Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 36.
Note [36]

Henri viii créa le marquisat de Pembroke pour Anne Boleyn en 1532. Le divorce du roi est le schisme sont repris dans l’article suivant de L’Esprit de Guy Patin.

Nicholas Sanders a décrit la lamentable fin d’Anne Boleyn après la naissance d’Élisabeth en septembre 1533 (livre i, pages 88 vo‑89 vo) :

« Le temps était venu auquel Anne devait enfanter derechef, mais elle ne jeta hors, sinon quelque masse de chair sans aucune forme ni figure, et rien davantage. {a} Le roi voulant à toute force voir ce qu’Anne avait enfanté, à cette cause, après qu’elle fut délivrée, il entra dedans la chambre. Anne, non seulement dolente d’avoir avorté, mais encore jalouse et malcontente de ce que le roi avait transporté son amour autre part ; {b} “ Voici ! (ce dit-elle au roi) ne voyez-vous pas comme depuis le jour que je vis cette putain Jeanne assise en votre giron, mon ventre a bien fait son devoir ? – Mon petit cœur (lui répondit le roi), prends bon courage ! je ne te donnerai plus occasion ci-après de te plaindre de moi. ” Le roi aussitôt sortit fort fâché.

Or Anne, voyant que le roi Henri n’avait eu jusqu’alors aucun enfant mâle d’elle, et que même elle n’en espérait point de lui ci-après, elle délibéra d’essayer, par quelque autre moyen, < si > elle, qui était < dé>jà femme du roi, < ne > pourrait point aussi être mère de roi. Or elle pensait que si elle avait plutôt affaire avec son frère George de Boulen, son adultère serait d’autant plus couvert et secret que si elle avait compagnie de quelque autre ; voire, l’orgueilleuse femme qu’elle était, et très amoureuse de soi-même, voulait que de la race et sang des Boulen, des deux côtés, il y eût un mâle qui occupât le royaume d’Angleterre. Mais ne pouvant non plus, par ce détestable inceste, venir à chef {c} de ce qu’elle désirait, elle commença à s’abandonner à plusieurs, voire avec tel débordement que, outre Norris, Weston et Brereton, hommes assez nobles encore, elle, qui était reine, s’abandonna à un sien musicien, nommé Mark.

Cette tant débordée paillardise ne pouvant longuement être cachée au roi, si fit-il semblant {d} de n’en rien savoir, jusques au premier jour de mai. {e} Or ce même jour, comme le roi était à Greenwich regardant quelques passe-temps et joyeusetés, ou jeux publics, et avisant qu’Anne de Boulen avait jeté par la fenêtre un mouchoir à l’un de ses amoureux, pour essuyer son visage plein de sueur à raison de la grande chaleur qu’il faisait, il en fut si fâché que, sortant incontinent du théâtre sans saluer personne, il s’en alla à Londres, au château de Westminster, distant de Greenwich de cinq milles, accompagné seulement de six personnes pour sa suite ; ce qu’ayant été rapporté à Anne, elle se retira aussi de la troupe et, se doutant bien que le roi n’avait point fait cela sans occasion, elle ne sut < se > reposer la nuit du soin et sollicitude qu’elle avait en son esprit.

Elle fit le lendemain apprêter des nacelles et galères à trois rangées d’avirons pour être portée à Londres sur la rivière de Tamise ; et comme elle était presque au milieu du chemin, voici, sur la même rivière, les officiers du roi qui l’attendaient pour l’appréhender et mener prisonnière en la forteresse qui était sur le bord de ladite rivière. Là, Anne de Boulen se prend premièrement à s’étonner, voire à se courroucer à bon escient, puis à se plaindre et lamenter avec horribles cris ; et finalement, à supplier et très vitement requérir qu’il lui fût permis ou de parler au roi, ou du moins se présenter devant Sa Majesté. Toutefois, le roi Henri ne lui octroyait rien de tout cela car, ayant joui de Jeanne Seymour, il avait déjà désigné {f} en son esprit la mort d’Anne. Dont {g} peu de jours après, Anne étant menée au siège judicial public, et condamnée d’adultère et d’inceste, voire par Thomas de Boulen, son père putatif, lequel par commandement du roi siégeait entre les autres juges, elle fut décapitée le 19e jour de mai, n’ayant point encore joui cinq mois entières < sic > du nom de reine, après le trépas de la reine Catherine. {h} Le susdit Thomas de Boulen prit la chose si à cœur qu’il mourut bientôt après ; {i} mais George de Boulen, frère de ladite Anne, Henry Norris, William Brereton, Francis Weston, nobles, et Mark Smeaton, musicien, lesquels étaient tous de la Chambre du roi, furent décapités publiquement trois jours après le supplice et exécution d’Anne, pour l’inceste et < les > adultère<s> qu’ils avaient commis avec Anne de Boulen, étant punis pour leur paillardise comme aussi ils le méritaient. »


  1. Survenu en décembre 1534, cet avortement semble correspondre à l’expulsion d’une môle (v. note [21], lettre 419).

  2. Henri viii était déjà tombé dans les bras de Jane Seymour, qu’il épousa en mai 1536 et qui lui donna son unique héritier mâle, le futur roi Édouard vi (v. note [8] du Borboniana 8 manuscrit).

  3. À bout.

  4. Mais il fit semblant.

  5. 1536.

  6. Conçu.

  7. D’où il advint que.

  8. Catherine d’Aragon, première épouse de Henri viii, répudiée (« trépassée ») en mai 1533, mourut en janvier 1536. Anne Boleyn, couronnée le 1e juin 1533, fut détrônée le 17 mai 1536 : les « cinq mois entières » de son règne sont donc incompréhensibles, même en remplaçant « mois » par « années ».

  9. Exagération : Thomas Boleyn tomba certes en disgrâce, mais ne mourut qu’en mars 1539.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 36.

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(Consulté le 24/04/2024)

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