour de Normandie, d’envoyer des troupes droit au Luxembourg pour se saisir de sa personne. Le duc d’Orléans en ayant été averti et sachant les maux dont il était menacé, partit de Paris à l’instant même que le roi y entra, et fut se reposer de ses fâcheuses et inutiles sollicitudes en son château de Blois où le détrompement des vaines fantaisies de la grandeur et de l’ambition produisit en lui le désir des véritables et solides biens qui durent éternellement ; et il eut sujet alors de s’estimer heureux d’avoir été malheureux. »

Retz (Mémoires, page 1071) a jeté un autre regard sur l’événement :

« La reine me reçut admirablement ; elle dit au roi de m’embrasser comme celui à qui il devait particulièrement son retour à Paris. Cette parole, qui fut entendue de beaucoup de gens, me donna une véritable joie parce que je crus que la reine ne l’aurait pas dite publiquement si elle avait eu dessein de me faire arrêter. Je demeurai au cercle {a} jusqu’à ce que l’on allât au Conseil. Comme je sortais, je trouvai dans l’antichambre Jouy, qui me dit que Monsieur me l’avait envoyé pour savoir si il était vrai que l’on m’eût fait prendre place au Conseil et pour m’ordonner d’aller chez lui. Je rencontrai, comme j’y entrai, M. d’Aligre qui en sortait et qui venait de lui commander, de la part du roi, de sortir de Paris dès le lendemain et de se retirer à Limours. Cette faute a encore été consacrée par l’événement ; {b} mais elle est, à mon sens, une des plus grandes et des plus signalées qui ait jamais été commise dans la politique. Vous me direz que la cour connaissait Monsieur ; et je vous répondrai qu’elle le connaissait si peu en cette occasion qu’il ne s’en fallut de rien qu’il ne prît, ou plutôt qu’il n’exécutât la résolution qu’il prit en effet de s’aller poster dans les Halles, d’y faire les barricades, de les pousser jusqu’au Louvre et d’en chasser le roi. Je suis convaincu qu’il y eût réussi, même avec facilité, si il l’eût entrepris et que le peuple n’eût balancé {c} en rien, voyant Monsieur en personne, et Monsieur ne prenant les armes que pour s’empêcher d’être exilé. »


  1. De la reine.

  2. L’issue.

  3. Hésité.

Suit une longue narration de l’entretien qu’il y eut dans la soirée entre le cardinal de Retz, Monsieur et le duc de Beaufort, chaud partisan de la solution de force ; elle se conclut (page 1076) en ces termes :

« M. de Beaufort s’aperçut, comme moi, que Monsieur avait pris sa résolution et il me dit en descendant l’escalier : “ Cet homme n’est pas capable d’une action de cette nature. – Il est encore bien moins capable de la soutenir, lui répondis-je ; et je crois que vous êtes enragé de la lui proposer en l’état où sont ses affaires. – Vous ne le connaissez pas encore, me repartit-il ; si je ne la lui avais proposée, il me le reprocherait d’ici à dix ans. ” »

Journal de la Fronde (volume ii, fo 165 ro, 21 octobre 1652) :

« L’après-dînée, le duc de Damville arriva au palais {a} où il porta l’ordre du roi à S.A.R. {b} de sortir de Paris et d’aller à Limours ; autrement, que Sa Majesté, qu’il avait laissée au Bois de Boulogne, viendrait tout droit dans ce palais pour le mettre dehors ; à quoi Sadite Altesse, après avoir consulté M. de Rohan et quelques autres de sa Maison, fit réponse qu’elle obéirait volontiers, protestant que comme elle n’avait rien tant souhaité que le roi, elle n’apporterait jamais aucun obstacle au repos que Sa Majesté voulait donner à ses peuples, et qu’elle s’en réjouirait aussi bien dehors que dedans Paris. Cette réponse ayant été faite par écrit au duc de Damville, il la fut porter au roi qui l’attendait en la Maison Blanche {c} par-delà le Cour de la Reine, et où on tint Conseil là dessus ; et ce duc renvoya dire à S.A.R. que si elle y allait trouver le roi, son affaire s’accommoderait ; mais elle ne s’y voulut pas fier et répondit qu’elle aimait mieux s’en aller. Cependant, Mademoiselle étant venue au palais d’Orléans, fut fort surprise de voir S.A.R. dans cette résolution ; et après en avoir querellé le duc de Rohan, elle protesta que, pour elle, < elle > ne sortirait point de Paris, quelque ordre qu’il y en eût. Sur les sept heures du soir, le roi arriva à cheval à la clarté des flambeaux par la porte Saint-Honoré, parmi une grandissime foule de peuple, dont les cris de “ Vive le roi ” l’accompagnèrent jusque dans le Louvre, le Corps de Ville lui ayant été au-devant. »


  1. Au palais d’Orléans (le Luxembourg).

  2. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  3. Aujourd’hui place de l’Alma.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 25 octobre 1652, note 30.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0294&cln=30

(Consulté le 20/04/2024)

Licence Creative Commons