Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 1, note 30.
Note [30]

« Ô Vierge ! rien de plus futile ne pouvait t’être dédié par une plume, il n’y a rien de plus futile que la plume qui a écrit pour toi cet ouvrage. »

Gilles Ménage a commenté et complété ce distique dans son Anti-Baillet, {a} Du livre de Lipse, intitulé Virgo Hallensis (tome 1, pages 268‑269) :

« Monsieur Baillet. Les protestants ont tâché de décrier quelques-uns des petits livres que Lipse composa pour satisfaire sa dévotion, comme celui de Notre-Dame de Hau ou Hal. {b}

Ménage. Ce livre de Notre-Dame de Hau, intitulé Virgo Hallensis, est une énumération de miracles faits par l’intercession de la Vierge dans l’église de Notre-Dame de Hau. Et c’est au sujet de ce livre de Lipse, et de sa plume qu’il dédia à la Vierge par une plume d’argent, que Scaliger fit cette épigramme :

Post opus explicitum, quod tot miracula narrat,
Pennam Lipsiades hanc tibi, Virgo, dicat.
Nil potius levius penna tibi, Virgo dicare :
Ni forte est levius, quod tibi scripsit opus
. {c}

Lingelsheim fit contre ce livre de Lipse un écrit intitulé de Idolo Hallensi. Voyez le second Scaligerana, page 411, {d} et la lettre 315 de Scaliger, écrite à ce Lingelsheim. » {e}


  1. Le Dictionnaire de Trévoux sur Hal (v. supra note [28]) : « les Flamands disent Hau, Notre-Dame de Hau ; mais nous disons toujours Halle, ou Hall. »

  2. « À la fin de l’ouvrage qui conte tant de miracles, le poème de Lipse te dédie, ô Vierge, cette plume. Ô Vierge, il n’a rien pu te dédier de plus futile que cette plume ; et rien n’est peut-être plus futile que l’ouvrage qu’elle a écrit pour toi. »

    Pour les deux derniers vers, j’ai respecté la syntaxe latine différente des transcriptions fournies par le Grotiana et par Ménage.

  3. Secunda Scaligerana (page 427) :

    « Lingelsheimius, Autor de Idolo Hallensi est Lingelsheim, Consiliarius inferioris Consilii Palatini ; {i} c’est lui qui m’en a envoyé un exemplaire. Parce qu’il a été précepteur du prince, il a eu cet état et est aimé. {ii} Je reconnais en de Idolo Hallensi les traits de l’esprit de Lingelsheim ; je le connais fort bien, il m’a envoyé le livre et prié de lui en écrire mon jugement. »

    1. La Haye, 1688, v. note [31], lettre 97.

    2. « Lingelsheim, conseiller en la basse Chambre palatine, est l’auteur du de Idolo Hallensi ».

    3. Georg Michael Lingelsheim (Strasbourg 1556-Frankenthal 1636) avait été précepteur du futur électeur palatin, Frédéric iv von Wittelsbach (qui régna de 1583 à 1610), puis devint son conseiller, ainsi que celui de son fils et successeur, Frédéric v (1610-1632).

  4. Petrus Denaisius et l’auteur de l’anonyme Dissertatio de Idolo Hallensi… [Dissertation sur l’idole de Hal…] (1605, v. supra note [27]), mais Joseph Scaliger suspectait qu’elle fût de Lingelsheim, comme il le lui a écrit dans sa lettre datée de Leyde le 4 juin 1605 (Ép. lat. lettre cccxv, livre iv, pages 621‑622), à propos de ce petit livre quem non prius e manibus emisi, quam totum devoravim [que je n’ai pas lâché avant de l’avoir entièrement dévoré] :

    Miraborne prius acumen, leporem, elegantiam opusculi, an dolebo vicem eius, in quem ea faba cuditur, bene de literis meritum, amicum utriusque nostrum, sed sui et suarum partium adeo oblitum, ut ab invitis sui admiratoribus justissimam expresserit castigationem, quæ nisi et bonitate causæ et necessitate rei sese tueretur, ab inimicis potius quam ab amicis profecta videri posset. Equidem vates non sum ; neque tamen aliter de auctore pronuntiare possum, quam alium esse non posse, quam in quem omnes dotes ingenii et pietatis competant quibus mihi constat te præditum esse. Si fallor, non hunc primum, neque primus a justissimis argumentis in errorem ductus sum. Scio et quotidie profiteor ac testor, in vestra Germania non deesse ingenia extra aleam posita, quæ scibendo aliarum nationum homines provocare possint ; sed paucissimos esse qui illud acetum habeant, quo ille liber perfusus est, si dixero, nemini vestratium injuriam fecero. Et profecto neque Gallia mea, neque Italia, quam cum Germania meam quoque dicere possum, meliorem, quid meliorem ? talem fœtum edere posset. Quisquis est auctor, si amicus noster, non alius fuerit præter te ; si ignotus mihi, habeat me in posterum in suis ; et novum sui laudatorem et amatorem accipiat.

    Sed lectissimus ille vir, futilissimi argumenti præco, conquiescere non potuit ; neque satis putavit illa fœtura levitatis se traductum, nisi parilis vanitatis opus superiori adderet, in quo certare secum de vaniloquentia videtur. Unum exemplar huc allatum ab amico utendum accepi : ad quod percurrendum majore patientia quam pro homine Gallo opus est. Percurri tamen, et quamvis navigatione tam molesta nauseavi, tamen hanc voluptatem cæpi, quod, quæ ille magis seria existimat, ea majorem mihi cachinnum excusserunt. Qui in prius opus scripsit, habet hic quæ denuo agat : et quanquam in priore libro omne de auctore judicium exhaustum est ; in posteriore lucubratione non parvam partem scriptionis ipsum argumentum sibi vindicat. Fertilissima seges est : in cujus messe satis desudandum priusquam ad spicilegia perventum fuerit. Miseret me hominis, quem unice amo et miror. Sed ille hoc amat, id vero serio triumphat. Habeat, quandoquidem hoc morbo laborat.

    [J’admire assurément l’extrême finesse, le charme, l’élégance de l’opuscule, mais suis peiné pour celui qui en fait les frais, à savoir notre commun ami, {i} qui a bien mérité des belles-lettres ; il a néanmoins tant failli à lui-même et à ses intérêts que ses admirateurs l’ont très justement blâmé, quoiqu’à contrecœur ; si tant la légitimité de leur cause que la nécessité de leur accusation ne justifiaient leurs reproches, ils pourraient plutôt sembler proférés par des ennemis que par des amis. N’étant certes pas devin, je suis incapable de me prononcer sur l’auteur ; je me contenterai de dire qu’il ne peut s’agir que d’un homme en qui s’unissent tous les talents d’intelligence et de piété dont il me paraît clairement que vous êtes pourvu. Si je me trompe, ce ne serait pas la première fois que je le ferais, et je ne serais pas le premier que de très justes arguments ont mené à l’erreur. Je sais et, tous les jours, je professe et témoigne que votre Allemagne ne manque pas de génies sortant de l’ordinaire, dont les écrits sont capables de défier ceux des autres nations ; mais il en est fort peu qui possèdent le vinaigre qui est répandu dans ce livre, ce que je dis sans intention de blesser aucun de vos concitoyens. Et ni ma France, ni l’Italie (dont je puis dire que, comme l’Allemagne, elle est aussi ma meilleure patrie, mais pourquoi meilleure que les autres ?) ne pourraient assurément engendrer un tel enfant. Quel que soit l’auteur, s’il est mon ami, ce ne peut être que vous ; si je ne le connais pas, qu’il me compte dorénavant parmi ses amis et qu’il reçoive la louange et l’affection de celui qu’il vient de se faire. {ii}

    Néanmoins, ce très savant homme, {i} qui s’est fait le héraut d’une démonstration parfaitement futile, ne sait trouver le repos : il n’a pas suffisamment réfléchi avant de se laisser aller à produire un ouvrage d’une telle légèreté, à moins qu’il ait voulu surpasser en vanité celui qu’il a précédemment publié, où on l’a vu rivaliser en frivolité avec lui-même. {iii} J’en ai reçu un exemplaire qu’on m’envoyait ici à l’intention d’un ami : pour le parcourir, il faut plus de patience que n’en a un Français ; je l’ai toutefois parcouru et, même si cette pénible navigation m’a donné la nausée, j’y ai trouvé plaisir à éclater de rire en lisant que ce que l’auteur estime être fort sérieux. Dans son nouvel ouvrage, il rabâche ce qu’il avait écrit dans le précédent ; et du reste, si le premier livre a ruiné tout bon jugement qu’on pouvait avoir sur l’auteur, dans sa seconde élucubration, {iv} il consacre la plus grande part de ce qu’il écrit à justifier ses arguments. Le champ est très fertile : la récolte y demande assez de sueur avant de parvenir à glaner quelque chose. J’ai pitié de cet homme, que j’aime et admire profondément ; mais ce que lui aime vraiment, c’est d’être tout drapé d’honneur. Qu’il en aille donc ainsi, puisqu’il souffre de cette maladie].

    1. Juste Lipse.

    2. Scaliger avait raison d’attribuer la Dissertatio à une plume allemande, mais se trompait en pensant que c’était celle de l’ami auquel il écrivait. Dans sa réponse à Scaliger, datée de Heidelberg le 28 juin 1605 (Correspondence, volume 6, pages 76‑78), Lingelsheim a rendu à Petrus Denaisius (v. supra note [27]) ce qui lui appartenait.

      Secunda Scaligerana (page 290) :

      « Denaisius. Lingelsheim m’a écrit que l’auteur de Idolo Hallensi est Denaisius, assesseur de la Chambre impériale. Et parce qu’il vit entre des jésuites, il ne désire être nommé ; il est de Strasbourg comme Lingelsheim. »

    3. Scaliger semblait ici s’égarer dans la chronologie des deux livres de Lipse sur les vierges flamandes (v. note [29], lettre 195) : le premier (que critiquait la Dissertatio de Denaisius) était la Diva Virgo Hallensis… [La Sainte Vierge de Hal] (1604), et le second, la Diva Sichemiensis… [La Déesse de Sichem…] (1605).

    4. Fruit des veilles studieuses (v. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 1, note 30.

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(Consulté le 29/03/2024)

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