Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 4.
Note [4]

V. note [16], lettre 98, pour Ferrante Pallavicino et son Divorce céleste, publié pour la première fois en italien en 1643, et traduit en français en 1644.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 224‑226 :

« Ferrante Pallavicino. La mort funeste de cet auteur est rapportée par mille gens, mais je ne sache personne qui en ait dit tant de particularités que la relation suivante que l’on a trouvée manuscrite dans une des plus célèbres bibliothèques de Paris, ajoutée à la fin du volume intitulé Le Glorie de gli Incogniti di Padova. {a} La voici :

“ Carlo di Bresche conosciuto in Italia sotto il nome di Carlo di Morsi, fù figliuolo d’un Libraro di Parigi chiamato Pietro di Bresche. Costui sen’ andò al viaggo d’Italia servendo un Cavaliere, il quale essendo morto nel viaggo, Carlo sene venne da Roma à Venetia. Nel soggiorno che fece in Roma fù presentato a i Barberini, come huomo capace d’intraprendere cose di rilievo, ciò che conosciuto, gli fù commessa la ruina di Ferrante Pallavicino, mossi a tal risentimento i Barberini della Baccinata, Divortio Celeste, compositioni sue, et aggiustarono il prezzo del tradimento in tre mila doppie. Cosi sene venne Carlo a Venetia Azilo di Ferrante, dove ritrovatolo fece amicitia seco et strinsela di modo che vedendolo con dipositione di passare in Francia per fuggir l’insidie de’ suoi malevoli, gli esibì la sua compagnia. Caminarono dunque insieme sin a Orange città vicina a Avignone dieci miglia, di dove aviso Carlo al Vicelegato della preda, invitandolo a mandargli incontro gente. Il che esseguito, furono ambedue pigliati, condotti in Avignone, et carcerati. Carlo però essendolo solo pro formâ fù presto liberato et Ferrante ritenuto, processato et fatto morire. Ritornò Carlo poi a Roma, dove ricevene l’infame premio del suo diabolico tradimento, parte in quadri (i quali furono esposti a vendere in Parigi in una casa dimandata L’Hôtel de Fleury alhora Camera locanda tenuta da un certa donna di Bretagna chiamata M. Barillon nella strada des Bourdonnois) parte in contanti. Il cardinale Mazzarini frattanto portando impatientemente la morte del Pallavicino, al qual voleva del bene assai, fece dar ordine ad’un tale Ganducci Italiano di domesticarsi con Carlo. Il che fece cautamente, dett’ Emissario, simulando di vendere guanti, profumi, et altre galenterie, le quali barattava con Carlo per quadri ed’altra robba. Cosi avendo stabilito commercio con esso, era spesso da lui, che stava di casa in piazza Maubert ; dove essendo una mattina a buonissima hora andato per i loro negotii communi, si lamentò con Carlo di qualche ingiustitia fattagli da esso lui : ciò che negando Carlo, ch’ancora era in letto, mossegli l’altro la cagione del Petrosello, lanciatosi gli adosso, l’abbracciò seco, et piantogli un stile nelle reni. Sentendosi Carlo ferito, come forte et robusto si strinse col sicario, et dibattendosi cadorno ambedue per terra. Corsero al rumore quei di Casa, et trovato l’ustio serrato per de dentro via chiamarono la giustitia, la quale venuta et l’apertura fatta della porta vidde l’homicidio, fece cacciar prigione Ganducci nel petit Châtelet, mentre Carlo sene moriva. Il che riferito al cardinale Mazzarini diede ordine al Giudice criminale di liberare il carcerato et fù ubbidito. In questo modo fù rimunerato il scelerato del suo più che barbaro tradimento.” » {b}


  1. « La Gloire des Inconnus de Padoue », titre fautif et rendu incompréhensible de Le Glorie de gli Incogniti, o vero gli huomini illustri dell’Accademia de’Signori Incogniti di Venetia [La Gloire des Inconnus, ou les hommes illustres de l’Académie des Inconnus de Venise] (Venise, Francesco Valuasense, 1647, in‑4o), ouvrage anonyme consacré aux membres de l’Accademia degli Incogniti, académie vénitienne secrète de libres penseurs, active de 1630 à 1652, dont Pallavicino fut l’un des plus éminents adhérents (sa notice et son portrait occupent les pages 136‑139) ; les armoiries des Incogniti représentaient le Nil, depuis ses sources jusqu’à son delta (v. notule {d}, note [15] des Triades du Borboniana manuscrit), avec cette devise : Ex ignoto notus [Le connu issu de l’inconnu] (v. note [6], lettre latine 7).

  2. « Charles de Brêche, connu en Italie sous le nom de Carlo di Morsi, était le fils d’un libraire de Paris dénommé Pierre de Brêche. {i} Ce Carlo s’en alla voyager en Italie comme valet d’un gentilhomme qui mourut en chemin, et il se rendit de Rome à Venise. Pendant son séjour à Rome, il avait été présenté aux Barberini comme étant un homme doté d’une grande capacité à entreprendre, qui l’avait fait connaître ; et on le chargea de provoquer la perte de Ferrante Pallavicino, par ressentiment des Barberini à son encontre, pour la Baccinata {ii} et pour le Divorce céleste, qu’il avait alors fini d’écrire. Le montant du contrat fut fixé à trois mille pistoles. Carlo se rendit donc à Venise, au logis de Ferrante, où, l’ayant trouvé, il se lia d’amitié avec lui et le pressa de prendre des dispositions pour passer en France, en vue d’échapper aux fourberies de ses ennemis, en lui proposant de l’accompagner. Ainsi cheminèrent-ils ensemble jusqu’à Orange, ville située à dix milles d’Avignon, où Carlo alla aviser le vice-légat de la présence de leur proie, et l’invita à venir lui rendre visite ; ce qu’il fit, et tous deux furent pris, menés à Avignon et incarcérés. Pour Carlo, il ne s’agissait que d’une formalité et il fut rapidement libéré ; mais Ferrante resta en détention, fut mis en procès, condamné à mort et exécuté. {iii} De retour à Rome, Carlo reçut l’infâme récompense de sa diabolique trahison, en partie sous forme de tableaux (lesquels furent exposés pour être vendus, à Paris, dans une maison appelée l’hôtel de Fleury, qui était alors une taverne tenue par une certaine dame bretonne dénommée Barillon, dans la rue des Bourdonnais), {iv} et pour partie en argent liquide. Cependant, le cardinal Mazarin, à qui on apprit aussitôt la mort de Pallavicino, qu’il tenait en très haute estime, fit donner ordre à un certain Ganducci, Italien, de lier connaissance avec Carlo. Il s’y prit prudemment, se disant entremetteur et feignant de vendre gants, parfums et autres galanteries, et il échangea avec Carlo quatre ou cinq objets. Après avoir établi commerce avec lui, il alla souvent le voir en sa maison de la place Maubert. S’y étant rendu un matin de très bonne heure pour une affaire qu’ils avaient ensemble, il se plaignit d’une injustice que Carlo avait commise à son encontre ; Carlo, étant encore au lit, nia le fait et lui reprocha de se plaindre pour des riens ; alors, l’autre se jeta sur lui, le serra dans ses bras et lui planta un poignard dans les reins ; se sentant blessé, Carlo, qui était fort et robuste, étreignit le tueur, se débattit, et tous deux tombèrent à terre. Au bruit, ceux de la maison accoururent, mais trouvèrent la porte verrouillée de l’intérieur ; ils appelèrent la police qui, une fois sur place, ouvrit la chambre et découvrit le meurtre. Ganducci fut emprisonné au petit Châtelet, tandis que Carlo mourait. Ayant appris la nouvelle, le cardinal Mazarin ordonna au juge criminel de libérer le prisonnier et il fut obéi. Et voilà comment l’assassin fut payé pour sa trahison plus que barbare. » {v}

    1. Pierre de Brêche (ou Bresche, mort en 1652), libraire-imprimeur établi rue Saint-Jacques, puis rue Saint-Étienne des Grès (actuelle rue Cujas dans le ve arrondissement), a principalement publié des ouvrages de dévotion catholique.

    2. Baccinata overo Battarella per le Api Barberine. In occasione della mossa delle armi di N.S. Papa Urbano ottavo contro Parma. All’ Illustriss. e Reverend. Monsignor Vitellio Nunzio di sua Santità in Venetia [Baccinata ou Battarella pour les abeilles barberines. À l’occasion du mouvement des armées de Notre Sainteté le pape Urbain viii contre Parme. À l’illustrissime et révérendissime Monseigneur Vitelli, nonce de Sa Sainteté à Venise (et chargé des poursuites contre Pallavicino pour ses précédents écrits impies)] (sans lieu, Pasquino a spese di Marsorio [« Pasquin aux dépens de Marsorio », un de ses compères, v. note [5], lettre 127], 1642, in‑4o).

      Pierre-Louis Guinguené et Francesco Saviero Salfi, Histoire littéraire d’Italie (Paris, L.‑G. Michaud, 1835, tome quatorzième, page 50) :

      « On désigne, en Italie, par ce mot de Baccinata, la manière de rappeler, aux sons bruyants de l’airain, les abeilles sorties de leurs ruches pour se livrer des combats ; ce qui faisait allusion au mouvement militaire des Barberins, dont les armoiries étaient des abeilles ; et qui prirent la fuite au premier coup de fusil. L’auteur voulait faire sentir l’injustice cette guerre [v. note [40] des Naudæana 3] et l’abus qu’on faisait de l’autorité papale. »

    3. Arrêté vers février 1643, Pallavicino fut décapité à Avignon le 5 mars 1644.

    4. Ce luxe de détails visait à authentifier le témoignage du narrateur anonyme. La rue des Bourdonnais, aujourd’hui disparue, était parallèle à la rue des Lavandières (c’est-à-dire perpendiculaire à la Seine) en allant vers le Louvre.

    5. Cette relation manuscrite a été ajoutée à un exemplaire de Le Glorie de gli Incogniti que Vitry a recopiée. Elle ne figure pas dans l’ouvrage imprimé, qui donne une version non seulement fort abrégée, mais discordante de ces événements (pages 138‑139) :

      Conosciutosi poco sicuro in Venetia, scoprendo, che da tutte le parti gli venivano tese insidie, pensò à ritornare in Francia ; dove, dopo haver scorsa la Germania, s’era fermato alcuni mesi. Che però chiamato con lettere particolari dal cardinal di Richielù, che l’invitava à scriver l’historie, e à fondar’ in Parigi un’Accademia di lettere Toscane, risolè la partenza. Meditava il Pallavicino i mezi per esequirla con sicurezza, quando se gli offerte compagno Carlo di Morsy. Ostentava questi in Venetia richezze, e nobiltà, onde non poteva cader nell’animo, ch’egli sapesse, ò volesse tradire. Con tuttociò guidato Ferrante con varii, e spetiosi atificii ne’confini della Francia, il Morzy con esecrabile tradimento lo fece cadere nelle mani de gl’Ecclesiastici d’Avignone. Quivi aggiongendo al tradimento l’accusa, e presentando a’Giudici alcune scritture, che à sua istanza Ferrante haveva composte, gli fece perdere infelicemente la vita nell’eta d’anni 26.

      [Se sentant peu en sécurité à Venise, car il avait découvert qu’il y était menacé de toutes parts, il songea à repartir en France. Ayant traversé l’Allemagne, où il s’était arrêté quelques mois, il y reçut une lettre du cardinal de Richelieu qui l’invitait à venir écrire un ouvrage d’histoire et à fonder une académie de littérature toscane, ce qui le résolut à se mettre en route pour Paris. Tandis que Ferrante cherchait le moyen de voyager en sûreté, Charles de Morsy s’offrit de l’accompagner, en lui faisant étalage de l’opulence et de la notoriété dont il jouissait à Venise, et en lui ôtant tout soupçon de vouloir ou pouvoir le trahir. Ce fut ainsi que, par divers et spécieux artifices, le Morsy le guida jusqu’aux frontières de France, en Avignon, où, par odieuse traîtrise, il le fit tomber entre les mains des ecclésiatiques pontificaux ; et pour ajouter à sa trahison, il accabla Ferrante en présentant aux juges certains écrits qu’il avait rédigés sur sa demande, et qui lui firent malheureusement perdre la vie à l’âge de 26 ans].

      L’intervention de Richelieu, mort le 4 décembre 1642, n’est pas exagérément anachronique si on retient que Pallavicino a été incarcéré en Anvignon pendant 13 mois avant d’être exécuté, le 5 mars 1644, selon les biographies modernes.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 4.

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(Consulté le 29/03/2024)

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