À Werner Rolfinck, le 16 août 1666, note 4.
Note [4]

En plus d’écorcher le nom du maître bien-aimé de Guy Patin, Nicolas Piètre (v. note [5], lettre 15), en l’appelant Petre, Werner Rolfinck avait vivement attaqué son opinion sur l’emploi des sudorifiques dans la paralysie (page [H 2 vo], v. supra note [3]) :

Nec curamus, quæ Nicolaus Petre Medicus Parisiensis exercitatione quadam hic nobis objicit, quod Diaphoretica vires exolvant, corpora exhauriant, nec solum serum superfluum erumpat, sed una prodeat succus alimentarius, nonnihil etiam substantiæ solidarum partium effluat : Unde languida sudore natura morbi curationem suscipere aut susceptam absolvere nequeat. Quum hæc tantummodo de immoderato et sinistro eorum usu sint intelligenda. Nemo enim medicorum, qui micam adhuc salis habet, paralysi laboranti præcipiet, ut sudorem continuet, quousque sanguinem aut ipsam partium substantiam effundat : Semper enim, uti supra monuimus, attendenda qualitas, ut eliciamus humorem aquosum et extenuatum, non vero carnem liquefactam, non adipem, non pinguenidem aut sanguinem, quum hæc ad naturæ et vitæ subsidium conservanda. Tum ipse Nicolaus Petre mitiora sudorifica admittit. Quid enim fotus isti, motus et frictio, quibus thesi sequenti, non tantum expirationem partis resolutæ procurandi potentiam tribuit sed ad robur parti conciliandum longe superari balsami Peruviani vires, asserit, sunt aliud ?

[Et nous ne nous soucions guère de ce que Nicolas Petre, médecin de Paris, nous a objecté là-dessus dans un essai, disant que les diaphorétiques dénouent les forces, épuisent les corps car, outre qu’ils expulsent la sérosité superflue, ils chassent en même temps le suc alimentaire et font aussi s’écouler en partie la substance des parties solides. En vérité, si la sudation est pauvre, la nature ne peut ni entreprendre la guérison de la maladie, ni la parfaire quand elle a été amorcée. Cela ne doit pourtant s’entendre que pour l’emploi immodéré ou maladroit des sudorifiques, car aucun médecin, s’il a encore un grain de bon sens, ne prescrira de pousser la sudation jusqu’à épuiser le sang ou la substance même des organes. Comme nous l’avons observé plus haut, il convient en effet de toujours veiller à n’expulser que l’humeur aqueuse et diluée, mais ni la chair liquéfiée, ni la graisse, ni le sang, qu’il faut conserver pour sustenter la nature et la vie. Nicolas Petre lui-même admet l’emploi des sudorifiques doux. S’agit-il d’autres remèdes que ces fomentations, cette gymnastique et ces massages à qui, dans une thèse ultérieure, {a} il a attribué le pouvoir, largement supérieur, dit-il, à celui du baume du Pérou, {b} non seulement de provoquer le dégorgement de la partie enflée, mais aussi de restaurer ses forces ?] {c}


  1. Comme tous les Piètre, Nicolas a laissé fort peu d’ouvrages imprimés Je n’ai pas identifié l’exercitatio [essai] que Rolfinck a mentionné au début de cet extrait. En revanche, il attaquait le 5e article (conclusion) de la thèse cardinale que Piètre a présidée le 7 mars 1619 portait sur la question An paralysi sudorifica ? [Les sudorifiques sont-ils utiles dans la paralysie ?] (candidat Guillaume Belet, conclusion négative) :

    Paralysis curatio haud adeo difficilis, si mature, opportune, nec aliena adhibeantur remedia. Ergo parte recens resoluta, vix dum insidente nervo humore, instituta victus ratione quæ contemperet, quam primum corpus exhauriendum est clystere frequenti, detractione sanguis intervallis repetita, purgatione crebra, sed blanda. Hac arte æstu humoris composito, tempestive obstructio reserabitur ecphracticis, eccatharicis, quibus qui nervum occupat humor in halitum solutus expirabit : demum expeditus nervus firmabitur adstringentibus quibus minimum caloris insit. Εκφραξα molientur et humoris qui obstructionem continet, iuvabunt excretionem, medicamenta cum foris admovenda, tum intus sumenda, quæ temperie non adeo calida prædita tenuiorem sunt sortita consistentiam. Expiratio procurabitur resolutæ partis fotu, motu, frictionibus, quæ et ad robur parti conciliandum longe superant basalmi etiam Peruviani. Nervalia vulgo dicta calidiora, theriaca, mithridatium, aqua vini stlillatitia, uretica, idrotica præcipue chymica, vere fusoria et colliquantia, aliena sunt et paralysis curatoni omnino adversa remedia, ut iis fiat illa contumacior, aut prorsus incurabilis

    [La paralysie n’est pas si difficile à soigner si elle l’est au bon moment et opporunément, et si on évite les remèdes inopportuns. Comme l’humeur nerveuse {i} peine à parvenir dans la partie récemment paralysée, une fois qu’a été instauré un régime alimentaire qui tempère le malade, il faut dès que possible lui vider le corps par de fréquents clystères, par la saignée itérative et par la purgation répétée, mais douce. Quand l’ardeur de l’humeur qui envahit le nerf a ainsi été calmée, sa stagnation sera levée le moment venu par les ecphractiques {ii} et les eccathartiques, {iii} grâce auxquels elle se dissipera par évaporation. Ensuite, une fois le nerf dégagé, on le raffermira pas les astringents {iv} les moins chauds. Les ecphraxiques {v} mobiliseront l’humeur qui maintient l’obstruction et les médicaments aideront à son élimination tant en la poussant à l’extérieur qu’en la collectant à l’intérieur du corps ; on ne les choisit pas pour leur tempérament chaud, comme il a été dit plus haut, mais pour leur consistance très déliée. L’évaporation de l’humeur sera procurée par le réchauffement et le mouvement de la partie affectée, par des massages, qui, pour lui rendre de la vigueur, surpassent de très loin les baumes, même celui du Pérou. {vi} Les remèdes plus chauds, qu’on dit vulgairement nervaux, {vii} thériaque, mithridate, eau-de-vie, diurtéiques, sudorifiques, en particulier chimiques, qui provoquent en vérité la fusion et la liquéfaction, sont déplacés et tout à fait contraires à la guérison de la paralysie, cat ils la rendent plus opiniâtre ou entièrement incurable].

    1. Autre nom de l’esprit vital, qu’on a plus tard appelé l’influx nerveux, qui procure le mouvement et la sensibilité aux parties du corps (v. note [1], lettre latine 32).

    2. « Médicaments qui ont la vertu d’ouvrir et de déboucher les conduits, par où les humeurs doivent passer » (Trévoux), autrement appelés apéritifs (v. note [4], lettre 436).

    3. Synonymes de cathartiques (v. note [13], lettre 386).

    4. V. note [30], lettre 222.

    5. Traduction littérale d’un mot grec qui n’est pas attesté par les dictionnaires usuels.

    6. V. infra notule {b}.

    7. Un remède nerval est « bon et propre pour les nerfs, soit pour les amollir, les fortifier, ou appaiser leurs douleurs » (Trévoux).
  2. Baume du Pérou (T. Corneille) : « suc tiré d’un arbre grand comme un grenadier, et dont les feuilles ressemblent à celles de l’ortie. Monard, qui en rend ce témoignage, en distingue de deux sortes. L’un découle des incisions qu’on fait à cet arbre ; cette liqueur est blanchâtre, tenace et visqueuse ; mais sa rareté et la difficulté qui se trouve à la tirer, empêche<nt > qu’il ne nous en vienne. Les Indiens pour composer l’autre baume, font bouillir dans une chaudière les branches et le tronc de l’arbre, hachés fort menu, avec beaucoup d’eau ; lorsque le tout a suffisamment bouilli, ils le laissent refroidir et ramassent l’huile qui nage au-dessus ; cette huile est de couleur noire, rougeâtre, fort odoriférante, et c’est le baume dont nous nous servons ordinairement. Étant appliqué, il adoucit les douleurs qui proviennent d’humeurs froides ; il dissipe les humeurs aqueuses, fortifie les nerfs et le cerveau, guérit les gouttes crampes [v. note [4], lettre de Hugues ii de Salins, datée du 3 mars 1657], amollit la rate endurcie et aide fort aux goutteux. Dans la chirurgie, il est bon aux plaies récentes, non seulement en consolidant, mais encore en échauffant et en dissipant ce qui est nuisible. On s’en sert aussi pour les contusions invétérées, et même pour celles des nerfs. »

    Plus haut dans sa thèse (section iii, sur les sudorifiques externes) Rolfinck avait parlé des bains chauds, des massages, de la gymnastique, et des baumes et onguents (mais sans y mentionner le baume du Pérou).

  3. Tout cette instructive discussion concerne les paralysies en général, mais tout particulièrement les hémiplégies provoquées par l’apoplexie (qui est et demeure la plus commune d’entre elles).

La critique de Piètre par Rolfinck frise l’éreintement et ne pouvait que vivement agacer Patin. Il allait amicalement, mais fermement, le tancer pour son impudence.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Werner Rolfinck, le 16 août 1666, note 4.

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(Consulté le 28/03/2024)

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