Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 31.
Note [31]

« Rends ton aigle à l’Empire, ta colonne aux Colonna, ton ourse aux Orsini : seule t’appartient la chaîne. »

Les Cesarini étaient une illustre famille de la noblesse romaine qui prétendait descendre de Jules César. Dans l’article qu’il lui a consacré, Moréri a expliqué ces deux vers qui touchent à la douteuse ascendance antique de cette lignée :

« Celle-ci, néanmoins, porte dans ses armes une aigle romaine, à cause de l’origine qu’elle se donne. Elle y a joint, outre cela un<e> ours<e> attaché<e> par une chaîne à une colonne. Autrefois, cette aigle était accompagnée d’un mouton ; mais depuis qu’un cavalier de cette famille, toujours attachée aux Colonna, chefs des gibelins, eut eu le dessus dans une escarmouche donnée près de Saint-Jean-de-Latran et se fut emparé d’un des drapeaux des Ursini, les chefs des guelfes, {a} les Cesarini, en mémoire de cette action, ont mis dans leurs armoiries un<e> ours<e> enchaîné<e> à une colonne ; ce qui donna occasion à la pensée suivante, qu’un bel esprit de ce temps-là mit en vers […]. {b}

À quoi un autre répliqua,

Ursinis Ursam, Columis reddo Columnam,
Reddo Aquilam Imperio, cuncta Catena ligat
. » {c}


  1. Gibelins et guelfes étaient les deux fameuses factions qui s’affrontèrent en Italie tout au long au xiiie s. pour savoir si le pays devait être dirigé par le Saint-Empire, ou par la papauté et la Maison d’Anjou.

    V. notes note [9], lettre 399, pour Saint-Jean-de-Latran, [6], lettre 671, pour l’illustre famille napolitaine des Colonna et son union avec celle du cardinal Mazarin (mariage de Lorenzo Onofrio Colonna avec Marie Mancini en 1661), et [39] (première notule {a}) du Naudæana 2, pour une brève mention du lien entre les Orsini (ou Ursini) et les Médicis.

  2. Moréri a ici transcrit le distique latin cité par Gabriel Naudé.

  3. « Je rends l’ourse aux Orsini, la colonne aux Colonna, l’aigle à l’Empire, mais une chaîne les lie tous les uns aux autres. »

Issu de cette noble famille, Virginio Cesarini (Rome 1595-ibid. 1624) génie précoce, mourut avant d’avoir rien publié. Il brilla surtout par ses poésies latines et italiennes, mais il maîtrisait l’ensemble des connaissances humaines de son temps : philosophie, poésie, mathématiques, astronomie, médecine, droit… Ami et défenseur de Galilée, il n’en était pas moins apprécié à la cour pontificale : le pape Urbain viii l’avait nommé camérier et l’aurait fait cardinal s’il avait vécu plus longtemps.

Justus Rycquius (Josse de Rycque, Gand 1587-Bologne 1627), chanoine de Gand, a partagé son existence entre les Pays-Bas espagnols et l’Italie. Il a rempli des charges de bibliothécaire, enseigné l’éloquence à Bologne et écrit une vie de Virginio Cesarini (imprimée à Padoue en 1629), dont je n’ai pas trouvé la référence exacte dans les catalogues que j’ai consultés.

L’In funere Virginii Cæsarini Oratio Alexandri Gottifredi e Societate Iesu. Ad S.P.Q.R. dum ei in æde Virginis Capitolinæ publico sumptu parentaret [Oraison funèbre de Virginio Cesarini, par Alessandro Gottifredi (v. note [40], lettre 469), de la Compagnie de Jésus. Au Sénat et au peuple romain qui a célébré ses funérailles, sur les fonds publics, en l’église de la Vierge capitoline (la basilique Santa Maria in Aracœli)] (Rome, Aless. Zanettus, 1624, in‑4o) a pour principal intérêt de s’ouvrir sur un opulent frontispice (avec l’aigle, la colonne, l’ourse et sa chaîne), qui présente les portraits de Virginio Cesarini et de Jean Pic de la Mirandole (v. note [53] du Naudæana 2), à qui tout Rome le comparait.

Le chapeau rouge que le pape avait destiné à Virginio aboutit sur la tête de son frère aîné, Alessandro Cesarini juniore (Rome 1592-ibid. 1644) : nommé cardinal en 1627, il devint évêque de Viterbe en 1636.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 232‑233 :

« Virginio Cesarini était fils du seigneur Giuliano, duc de Cittanuova. Il naquit à Rome au mois d’octobre 1595, et mourut en avril 1624. Le cardinal Bellarmin {a} l’avait engagé d’écrire contre ces prétendus esprits forts qui nient l’immortalité de l’âme, et l’ouvrage était déjà commencé lorsque ce jeune savant mourut. Cette mort prématurée empêcha qu’Urbain viii ne le créât cardinal, comme ce pape l’avait résolu ; mais afin que sa famille ne perdît pas tout à fait les avantages qu’elle pouvait espérer du mérite extraordinaire de Virginio, il donna à son frère Alessandro Cesarini le chapeau qu’il lui avait destiné. On voit assez par là que c’est parler très improprement que de dire que Virginio Cesarini était parent du cardinal Césarin : s’exprime-t-on de cette manière quand on veut désigner deux frères ? Le P. Alexandre Gottifredi, jésuite, fit imprimer en 1624 une oraison funèbre sur la mort de notre Virginio, à la tête de laquelle on voit aussi son portrait opposé à celui de Pic de la Mirande. » {b}


  1. Saint Roberto Bellarmino, v. note [16], lettre 195.

  2. Vitry expliquait ici le prestige dont Virginio Cesarini a joui auprès de la cour pontificale, en raison de son opposition aux idées libertines, et confirmait que la vie de Cesarini écrite par Justus Rycquius était probablement une attribution erronée du Naudæana. L’article qui y est imprimé réunit maladroitement les deux que contient le manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin).

    • Page 6 :

      « Le cardinal Césarin d’aujourd’hui est de la famille de celui qui fut tué en Hongrie, nommé Julian, l’an 1444, en la défaite de Ladislas, roi de Hongrie et de Pologne, par le Grand Turc Amurat. {i} Celui-ci avait un frère nommé Virginio Cesarini, qui a été, à ce que disent les Italiens, le Picus Mirandulanus de son âge. Il était maître de chambre du pape. Il est mort à Rome de la vérole, âgé de 30 ans. »

    • Page 341 :

      « La famille des Césarins à Rome se dit tirer son origine d’un bâtard de Jules César. Il y en a eu 4 cardinaux qui, comme on peut voir dans Ciaconius de vitis Pontif. Edit. Rom. pag. 1116, 1329, 1424, 1975, portent pour armes une aigle, une colonne, un ours et une chaîne de fer. {ii} Ces armes sont belles à la vérité mais ils ont emprunté l’aigle de l’Empire, la colomne de la famille des Colonnes, et l’ours, de celle des Ursins. Pour la chaîne, elle vient à ce qu’on dit d’un de leur famille qui était général des galères du pape il y a quelques siècles […]. » {iii}

      1. Bataille de Varna remportée par Mourad ii contre Ladislas iii, le 10 novembre 1444.

      2. Ces quatre cardinaux Cesarini ont été Giuliano seniore (nommé en 1426), Giuliano juniore (1493), Alessandro seniore (1517) et Alessandro juniore (1627).

        Je n’ai pas trouvé l’édition des Vitæ et gesta summorum pontificum [Vies et actes des souverains pontifes] d’Alfonso Chacon (v. note [2], lettre 304) à laquelle se référait le Naudæana manuscrit de Vienne, qui les contenait tous les quatre. Dans celle de Rome, 1601, les armes d’Alessandro seniore sont à la page 1077 (image xxxii) : colonne surmontée d’un aigle, à laquelle est enchaînée une ourse.

      3. Suivent les deux distiques cités, traduits et commentés plus haut dans la présente note.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 31.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8195&cln=31

(Consulté le 19/04/2024)

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