Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 38.
Note [38]

« Il était dénué de toute piété, et voulait pourtant qu’on le tînt pour pieux. »

Aucune bibliographie de Cremonini ne recense ces « brillantes considérations sur l’âme », dont Alcide Musnier (Muscino dans le Naudæana imprimé) avait parlé à Gabriel Naudé. Le titre de ce livre n’étant que supposé, il s’agit probablement des Tractatus tres [Trois traités] (Venise, 1644, v. note [22], lettre 348), recueils posthumes de leçons données par Cremonini, dont le troisième, de facultate appetitiva [sur l’instinct naturel], touche aux fonctions de l’âme, distinguées en sensitive, instinctive et végétative (lectio xiii), mais je n’y ai pas vu de déclaration remarquable sur son immortalité.

Le Gabrielis Naudæi Tumulus [Tombeau de Gabriel Naudé] (Paris, 1659, v. note [11], lettre 324) contient un éloquent témoignage posthume de l’amitié que lui vouait Musnier (page 61) :

Æternaturæ Memoriæ
Gabrielis Naudæi,
Parisini,
Europæ Phœnicis,

Litabat hoc Acrosticho Ioannes Alcidius
Musnier
, Phil et Medicus Lotharingus,
Civisque Genuensis
.

Gangis in extremis ubi Phœnix inclitus oris
Aeternos renovat Sole patente dies :
Bajulat ille sui languens alimenta sepulchri,
Restituitque novum fertilis urna decus.
Inter odorati redolentia fercula busti
Emoriens avis hæc, non perit, imo parit :
Læta petit lethum, repetitque : sed æmulus alter
Naudæus Phœnix, haud redivivus obit.
Ah scelus ! haud redivivus obit ? quis credat iniquas
Volvere Parcarum tam fera pensa manus ?
Desine, vivit adhuc Naudæus, et auspice Phœbo
Ædificat fatis viva trophæa suis.
Vivet in æternis, quas protulit undique, chartis,
Sicque sui magna parte perennis erit
.

[À la mémoire éternelle de Gabriel Naudæus, natif de Paris, phénix de l’Europe, Jean-Alcide Musnier, philosophe et médecin natif de Lorraine et citoyen de Gênes a consacré cet acrostiche. {a}

À l’embouchure du Gange, le fameux Phénix renaît éternellement de ses cendres en s’exposant au soleil : languissant, il porte sur son dos les aliments de son propre sépulcre, et l’urne féconde le rétablit dans sa splendeur. Cet oiseau qui meurt ne disparaît pas parmi les odorantes dépouilles de son bûcher parfumé, car il s’y régénère au contraire ; il est heureux de voir et revoir venir la mort. {b} Naudé n’est pourtant pas l’égal de Phénix : il meurt mais ne ressuscite pas. Ah quel crime ! Meurt-il vraiment sans ressusciter ? Qui croirait les iniques mains des Parques capables de filer si cruelle laine ? {c} Cesse de te lamenter, Naudé est encore vivant, et vois comme de bon augure que Phébus utilise ses restes pour édifier des trophées pleins de vie. {d} Il vivra pour l’éternité par les livres qu’il a publiés de toutes parts, et c’est ainsi que la plus grande part de son être nous restera pour toujours].


  1. Étant en prose, ma traduction n’a pas reproduit l’acrostiche gabriel naudæus, formé par les premières lettres de chaque vers latin.

  2. La première lettre de son acrostiche menait Musnier à préférer le Gange (v. notule {a}, note [22], lettre 197) au Nil pour nicher son Phénix, mais restait autrement fidèle à sa légende (Fr. Noël) :

    « Oiseau fabuleux dont les Égyptiens avaient fait une divinité. Ils le peignaient de la grandeur d’un aigle, avec une belle huppe sur la tête, les plumes du cou dorées, les autres pourprées, la queue blanche, mêlée de plumes incarnates, et des yeux étincelants comme des étoiles. Lorsqu’il voit sa fin approcher, il se forme un nid de bois et de gommes aromatiques, qu’il expose aux rayons du soleil, et sur lequel il se consume. De la moelle de ses os naît un ver, d’où se forme un autre Phénix. Le premier soin du fils est de rendre à son père les honneurs de la sépulture : il forme avec de la myrrhe une masse en forme d’œuf, la creuse, y dépose le corps enduit de myrrhe, et porte ce précieux fardeau à Héliopolis, dans le temple du Soleil. C’est dans les déserts d’Arabie qu’on le fait naître, et on prolonge sa vie jusqu’à 500, 600 ans. Sur les anciens monuments, c’est un symbole de l’éternité, et chez les modernes, de la résurrection. »

  3. V. note [31], lettre 216.

  4. Tous les poèmes d’hommage qui composent le Tumulus.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 38.

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(Consulté le 20/04/2024)

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