Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : ii, note 38.
Note [38]

Semini (parfois écrit Cemini) était la transformation italienne du nom de Jérôme de Sémigny, médecin spagirique français, qui servait dans la Maison de Gaston d’Orléans (Le Maguet, page 199). Je n’ai pas trouvé trace d’un ouvrage qu’il ait publié, mais Marie-France Claerebout, la très sagace correctrice de notre édition, est heureusement venue à mon secours en le débusquant en quatre endroits.

  1. Avis au lecteur de la thèse de Charles Guillemeau sur la Méthode d’Hippocrate, dont nous éditons les observations :

    « Et depuis peu, n’avons-nous pas vu Semini, avec sa poudre, être estimé comme un autre Esculape ? Il n’y avait point de malades où il ne fût appelé, pour une cure ou deux qu’il avait faites par rencontre ; et cependant, il s’en est allé, en une belle nuit, prenant pour excuse qu’il ne pouvait payer une somme qu’on lui demandait. En cela paraît bien qu’il n’avait pas fait grande fortune avec ses secrets. »

  2. Journal des voyages de Monsieur de Monconys (Lyon, 1665, v. note [6], lettre 825), première partie, page 174, Voyage d’Égypte, février 1647  :

    « Recette de la poudre de Cemini, je vous l’envoie telle que je l’ai reçue d’une personne d’étude, qui était bon ami de défunt M. Tole. {a}

    Une livre de rosée de mai et quatre onces de sol fin en feuilles que mettrez en un matras sigillé hermétiquement, {b} et laisserez l’espace de 7 mois (et mieux si 9) en digestion en fiente de cheval, ou feu de lampe, en façon que toute la rosée soit bleue et que le sol se mette en poudre ; puis une livre de bon antimoine de Hongrie, bien pulvérisé, que calcinerez avec un miroir aux rayons du soleil en été, le remuant toujours aux rayons du soleil, jusques à ce qu’il ne fume plus, qui est le signe de la calcination ; ce fait, vous mêlerez bien votre poudre de sol avec cet antimoine, et votre poudre sera faite. L’on prend le poids d’un écu d’or {c} de ce mélange de poudre, ou dans un bouillon, ou dans jus de pruneaux ; elle purgera admirablement et doucement, soit par le bas, ou par les sueurs et urines ; et quelquefois fait vomir lorsqu’on est trop replet, {d} mais sans violence ; c’est pour toutes sortes de fièvres malignes et maladies désespérées. Elle est un puissant purgatif et confortatif tout ensemble. C’est de là d’où je crois que le Sieur Tole le jeune a pris sujet de penser que la rosée était la matière sur laquelle il faut travailler, ainsi qu’il vous dit il y a quelque temps. »


    1. Médecin chimiste de La Rochelle, mort vers 1646.

    2. V. note [6], lettre 853, pour la rosée de mai. Le sol était le nom de l’or dans la langue des alchimistes. Un matras sigillé était une sorte de cornue en verre dont on avait hermétiquement bouché l’orifice.

    3. V. note [4] de l’observation ix pour cette manière d’exprimer une quantité de substance pharmaceutique.

    4. Lorsque le malade est trop gros et gras.

  3. Ces vers de l’Hippocrate dépaysé (Louis de Fontenettes, Paris, 1654, v. note [13], lettre 376), dans le commentaire sur l’aphorisme no 22, 2e section, « Les maladies qui proviennent de plénitude sont guéries par évacuation, celles qui proviennent de vacuité, par réplétion, et, en général, les contraires par les contraires », contre Paracelse (pages 31‑32) :

    « Sa doctrine eut pour arcs-boutants
    Les Séverins, les Quercétans, {a}
    Un Béguin, Semini, La Brosse ; {b}
    Aucuns d’eux allaient {c} en carrosse,
    Étant, pour tuer sottes gens,
    beaucoup mieux payés que sergents
    Qui mettent manants à l’aumône. »


    1. Petrus Severinus (v. note [4], lettre 631) et Quercetanus (Joseph Duchesne, sieur de La Violette, v. note [11], lettre 211).

    2. Jean Béguin (v. note [18], lettre 288) et Guy de La Brosse (v. note [3], lettre 60).

    3. Chacun d’eux allait.

  4. Jacques Perreau a mentionné Semini deux fois dans son Rabat-joie de l’Antimoine triomphant (Paris, 1654, v. note [3], lettre 380).

    • Pages 95‑96, sur la fièvre continue qui affectait Pierre de Bragelonne (1576-1660), trésorier général de l’Extraordinaire des guerres :

      « […] comme il fut question de le purger, ayant été mis en état de cela, le jour qu’on le devait faire, Semini, le donneur d’antimoine de ce temps-là, charlatan très ignorant, qu’on disait en avoir la parfaite préparation, comme se vantent toujours les hâbleurs, fut introduit dès le grand matin, qui lui fit prendre sa poudre, auparavant que la médecine ordonnée fût apportée. Il en fut purgé extrêmement, haut et bas, et de bonheur en échappa. Mais il lui demeura tout le reste de sa vie une telle faiblesse, une si étrange maigreur et une jaunisse si extraordinaire qu’il ressemblait plus à un mort qu’à un homme vivant, tant il était défiguré ; ayant toujours depuis le ventre bandé, l’hypocondre droit dur et douloureux, avec pesanteur, et les jambes enflées ; tout cela causé d’une maligne qualité imprimée au foie par ce médicament vénéneux ; à raison de laquelle ce viscère ne faisait plus, au lieu de sang louable, que des sérosités bilieuses qui lui donnaient parfois un flux de ventre fort fâcheux. » {a}


      1. Aucun autre diagnostic que celui de cirrhose ne peut expliquer cette insuffisance hépatique chronique (ascite, jaunisse, gros foie dur, œdème des pieds et des jambes), sans lien avec la prise d’antimoine.

        Est ensuite rapportée l’observation du sieur de Magny, fils de Bragelonne, qui reçut le même remède que son père. Il fut incommodé de vomissements tout le reste de sa courte vie et l’autopsie fit voir de multiples nodules dans le foie (probables métastases cancéreuses).

    • pages 195‑196, contre François Vautier :

      « […] ennemi de la bonne doctrine et de notre École, s’il en fût jamais ; lequel en dépit d’elle, voulut, après sa prison, {a} faire revivre ce fameux ou plutôt infâme remède, enseveli de longtemps dans l’oubli par la mort du Minime et de Semini. Qu’il {b} dise pourtant tout ce qu’il voudra, tous ces charlatans-là et tous ces chimistes, joints à lui et à ses sectateurs, ne pourront jamais donner une approbation authentique à cette drogue, au préjudice de la censure et solennelle condamnation prononcée par la plus célèbre faculté du monde, et suivie de la meilleure et plus saine partie de ses docteurs […]. »


      1. V. note [26], lettre 117, pour François Vautier et son long emprisonnement à la Bastille (1630-1641) en raison de ses menées politiques.

      2. Jean Chartier, disciple de Vautier et auteur de La Science du plomb sacré des sages (Paris, 1651, v. note [13], lettre 271).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : ii, note 38.

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(Consulté le 19/04/2024)

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