À Charles Spon, le 21 avril 1655, note 31.
Note [31]

« le gymnasiarque d’Orange. »

Samuel Sorbière, sous le pseudonyme de Sebastianus Alethophilus, est tenu pour l’auteur d’une lettre à la gloire de Jean Pecquet (v. note [5], lettre 390). Il était alors principal (« chef du gymnase ») du collège protestant d’Orange, Arausio en latin, qui donne Arausiensem, et non Oransiensem, comme l’écrit de manière un peu barbare l’auteur du Genius Pantoulidamas… (v. infra note [35]) en deux endroits.

  • Pages 25‑26 :

    Hanc sane rudem et impolitam epistolam et Medico disparem et verucausam {a} Pecquetum claris. virum in suum de venis lacteis eruditum opus miror transtulisse, ut et Sebastiani Alethophili impudentissimi et illiteratissimi Oransiensis Gymnasiarchæ Prisciani sordis et caculæ crassioris e cœno fæceque collegii tineæ nuper emergentis et prorumpentis exaratum summa cum aspredine sermonis opus.

    [Je m’étonne que, dans son savant ouvrage sur les vaisseaux lactés, le très brillant Pecquet ait transcrit cette lettre vraiment grossière et impolie, verruqueuse et indigne d’un médecin ; écrite avec très grande aspérité du discours, c’est l’ouvrage de Sebastianus Alethophilus, très impudent gymnasiarque d’Orange et parfaitement illettré, honte de la grammaire, goujat inculte, ténia qui a récemment émergé et jailli de l’ordure et de la fange du collège].

  • Page 31‑32 :

    En Alethophile, Perbelle quidem, o egregia et nova Gymnasiarchæ Oransiensis medendi ac Medicinæ ratio, qua tota fœlix Arabia corruit, tota squallet Græcia, qua Scholæ vacant, sordent Academiæ, silet Hippocrates, Galenus exulat […] Gaudeat hæc civitas [Lutetia] totius Europæ celeberrima, divinarum humaniorumque Musarum lumen, columen et culmen, si tantum sanitatis recuperandæ servandæque lumen Alethophilum Alectophilum et nugarum fidelissimum et solertissimum cultorem, venerabundi quoquot omnes adeant.

    [Voici Aletophilus, fort joliment certes, ô nouvelle et remarquable méthode de médecine du gymnasiarque d’Orange pour remédier, par laquelle la féconde Arabie tout entière s’écroule, la Grèce tout entière est crasseuse, les écoles sont vides, les académies sont méprisables, Hippocrate se tait, Galien est banni (…). Que se réjouisse cette cité (Paris), la plus célèbre de toute l’Europe, flambeau, sommet et apogée des Muses divines et raffinées, si tout ce qui existe de gens respectueux va trouver Alethophilus Alectophilus, {b} grande lumière qui permet de conserver et de rétablir la santé, et le plus fidèle et habile laboureur de sornettes].


    1. Sic pour verrucosam.

    2. « l’adepte de la vérité [alêtheia], adepte d’Alecto [la Furie dont le nom signifie l’Implacable, v. note [35], lettre 399, note {d} de la première série de notules] ».

Les reproches du Genius n’étaient pas infondés, comme le montrent ces deux courts extraits (pages 169‑170) de la lettre d’Alethophilus où il malmène allégrement les deux idoles de la médecine dogmatique, mais où le latin n’est intelligible qu’à condition de ne tenir aucun compte de la syntaxe.

  • Contre Hippocrate :

    Inde conflati Aphorismorum libri, quos sedula posteritas, indigestos quamvis et nullo ordine conscriptos, ut plane constet Hippocratis schedulas et miniatulas ceras fuisse, reverenter excepit, ut quidem par erat ; sed pro oraculis e tripode perperam et præter mentem scripturientis habuit.

    [De là vient que les livres des Aphorismes que la postérité zélée a respectueusement recueillis sont confus à l’envi et composés sans aucun ordre ; on voit nettement qu’il s’est agi de notes qu’Hippocrate a crayonnées, quand il en ressentait l’envie ; mais, à tort et en dépit du bon sens, on les a tenus pour oracles écrits depuis le trépied de la Pythie].

  • Contre Galien :

    Verum liceat mihi coram te παρρησιαζεοθαι et de Asiatica illa qua madet prolixitate conqueri, ut cum Plinio dicam, Heu vana et imprudens diligentia. Numerus librorum computatur ubi quæritur pondus. Ubertas illa sermonis et indefessa garrulitas ab scriptis medicis, non minus, quam a Mathematicis et Physicis, procul eliminari debet, et multa paucis, quantum fieri potest, modo clare, perspicue et enucleate, compectenda. {a} Næ, si quis secus faciat, et in scriptis didaticis tantopere luxurietur, ut rem unam eandemque, nec magni aliquando momenti, centies stylo vario enunciate gaudeat, otio ille abutitur lectorum et suo.

    [Pour la déplorable prolixité qui dégouline de cette œuvre asiatique, {b} laisse-moi te parler franchement et te dire à la manière de Pline : Heu vana et imprudens diligentia. Numerus librorum computatur ubi quæritur pondus. {c} Les écrits des médecins, non moins que ceux des mathématiciens et des naturalistes, doivent chasser bien loin cette abondance du discours et ce caquetage incessant ; il faut ramasser beaucoup en peu, autant que possible et dans la mesure où l’on préserve la clarté, la netteté et le dépouillement. Dans les écrits didactiques, faire autrement et se laisser aller à la surabondance, au point de se complaire à énoncer une seule et même chose de cent manières différentes et à tout bout de champ, c’est gâcher son propre temps et celui du lecteur].


    1. Sic pour compingenda (compectere n’est pas un verbe latin).

    2. Le style dit asiatique est diffus et chargé d’ornements inutiles ; de plus, Galien était natif de Pergame en Asie Mineure.

    3. « Calcul vain et déraisonnable, hélas ! on compte le nombre des livres, quand il faut en peser la valeur. »

      Pline (Histoire naturelle, livre vii, chapitre xli ; Littré Pli, volume 1, page 301) :

      Heu vana et inprudens diligentia ! numerus dierum conparatur, ubi quaeritur pondus !

      « Calcul vain et déraisonnable ! on compte les jours, il les faudrait peser. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 21 avril 1655, note 31.

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(Consulté le 25/04/2024)

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