Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 2, note 33.
Note [33]

Étienne de La Boétie (Sarlat 1530-Le Taillan-Médoc 1563), conseiller catholique au parlement de Guyenne en 1554, poète et écrivain, est surtout connu pour avoir été l’intime ami de Michel de Montaigne et l’auteur du Discours de la servitude volontaire ou le Contr’un : condamnation de toutes les formes de la tyrannie, d’abord écrite en latin, puis publiée en français en 1576 (v. infra), pour connaître depuis un très grand nombre de rééditions.

V. note [19], lettre 176, pour François Hotman (Hotomanus) et sa Gaule française (Cologne, 1574), dénonçant les abus du pouvoir dans le massacre de la Saint-Barthélemy (1572, v. note [30], lettre 211).

Ces deux ouvrages ont été insérés dans les trois tomes des Mémoires de l’état de France sous Charles ix (Meidelbourg, 1578, v. note [7], lettre 759).

  • Le Discours de la Boétie y a été imprimé pour la première fois (anonymement et sans son sous-titre de Contr’un), dans le tome troisième, pages 160‑191. La conclusion sur les victimes des tyrans (pages 190‑191) montre l’audace de l’ouvrage et explique le succès qu’il connaît encore de nos jours :

    « Mais c’est plaisir de considérer qu’est-ce qui leur revient de ce grand tourment, et le bien qu’ils peuvent attendre de leur peine et de cette misérable vie. Volontiers le peuple, du mal qu’il souffre, n’en accuse pas le Tyran, mais ceux qui le gouvernent. Ceux-là, les peuples, les nations, tout le monde à l’envi, jusques aux paysans, jusques aux laboureurs, ils savent leurs noms, ils déchiffrent leurs vices ; ils amassent sur eux mille outrages, mille vilenies, mille maudissons. {a} Toutes leurs oraisons, tous leurs vœux sont contre ceux-là. Tous les malheurs, toutes les pestes, toutes les famines, ils les leur reprochent ; et si quelquefois ils leur font par apparence quelque honneur, lors même, ils les maugréent en leur cœur, et les ont en horreur plus étrange {b} que les bêtes sauvages. Voilà la gloire, voilà l’honneur qu’ils reçoivent de leur service envers les gens, desquels, quand chacun aurait une pièce de leurs corps, ils ne seraient pas encore (ce semble) satisfaits, ni à demi saoulés {c} de leur peine. Mais certes, encore après qu’ils sont morts, ceux qui viennent après ne sont jamais si paresseux que le nom de ces mange-peuples ne soit noirci de l’encre de milles plumes, et leur réputation déchirée dans mille livres, et les os mêmes, par manière de dire, traînés par la postérité, les punissant encore après la mort de leur méchante vie. Apprenons donc quelquefois, apprenons à bien faire. Levons les yeux vers le ciel, ou bien pour notre honneur, ou pour l’amour même de la vertu, à Dieu tout-puissant, assuré témoin de nos faits, et juste Juge de nos fautes. De ma part, je pense bien, et ne suis pas trompé, puisqu’il n’est rien si contraire à Dieu, tout libéral et débonnaire, que la tyrannie : qu’il réserve bien là-bas à part pour les tyrans et leurs complices quelque peine particulière. »


    1. Malédictions.

    2. Extraordinaire.

    3. Rassasiés.

    Adolphe Rechastelet en a donné une édition commentée et enrichie des textes de Montaigne sur son ami : De la Servitude volontaire ou le Contr’un. Par Étienne de La Boétie. Ouvrage publié en l’an 1549 et transcrit en langue moderne pour être plus à la portée de chacun, voire des moins aisés (Bruxelles et Paris, Chez les marchands de nouveautés, 1836, in‑12).

  • Le volume second (pages 577‑733) contient La France-Gaule, ou Gaule française de F. Hotoman jurisconsulte. Elle est suivie de ce commentaire du compilateur des Mémoires (pages 733‑734) :

    « Ce livre réveilla merveilleusement les Français et, de divers endroits, le Docteur Hotoman fut remercié du bien qu’il avait fait, ayant éclairci par bons et suffisants témoignages ce qui était demeuré comme enseveli par la malice de certains garnements abusant de la facilité des rois, et se servant de leur autorité pour asservir les Français d’une façon misérable. Aussi les flatteurs courtisans, et ceux qui depuis quelques années brouillent l’État, comme on le voit, se sentant piqués jusques au cœur en ce discours, et ne pouvant porter une si libre et sainte vérité, frémissaient et cherchaient tous moyens d’y pourvoir. Nous laisserons pour le présent beaucoup de leurs pratiques et menées pour ce regard, d’autant que notre intention n’est pas d’écrire les légendes et toutes les actions particulières de telles gens, que le temps, avec sa fille vérité, ne dépeindront que trop vivement. Seulement, pource que ledit sieur Hotoman fait mention en quelque endroit, et spécialement au dernier chapitre de Matharel et de Papire Masson, {a} nous toucherons ce point pour l’intelligence des choses. Dès l’an 1573, ce livre fut mis en lumière par Hotoman, et tout incontinent courut partout. Or, combien qu’il eût accueilli à cause de cela la haine de tous ceux qui n’aiment le bien et repos de la France, et que les suppôts du Conseil secret sentissent bien que c’était la plus grosse et rude pierre que l’on eût jetée en leur jardin, néanmoins son livre vola et fut bien lu. Au bout de deux ans, un Antoine Matharel, se disant procureur de la reine mère, {b} écrivit en latin une réponse à ce livre. Il fut aidé d’un Papire Masson, jésuite renié, et maintenant aux gages du sieur de Chiverny ; {c} mais au lieu de couvrir l’ordure de la tyrannie, ils la rendirent plus puante en la remuant. Et s’il y eut jamais écrits impudents et sots, ce sont ces réponses-là, auxquelles Hotoman aussi ne daigna s’arrêter. On leur dressa des pasquils et passavants {d} qui leur fermèrent la bouche, tellement que depuis l’on n’a ouï nouvelle d’iceux. D’autant donc que ces réponses de Matharel et Masson méritent d’être ensevelies pour l’honneur de notre France, nous n’avons voulu fâcher les yeux des lecteurs en leur présentant telles ordures. »


    1. Je n’ai pas lu les noms d’Antoine Matharel et de Jean-Papire Masson dans le dernier chapitre d’Hotman, mais leur attaque (ultérieure) contre son livre est détaillée dans la note [19], lettre 176.

    2. Catherine de Médicis.

    3. Le Chancelier Philippe Hurault, comte de Chiverny (v. note [4], lettre 589).

    4. Les pasquils sont les pasquinades (v. note [5], lettre 127).

      Ici employé comme étrange synonyme de libelle, un passavant était, à proprement parler, un « billet que donnent les commis aux recettes des bureaux des douanes ou des entrées, pour donner permission ou liberté aux marchands et voituriers de mener leurs marchandises plus loin, soit après avoir payé les droits, ou pour marquer qu’il les faut payer en un autre bureau, ou qu’elles ne doivent rien, quand il n’y a qu’un simple passage sans commerce » (Trévoux).


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 2, note 33.

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(Consulté le 25/04/2024)

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