Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 40.
Note [40]

« Il a écrit sur quantité de sujets : en 1591 sur l’infini, sur les atomes et sur le vide. »

Denis Diderot, voyant en lui un précurseur, a consacré une entrée de L’Encyclopédie à Giordano Bruno (Jordanus Brunus, natif de Nola, près de Naples, 1548-Rome 1600), dominicain et philosophe réformiste :

« Cet homme singulier naquit à Nole, au royaume de Naples ; il est antérieur à Cardan, à Gassendi, à Bacon, à Leibniz, à Descartes, à Hobbes ; et quel que soit le jugement que l’on portera de sa philosophie et de son esprit, on ne pourra lui refuser la gloire d’avoir osé le premier attaquer l’idole de l’École, s’affranchir du despotisme d’Aristote et encourager, par son exemple et par ses écrits, les hommes à penser d’après eux-mêmes ; heureux s’il eût eu moins d’imagination et plus de raison ! Il vécut d’une vie fort agitée et fort diverse ; il voyagea en Angleterre, en France et en Allemagne ; il reparut en Italie ; il y fut arrêté et conduit dans les prisons de l’Inquisition, d’où il ne sortit que pour aller mourir sur un bûcher. Ce qu’il répondit aux juges qui lui prononcèrent sa sentence de mort, marque du courage : Majori forsan cum timore sententiam in me dicetis quam ego accipiam. {a}

Les écrits de cet auteur sont très rares, et le mélange perpétuel de géométrie, de théologie, de physique, de mathématique et de poésie en rend la lecture pénible. […]

Ses juges firent tout ce qu’il était possible pour le sauver. On n’exigeait de lui qu’une rétractation ; mais on ne parvint jamais à vaincre l’opiniâtreté de cette âme aigrie par le malheur et la persécution, et il fallut enfin le livrer à son mauvais sort. Je suis indigné de la manière indécente dont Scioppius s’est exprimé sur un évenement qui ne devait exciter que la terreur ou la pitié. Sicque ustulatus misere periit, dit cet auteur, renuntiaturus, credo, in reliquis illis quos finxit mundis, quonam pacto homines blasphemi et impii a Romanis tractari solent. {b} Ce Scioppius avait sans doute l’âme atroce ; et il était bien loin de deviner que cette idée des mondes, qu’il tourne en ridicule, illustrerait un jour deux grands hommes. » {c}


  1. « J’accepte la sentence que vous prononcez contre moi, peut-être avec grande frayeur. »

  2. « Ainsi périt-il misérablement brûlé, pour être renvoyé en ces autres mondes qu’il avait imaginés, à la façon dont les Romains ont coutume de traiter les blasphémateurs et les impies » : lettre de Caspar Scioppius (v. note [14], lettre 79) à Conrad Rittershusius (v. notule {b}, note [9], lettre latine 229), le 17 février 1600, jour même de l’exécution de Giordano Bruno.

  3. René Descartes (v. note [18], lettre 220) et Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) ; illustrerait est à prendre au sens d’« éclairerait ».

Le Patiniana citait le plus célèbre livre de Bruno : De l’infinito, universi et mondi [L’Infini, l’univers et les mondes] (Venise, sans nom [Londres, John Charlewood], 1584, in‑8o de 175 pages, divisé en cinq dialogues). L’atome et le vide ont figuré parmi ses sujets préférés de réflexion : « Il n’y a, selon lui, de plein absolu que dans la solidité de l’atome, et de vide absolu que dans l’intervalle des atomes qui se touchent » (Diderot).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (pages 49‑50).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701), note 40.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8196&cln=40

(Consulté le 25/04/2024)

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