À Claude II Belin, le 3 janvier 1638, note 4.
Note [4]

En regard de cette énumération il y a une annotation de Guy Patin (quatre courtes lignes dans la marge), soigneusement barrée et devenue illisible ; au-dessous une plume anonyme a écrit : « Cet endroit est inutile, je vous conseille de ne pas vous rompre la tête à chercher où la placer. »

Le lecteur intéressé trouvera néanmoins ci-dessous les 15 passages, indiqués par Patin, du dernier volume des Ambassades de Fresne-Canaye (v. note [4], lettre 25) : Troisième tome, où il est traité particulièrement du différend du pape Paul v avec la République de Venise ; de l’ordre que l’on a tenu au procédé de cette affaire, et de tout le traité jusqu’à l’accommodement. L’italique des mots français a été ajouté pour baliser le texte dans le sens que désirait Patin.

  1. Page 17, livre 5e, lettre à M. de Commartin, datée de Venise, le 28 avril 1606 :

    « […] étant bien entendu que si le pape n’est appuyé des forces et des conseils d’Espagne, il est hors de sa puissance de rien entreprendre contre cette République ; car, quant aux armes spirituelles, il n’y a pas ici faute de docteurs, tant jurisconsultes que théologiens, qui prétendent avoir de quoi vérifier que Sa Sainteté les a employées mal à propos ; et déjà tous les ecclésiastiques, tant réguliers qu’autres, ont promis de n’avoir aucun égard à ladite excommunication ; voire de courir sus à quiconque la voudrait publier, fût ce Monsieur le nonce en personne ; et non seulement le clergé de cette ville a donné cette assurance au Sénat, mais par toutes les villes et communautés vénitiennes. Les curés, les moines et, quod magis miror, {a} les jésuites en ont autant fait ; vrai est que c’est formidine, {b} parce qu’ils possèdent douze ou quinze mille écus de rente sur cet État, lesquels, sur la moindre désobéissance qu’ils feraient au commandement du Conseil des Dix, leur ferait perdre aussitôt ; à quoi ceux qui traitent des cas de conscience voulant pourvoir, ils enseignent qu’il est loisible de ne pas obéir aux récrits de Sa Sainteté ubi imminet periculum mortis. » {c}


    1. « ce qui m’étonne fort ».

    2. « par crainte ».

    3. « s’il y a péril imminent de mort. »

  2. Page 19, livre 5e, lettre à M. de Salagnac, pareillement datée de Venise, le 28 avril 1606 :

    « Monsieur, c’est avec beaucoup de douleur qu’il faut que je vous dise que tant s’en faut que les affaires de cette République avec Sa Sainteté s’accommodent doucement, comme je vous en avais donné l’espérance ; qu’au contraire, Sa Sainteté, au lieu de se plier aux remontrances du chevalier Duodo, {a} fulmina le 17e de ce mois l’excommunication contre la République, sauf si dans un mois, pour tous délais, elle lui donne contentement ; mais tant s’en faut que cette sévérité ait fait changer de résolution à ce Sénat, qu’aussitôt il a pourvu à ce que l’excommunication ne soit reçue, ni affichée en aucun lieu de son obéissance ; et non content de s’être assuré de l’obéissance de tout son clergé, et des jésuites mêmes, lesquels, de crainte de perdre douze ou quinze mille écus qu’ils ont rière {b} cette Répub., se sont montrés plus souples aux ordonnances du Conseil des Dix qu’on ne pensait. »


    1. Pietro Duodo, ambassaduer de Venise au près du roi de France, Henri iv.

    2. Par devers.

  3. Pages 34‑35, livre 5e, lettre au roi [Henri iv], datée de Venise, le 18 mai 1606 :

    « […] les jésuites leur ayant fait entendre {a} avoir commandement exprès de leur père général d’obéir à l’excommunication, s’offrant néanmoins de demeurer dans la ville, et continuer à ouïr les confessions {b} et instruire la jeunesse, pourvu que le Sénat ne trouvât mauvais qu’ils fermassent leur église, non seulement il leur a été enjoint de partir de cette ville et de tout l’État, mais même on leur a prononcé qu’ils n’y seraient plus reçus ; et de fait, leur maison de cette ville a déjà été donnée à d’autres religieux, et tout leur revenu, qu’on dit être d’environ trente mille ducats, {c} a été séquestré ; et dit-on, qu’il se divisera entre les plus pauvres monastères et lieux pies, dont néanmoins l’ordonnance n’est pas encore faite ; mais il est bien vrai qu’on les a fait sortir trois jours plus tôt qu’ils ne pensaient, et avec plus de rigueur qu’il ne semblait convenable à personnes de cette qualité, parce qu’on les accuse d’avoir suborné les autres religieux à abandonner la ville avec eux afin d’émouvoir le peuple ; et d’avoir aussi été des premiers à instiguer le pape contre cette République, lui promettant que son excommunication n’aurait ici moins de vertu que celle du feu pape Clément à Ferrare ; de sorte qu’il a été besoin de leur donner escorte à leur partement, pour empêcher qu’ils ne fussent offensés par le peuple qui les appelait espions d’Espagne et se réjouissait de les voir chasser comme s’ils eussent été dûment convaincus de trahison ; et néanmoins, il ne s’est vérifié aucune chose contre eux, sinon qu’il y a eu quelques pères et maris qui se sont plaints que leurs femmes et enfants faisaient difficulté de leur rendre l’amour et obéissance due parce que les jésuites leur avaient dit qu’ils étaient excommuniés ; et s’est trouvé aussi copie de quelque lettre de quelqu’un d’entre eux au pape, qui portait qu’ils avaient en leur école trois cents enfants des meilleures maisons de la ville, qui étaient autant d’esclaves pour Sa Sainteté ; et se trouve aussi que par les préceptes qu’ils recommandaient le plus à leurs écoliers, ils leur enseignaient d’être réellement persuadés que le pape est conduit par l’inspiration infaillible du Saint-Esprit, que quand il leur dirait que le blanc serait noir, ils le devraient croire sur peine de damnation ; et à la suite de cette haine publique, on les accuse de plusieurs choses, comme d’avoir spolié plusieurs maisons, d’avoir envoyé grosse somme d’argent à Rome, d’avoir tenu registre des confessions des personnes de qualité, et trois ou quatre jours devant leur partement, d’avoir brûlé grande quantité de papiers, de crainte qu’ils ne fussent vus ; sur toutes lesquelles charges j’entends que le Sénat veut faire informer. »


    1. Aux Vénitiens.

    2. V. notule {c}, note [54] du Borboniana 5 manuscrit.

    3. Trois à six fois fois autant de livres tournois, selon que ces ducats étaient d’argent ou d’or (v. note [52] de l’Autobiographie de Charles Patin).

  4. Page 66, livre 5e, lettre à M. de Commartin, datée de Venise, le 2 juin 1606 :

    « […] et combien que la docte Compagnie des jésuites soit d’autres avis, et défende cette bulle {a} comme ouvrage du Saint-Esprit, si ne me puis-je persuader que le Saint-Esprit mette la main à chose où il y a tant à redire, et qui importe si peu au bien de la foi catholique […]. »


    1. Bulle de Rome qui excommuniait Venise.

  5. Page 79, livre 5e, lettre à M. de Commartin, datée de Venise, le 16 juin1606 :

    « Ces seigneurs, {a} ayant avis que les jésuites ne se contentant pas d’avoir allumé ce feu, le vont attisant tant qu’ils peuvent et prêchent partout contre leur gouvernement, firent avant-hier une ordonnance par laquelle ils sont bannis à perpétuité de ce domaine, leurs biens confisqués, sans pouvoir jamais délibérer de leur restitution, que le procès ne soit lu ; qu’ils n’aient les cinq sixièmes des balles {b} en leur faveur […]. »


    1. Du Sénat de Venise.

    2. Votes.

  6. Page 82, livre 5e, lettre à M. d’Alincourt, datée de Venise, le 17 juin 1606 :

    « […] Or, tandis que le pape attendra les fruits qu’il se promet de sa sévérité, il ne faut point douter qu’elle {a} ne tâche de les lui rendre les plus amers qu’elle pourra ; et en cette intention, elle a fait une ordonnance fort rigoureuse contre les jésuites, par laquelle ils sont à jamais exclus de tout ce domaine, sans y pouvoir être plus rétablis, ni leur rétablissement mis en délibération, que le procès qui leur a été fait ne soit lu en présence de ces quatre-vingts sénateurs pour le moins, tous les papalins exclus, et qu’ils aient les cinq sixièmes de ce nombre en leur faveur, qui sont les moyens que tient ce Sénat quand il veut rendre une chose impossible. Que si Sa Sainteté ne s’émeut pour une telle ignominie faite à une si vénérable Compagnie religieuse, les incommodités qu’elle recevra du côté du Golfe, et la douleur qu’elle aura de voir la République jouir de son autorité des décimes qu’elle avait accoutumé de lui demander, et n’y toucher que par sa permission, la forcera enfin d’avouer qu’il valait bien mieux laisser le moutier où il était, {b} et imiter les prudents vestiges de ses devanciers, que d’entreprendre de faire un monde nouveau. »


    1. La République de Venise.

    2. Ne rien changer aux usages.

  7. Pages 85-86, livre 5e, lettre au roi, datée de Venise, le 28 juin 1606 :

    « Sire, il y a aujourd’hui quinze jours que ces seigneurs, ayant fait lecture en leur Pregadi {a} de quelques lettres écrites par les jésuites à Prague et Piémont, et autres lieux, par lesquelles ils écrivaient fort indignement de la République, ayant aussi avis des prêches scandaleux qu’ils ont faits à Ferrare, Bologne et Mantoue depuis leur partement de cette ville, firent sur-le-champ apporter les charges et informations qu’ils ont ramassées contre eux, et icelles lues, les bannirent à perpétuité de cet État, avec clause de ne pouvoir jamais délibérer de les rétablir que premièrement tout le Collège ne soit de cet avis […]. M’étant enquis des principaux du Sénat, et du prince même, {b} des motifs de ce décret, je trouve que ce n’a point tant été les injures prêchées ou écrites depuis peu par lesdits jésuites contre la République, comme les écrits trouvés aux maisons de Bergame et de Padoue (d’où lesdits jésuites furent congédiés si chaudement qu’ils n’eurent loisir de les brûler ou détourner comme en cette ville), par lesquels il a été avéré qu’ils employaient la plupart de leurs confessions à s’enquérir des facultés d’un chacun, et de l’humeur et manière de vie des principaux de toutes les villes où ils habitent, et en tenaient registres particuliers, qu’ils savaient exactement les forces, les moyens, la disposition de tout cet État en général, et de toutes les familles en particulier ; ce qui a non seulement été jugé indigne de personnes religieuses, mais aussi a donné indice qu’ils doivent avoir quelque grand dessein, à l’exécution duquel ils aient besoin d’une si grande et pénible curiosité ; et ayant répondu à ceux qui m’en parlaient en ces termes, que cela me semblait difficile à croire parce que je connaissais quelques pères de ladite Compagnie, desquels ayant vu les actions depuis trois et quatre ans, j’étais fort assuré qu’ils ne se mêlaient d’autre chose que de leur étude et de l’exercice de la piété ; il m’a été répliqué que cela était vrai, mais qu’en chaque maison il n’y en a qu’un ou deux auxquels le père général commet les affaires d’État, et auxquels non seulement tous les autres sont obligés de se confesser, mais aussi de leur rapporter tout ce qu’ils apprennent par les confessions de tous ceux qui vont à confesse ; sur lequel rapport se font les registres, lesquels sont retirés de six en six mois par les visiteurs et portés audit général, lequel prend soigneusement garde de ne communiquer ses conseils à personne qui ne lui soit fort affidé et qui ne soit napolitain, sicilien ou espagnol ; ce qui a été cause que plusieurs Vénitiens et autres Italiens, après avoir demeuré 25 ou 30 ans en cette Compagnie-là, s’en sont retirés et attestent avoir reconnu que ledit général n’a rien de religieux que la robe, qu’il se gouverne en toutes ses actions en homme qui bâtit un grand empire ; qu’il n’y a moyen d’avoir ses bonnes grâces qu’à force d’argent ; qu’il fait sans comparaison plus de cas de ceux qui savent faire venir l’eau au moulin, que de la doctrine et piété ; qu’il refuse de recevoir profès plusieurs grands personnages qui ont longuement prêché ou lu la théologie avec grande réputation, et y reçoit des ignorants et nouveaux venus en la Compagnie parce qu’en y entrant, ils y auront apporté cinq cents ou mille écus distribuables à sa discrétion […]. »


    1. Leur Sénat.

    2. Le doge.

  8. Page 119, livre 5e, lettre à M. de Villeroy, datée de Venise, le 11 juillet 1606 :

    « Combien donc que jusqu’ici je ne voie nulle apparence de guerre et qu’il soit aisé de remarquer que ces seigneurs {a} en veulent faire plus de jaloux que de cocus, {b} néanmoins, si ce jeu dure, il ne faut point douter que l’autorité pontificale n’en reçoive plus de dommage que d’une bien forte guerre. Déjà les nullités et abus de l’excommunication sont prêchés toutes les fêtes par tous les quartiers de la ville. Déjà cette populace tient le pape pour ennemi de son salut, qui aime mieux arracher la foi chrétienne de leurs âmes que de borner ses richesses ou son ambition. Déjà les confessions des jésuites font l’entretien des tavernes et cabarets. Déjà l’autorité des inquisiteurs est par terre et la liberté donnée aux imprimeurs de faire venir toutes sortes de livres qui impugnent le pontificat […]. » {c}


    1. Vénitiens.

    2. Faire plus de menaces que d’actions.

    3. Cet extrait fait suite à celui qui est transcrit dans la note [25] du Borboniana 10 manuscrit.

  9. Page 143, livre 5e, lettre à M. de Commartin, datée de Venise, le 28 juillet 1606 :

    « Quant au procès fait par le Sénat aux jésuites, il le tient si secret que je n’en ai pu avoir communication, et ne l’ai pu demander aussi, n’en ayant point de charge ; mais ce qui leur a principalement acquis la haine de cette République, c’est l’assurance qu’ils ont donnée à Sa Sainteté de pouvoir troubler cet État au cas qu’on n’obéît à son excommunication ; et les médisances qu’ils ont prêchées à Ferrare, à Bologne, à Mantoue et autres villes d’Italie depuis qu’ils ont été chassés d’ici ; et que leur dessein ne leur a pas réussi. Quelque sénateur m’a bien parlé de quelques cas particuliers d’avarice et de luxure, mais ce sont délits particuliers et qui gisent en preuve là où les deux sont publiés et manifestes. »

  10. Page 154, livre 5e, lettre au roi, datée de Venise, le 9 août1606 :

    « […] si les jésuites n’eussent rien fait qu’obéir à Sa Sainteté, on n’eût rien fait contre eux, non plus que contre les autres corps ecclésiastiques qui sont sortis d’ici ; mais outre les diffamations qu’ils ont prêchées par toute l’Italie contre cet État, et le sacrilège qu’ils ont commis, ayant furtivement emporté force richesses qui avaient été données à leur église, non à eux, contre la défense expresse du Sénat qui ne leur avait permis d’emporter que leurs livres et habits, ils avaient été convaincus de plusieurs choses, par lesquelles il apparaissait qu’ils avaient une très mauvaise intention contre cet État et n’y pouvaient être soufferts sans inconvénient ; qui a été cause, encore qu’ils fussent sortis, de faire ce décret de bannissement perpétuel contre eux, tant pour punir leur médisance que pour avertir les autres ecclésiastiques de se garder de suivre un si mauvais exemple […]. »

  11. Pages 177-178, livre 5e, lettre au roi, datée de Venise, le 23 août 1606 :

    « […] concernant les jésuites, le Sénat m’a répondu cela même que le prince m’avait dit, savoir est avoir été contraint de les bannir à perpétuité, tant par les injures et diffames atroces qu’ils ont prêchés contre la République depuis être sortis d’ici, et pour avoir clandestinement emporté les plus riches ornements de leur église, que pour avoir fait tout ce qu’ils ont pu pour faire révolter ce peuple, ayant rendu les pères exécrables et odieux à leurs enfants, les maris à leurs femmes, les maîtres à leurs valets, et bref, tout le corps du Sénat à tous ses sujets. Mais d’autant que les preuves et informations qui en ont été faites spécifient les personnes d’un et d’autre sexe qui ont été ou subornées ou recherchées par lesdits jésuites pour exercer leur mauvaise volonté, il a été jugé nécessaire, pour maintenir l’union dudit Sénat, et pour autres grandes considérations importantes au bien, repos et sûreté de cet État, de les supprimer. Partant, il me prie d’assurer Votre Majesté que, comme la Compagnie desdits jésuites a été chérie et enrichie en cet État, autant qu’en lieu du monde, tant qu’elle s’est maintenue en bonne odeur, que volontiers on lui eût continué le même traitement si elle eût su maintenir la bonne opinion qu’on avait d’elle, mais l’ayant connue si ingrate et si pernicieuse à ses bienfaiteurs, le Sénat, ayant été contraint d’en venir audit bannissement général, lequel ne concerne que cet État, il se promet que Votre Majesté n’en recherchera point davantage les motifs, et lui fera cet honneur de croire qu’il y a procédé avec telle maturité et équité que lesdits jésuites ont trop plus d’occasion de se louer de sa modération que de se plaindre de sa sévérité ; et comme il sera bien aise qu’ils se rendent utiles à Votre Majesté, et à tous les princes et rois qui les logent et chérissent, qu’il désire aussi que Votre Majesté et tous les princes ses amis trouvent bon qu’il s’en soit défait après les avoir connus si mal affectionnés à l’endroit de cet État […]. »

  12. Page 186, livre 5e, lettre à M. de Villeroy, datée de Venise, le 23 août 1606 :

    « Il m’a été impossible de voir les informations faites contre les jésuites, mais un sénateur m’a baillé la copie, que trouverez en ce paquet, d’une lettre d’une femme de cette ville à son mari, et en a retenu l’original, prétendant qu’elle montre qu’ils ont tâché de mutiner ce peuple en lui persuadant qu’il ne devait pus aller à l’église et qu’il serait condamné s’il obéissait au Sénat. En effet, ils sont à présent en si mauvais prédicament par deçà, {a} que je me doute que je laisserai l’honneur de leur rétablissement à mon successeur […]. »


    1. Si mauvaise réputation ici.

  13. Pages 405‑406, livre 5e, lettre au roi, datée de Venise, le 24 janvier 1607 :

    « Quant à la restitution des religieux, après avoir apporté tout ce qui m’a été possible pour l’obtenir, ce prince {a} m’a donné espérance qu’elle se fera, c’est-à-dire qu’on les laissera retourner en leurs monastères, excepté quelques particuliers atteints et convaincus d’actes séditieux ; mais de cette généralité, l’Ordre entier des jésuites en est exclu à perpétuité, avec une telle animosité de tout le Sénat, de toute la noblesse et de la plupart du peuple, que s’ils entreprenaient de retourner, il serait hors de la puissance des magistrats de la garantir contre une haine si publique ; et qu’ils se sont acquis par tant de démérites que s’il était question d’instruire les procès de toutes les plaintes qui ont été présentées contre eux au Sénat, il y aurait de quoi employer tous les tribunaux de Venise un an entier ; que néanmoins ils sont prêts à informer le pape par leur ambassadeur des justes causes de cette exclusion ; et la supplier de considérer que si les saints décrets et anciens canons défendent d’envoyer en un évêché un évêque suspect au prince ou à la ville, beaucoup moins souffriraient-ils qu’un prince fût astreint de recevoir un Ordre qui lui est non seulement suspect, mais qui l’a tant offensé, et même un Ordre si entrant et pénétrant que celui-là. Tellement, Sire, que cette exclusion n’est point remise à aucune délibération, mais m’a été tranchée comme résolue irrévocablement, avec prière de supplier très humblement Votre Majesté de ne vouloir pas moins aimer la République sans jésuites, qu’elle vous a aimé et révéré alors que vous n’en aviez point ; ajoutant que Sa Sainteté n’a nul sujet de croire qu’elle les ait bannis simplement pour l’obéissance qu’ils ont rendue à sa bulle, puisqu’elle reçoit tous les autres qui y ont obéi ; mais la République, ayant dûment vérifié qu’ils ont été causes de tout ce mal, et que leur principale intention est d’abaisser et anéantir l’autorité de tous les rois et princes temporels, a occasion de louer Dieu de s’en voir défaire et se garder de les recevoir jamais plus ; étant impossible que l’État puisse être assuré qui reçoit la doctrine écrite et prêchée par lesdits jésuites depuis qu’ils ont excité cette controverse ; et quoi que c’en soit, la République aime mieux la guerre, la peste et tout autre fléau que les jésuites. Ce n’est pas sans douleur, Sire, que je vous rapporte toute cette bile, mais j’ai estimé ne vous en devoir rien déguiser afin que là-dessus Votre Majesté puisse résoudre lequel vaudra mieux : faire la guerre pour les jésuites, ou bien faire la paix sans eux, remettant leur restitution au bénéfice du temps, qui n’a pas moins de vertu deçà les Alpes que delà […]. »


    1. Le doge.

  14. Page 413, livre 5e, lettre à M. le cardinal de Joyeuse, datée de Venise, le 24 janvier 1607 : redites (mais sans « Ordre entrant et pénétrant »), avec reprise de « la guerre, la peste et tous les fléaux de l’ire de Dieu seraient plus supportables à ce Sénat que les jésuites ».

  15. Page 443, livre 5e, lettre à M. de Berny, datée de Venise, le 9 février 1607 : préparatifs à Venise de guerre contre le pape ; reprise de l’expression « aimer mieux la guerre, la peste et tous les fléaux de l’ire de Dieu que d’y consentir [à la restitution des jésuites] ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 3 janvier 1638, note 4.

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(Consulté le 19/04/2024)

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