À Charles Spon, le 28 janvier 1653, note 4.
Note [4]

La Fronde avait pris fin à Paris, Monsieur s’était retiré à Orléans, le cardinal de Retz était emprisonné à Vincennes, Condé avait rejoint les Espagnols qui continuaient leur guerre contre la France ; mais Bordeaux persistait seule dans la sédition intestine contre la Couronne. Les derniers princes rebelles, Conti, la duchesse de Longueville, sa sœur, la princesse de Condé, leur belle-sœur, et son fils, le duc d’Enghien, tentaient d’y surnager dans la furieuse tempête qui opposait le parlement local aux bourgeois de la ville et à l’Ormée. En décembre 1652, après avoir déjoué un complot contre sa personne, Conti s’était rallié en désespoir de cause à l’Ormée (Journal de la Fronde, volume ii, fo 188 ro, Paris, 20 décembre 1652) :

« Les lettres de Bordeaux du 12 portent que les placards qu’on avait affichés contre l’honneur de M. le prince de Conti et de Mme de Longueville y avaient été brûlés publiquement de la main du bourreau avec d’autres de même trempe que l’on y avait affichés ensuite ; que M. le prince de Conti étant allé à l’assemblée de l’Ormée, on lui présenta un rameau d’orme qu’il reçut comme un présent fort agréable, et dit à la Compagnie qu’il se déclarait ormiste de bon cœur et qu’il ferait tout ce qu’elle voudrait pourvu qu’elle voulût faire aussi tout ce qu’il désirait, ce qui fut promis et signé respectivement. »

Le P. Berthod ( Mémoires, page 600) :

« Le roi voyant le peuple de Paris soumis et son autorité rétablie dans le parlement aussi bien que parmi la bourgeoisie et le petit peuple, assembla son conseil secret pour aviser aux moyens de remettre Bordeaux dans son devoir et d’en faire sortir ceux qui maintenaient le peuple dans la rébellion, afin de donner sujet aux bourgeois de cette ville-là, qui avaient de bonnes intentions pour le service de Sa Majesté, de travailler à leur liberté et de se remettre dans l’obéissance du roi. La reine et M. Servien furent d’avis d’y envoyer secrètement le Père Berthod et M. de Bourgon parce qu’ils étaient assurés de leur affection pour le service du roi et qu’ils s’étaient parfaitement bien acquittés de leur entreprise dans l’affaire de Paris. Ils partirent donc tous deux au mois de décembre 1652 avec des ordres de Sa Majesté qui leur donnaient pouvoir d’agir ainsi qu’ils aviseraient sans leur prescrire autre chose déterminément, laissant cette négociation absolument à leur conduite. »

Ce nouvel « ordre de juges » était la Chambre des Douze (v. fin de la note [26], lettre 290) qui avait à connaître de tous les procès privés à Bordeaux et dans les villes de son ressort. Ses décisions étaient sans appel et immédiatement exécutoires. Omission importante, Guy Patin ne signalait pas l’existence d’une seconde chambre, dite la Chambre des Trente, véritable organe exécutif du gouvernement de l’Ormée (v. note [25], lettre 279). Le tribunal se composait « d’environ 40 juges de toutes sortes de condition, dont les plus remarquables, après la suite de Conti, étaient les capitaines ormistes de la ville, Dureteste, Pontellier, Masson, Tustal, Guiraud, Crozillac, des marchands de morue, des pintiers [potiers d’étain] et ainsi du reste » (Sal Alexander Westrich The Ormée of Bordeaux: A Revolution during the Fronde, Johns Hopkins University Press, 1972).

Il est à peu près certain que le prince de Conti fut présent lors des assemblées. Cette nouvelle chambre, parfois surnommée le Sénat de l’Ormée, rédigea la charte du mouvement, décida des nouvelles expulsions visant les parlementaires, contrôla l’élection des nouveaux jurats et poursuivit les ennemis du régime. Elle décida encore la continuation de la guerre et la levée des hommes qui en résultait, fit construire des fortifications et députer en Angleterre auprès de Cromwell. Elle agit enfin comme un conseil militaire dans la punition des conspirateurs qui se découvrirent dans Bordeaux les mois suivants. Sa sphère de compétence, considérable, se limitait cependant aux affaires publiques (Jestaz).

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 28 janvier 1653, note 4.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0301&cln=4

(Consulté le 20/04/2024)

Licence Creative Commons