À Charles Spon, le 4 novembre 1650, note 32.
Note [32]

Journal de la Fronde (volume i, fo 317 ro et vo, 4 novembre 1650) :

« Quelques ennemis de M. le cardinal ayant acheté des copies de son portrait, < les > ont attachées cette nuit à des poteaux en quatre endroits de Paris avec une corde qui entrait à l’endroit du col par deux trous qu’on y avait faits, et sortait au-dessus de la tête pour le faire paraître pendu en effigie ; et outre cela, ont appliqué aux coins des rues les deux placards ci joints :

Jules Mazarin,
Pour avoir diverses fois empêché la conclusion de la paix générale ;
Pour avoir fait commettre plusieurs assassinats, desquels par des preuves plus que suffisantes il a été convaincu d’être seul auteur ;
Pour avoir dérobé et transporté les deniers hors du royaume ;
Pour avoir vendu tous les bénéfices qui ont vaqué depuis la régence ;
Pour avoir voulu affamer la ville de Paris et sacrifier à sa haine les bourgeois d’icelle ;
Pour avoir fait enlever les blés hors du royaume et les avoir vendus secrètement aux ennemis de l’État ;
Pour avoir, par ses enchantements et sortilèges, suborné l’esprit de la reine ;
Pour avoir transgressé les coutumes de France et renversé les lois divines et humaines ;
Enfin, pour avoir été par des preuves certaines plusieurs fois convaincu de crimes de lèse-majesté au premier chef, a été condamné d’être pendu et étranglé ; et pour n’avoir encore pu être saisi et appréhendé au corps, son tableau attaché par les mains du bourreau à la potence et exposé pendant 24 heures ès lieux communs et destinés pour faire l’exécution des criminels, savoir à la place de Grève, à la Croix du Trahoir, {a} aux Halles et au bout du Pont-Neuf, le 4 novembre 1650.

Avis aux Parisiens
Peuple de Paris, considère que l’attentat fait samedi dernier en la personne de M. de Beaufort  {b} par le cardinal Mazarin est une marque assurée du dessein qu’il a de le perdre, car il ne l’a osé entreprendre tant qu’il l’a cru son protecteur, jusques à ce qu’il l’ait fait décrier par la ville par mille libelles diffamatoires contre ce seigneur ; et ne l’ayant pu obliger par ses artifices à consentir à sa ruine, il l’a voulu faire assassiner pour ensuite se venger de la ville de Paris, après s’être défait d’une personne si considérable et si incorruptible que les charges, alliances, ni les promesses n’ont pu détourner de tes intérêts, pour lesquels il sera toujours prêt d’exposer sa vie. »


  1. V. note [5], lettre 39.

  2. V. note [7], lettre 248.

Nicolas Goulas (Mémoires, tome iii, pages 263‑264) :

« Le peuple ne fit que rire et le laissa dépendre par les officiers du roi, sans faire de bruit ; ce que ses serviteurs et les personnes de bon sens expliquèrent que la Fronde ne voulait pas qu’il {a} revînt à Paris, afin d’avoir prétexte de le rendre odieux au peuple qui désirait passionnément le retour du roi, et d’exciter quelque sédition. »


  1. Mazarin.

Vallier (Journal, tome ii, pages 213‑214) :

« Enfin, le mépris que l’on avait conçu contre M. le cardinal Mazarin fut si grand et l’insolence des frondeurs, si extrême qu’ils ne craignirent point de faire attacher des portraits dans les principales places de Paris, comme à la Croix du Tiroir, au bout du Pont-Neuf et à la place Maubert, avec des placards imprimés, très injurieux et indignes du respect qui est dû à un premier ministre ; car quoique très malhabile et même très injuste, il n’appartient pas à des sujets d’user de telles voies qui tendent toujours à sédition et sont de très dangereuse conséquence. Ces portraits étaient au naturel, peints en huile et bien enchâssés, {a} et avaient au moins coûté deux pistoles chacun […] et les avait-on attachés et pendus au haut de ces grands poteaux de bois qui sont au milieu des rues et servent à soutenir les chaînes de la ville lorsqu’on les veut tendre.
M. le lieutenant civil en ayant eu avis le matin du 4 novembre, partit incontinent de chez lui pour aller ôter tous lesdits portraits, et commença par celui de la Croix du Tiroir, qui était si bien noué et attaché au poteau qu’il fallut couper la corde pour l’avoir. » {b}


  1. Encadrés.

  2. V. note [19], lettre 247, pour la réaction de Mazarin à cette méchanceté contre lui.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 novembre 1650, note 32.

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(Consulté le 20/04/2024)

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