Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 41.
Note [41]

« des deux ordres », temporel et spirituel.

V. note [21], lettre 97, pour Giulio Cesare Vanini et son Amphitheatrum æternæ providentiæ [Amphithéâtre de l’éternelle providence] (Lyon, 1615), livre qui réfute en cinquante exercitations les principaux auteurs athées de l’Antiquité (épicuriens, stoïques, péripatéticiens, Cicéron, etc.) et les plus récents promoteurs du scepticisme (Averroès, Machiavel, Pomponace, Cardan, etc.), tout en détaillant soigneusement leurs arguments. La dernière est assortie d’une longue ode à la toute-puissance de Dieu et à son omniprésence, qui se conclut sur cette strophe :

Decus, iubarque et lumen amabile,
Et lumen almum atque inviolabile
Tu summa summarum, quid ultra ?
Maximus, optimus, unus, idem
.

[Gloire, étoile, lumière adorable, bienfaisante, invulnérable, tu es le sommet des sommets, et quoi de plus ? Tu es à la fois le plus grand, le meilleur, l’unique].

Il faut aller chercher dans ses quatre livres de Admirandis Naturæ Reginæ Deæque Mortalium Arcanisr [sur les admirables secrets de la Nature, reine et déesse des mortels] (Paris, 1616, v. même note [21]) les propos qui ont fait monter Vanini sur le bûcher de Toulouse en 1619. Entièrement consacrés à l’histoire naturelle des éléments, des animaux et des hommes, ils sont composés de 60 dialogues entre trois personnages, Julius Cæsar, Alexander et Tarsius ; avec ce brillant bouquet final, qui résume parfaitement le libertinage fort salé de l’ensemble (pages 494‑495) :

Alex. Laborum tuorum præmium iam consecutus es : æternitati nomen iam consecrasti. Quid iucundius in extremo tuæ ætatis curriculo accipere potes, quam hoc canticum et superest sine te nomen in orbe tuum.

I.C. Si animus meus una cum corpore, ut Athei fingunt, evanescit, quas ille ex fama post obitum delitias nancisci poterit ? forsitan gloriolæ voculis, et fidiculis ad cadaveris domicilium pertrahetur ? si animus ut credimus libenter et speramus, interitui non est obnoxius, et ad superos evolabit, tot ibi perfruetur cupedijs, et voluptatibus, ut illustres, ac splendidas mundi pompas, et laudationes nec pili faciat. Si ad purgatorias flammas descendet, gratior ei erit illius orationis, Dies iræ, dies illa, mulierculis gratissimæ, recitatio, quam omnes Tulliani flosculi, dicendique lepores, quam subtilissimæ et pene divinæ Aristotelis ratiocinationes. Si Tartareo (quod Deus avertat) perpetuo carceri emancipatur, nullum ibi solatium, nulam redemptionem inveniet.

Alex. Ô utinam in Adolescentiæ limine has rationes excepissem.

I.C. Præterita mala ne cogites, futura ne cures, præsentia fugias.

Alex. Ah.

I.C. Liberaliter suspiras.

Alex. Illius versiculi recordor.

Perduto è tutto il tempo
Che in amar non si spende.

I.C. Eia quoniam inclinato iam die ad vesperum perducta est disputatio (cuius singula verba divino Romanæ Ecclesiæ oraculo, infallibilis cuius interpretes a Spiritu sancto modo constitutus est Paulus v. Serenissimæ Burghesiæ familiæ soboles, subiecta esse volumus, ita ut pro non dictis habeantur, si quæ fortisan sunt, quod vic crediderim quæ illius placitis adamussin non consentiant) laxemus paulisper animos, et a severitate ad hilaritatem, risumque traducamus. Heus pueri, lusorias tabellas huc afferte, sed quid lætus obmurmuras ?

Tars. Ovidii versus canebam.

Parva sedit ternis instructa tabella lapillis,
In qua vicisse est continuasse suos.

Alex. Ô Faustum, et Felicem hunc diem !

Tars. Plaudamus igitur.

Alex. Plaudite.

Finis.

[Alex. Tu as déjà obtenu la récompense de tes peines, tu as déjà immortalisé ton nom pour l’éternité. À la fin de tes jours, que peux-tu entendre de plus agréable que cette incantation : “ Tu as quitté ce monde, mais subsiste ton nom ” ?

J.C. Si mon esprit s’évanouit en même temps que mon corps, comme s’imaginent les athées, quels délices pourra-t-il tirer de son renom après la mort ? Les chuchotements et les petites lyres de la gloriole monteront-ils peut-être jusque dans mon tombeau ? Si, comme nous le croyons et espérons volontiers, l’esprit n’était pas sujet à l’anéantissement et s’envolait dans les cieux, il ne jouirait pas tant ici-bas des friandises et des voluptés, il ne devrait faire aucun cas des brillants et splendides honneurs de ce monde, ni de ses louanges. S’il descend dans les flammes purificatrices, la récitation de cette prière, Dies iræ, dies illa, {a} si chère aux femmelettes, lui sera plus agréable que tous les charmes et tout le beau style de Cicéron, et que les extrêmes subtilités, presque divines, des raisonnements d’Aristote. S’il est condamné à la perpétuité infernale (Dieu m’en garde !), il n’y trouvera aucun soulagement ni aucune rédemption.

Alex. Ô comme j’aurais souhaité entendre ces arguments quand j’allais sortir de l’adolescence !

J.C. Ne pense pas aux péchés que tu as faits, ne te soucie pas de ceux que tu feras, oublie ceux que tu commets aujourd’hui.

Alex. Ah…

J.C. Soupire donc tant que tu voudras.

Alex. Je me rappelle ce distique :

Perduto è tutto il tempo
Che in amar non si spende
. {b}

J.C. Puisque vient le soir, après une journée passée à disputer (nous voulons soumettre chacune de nos paroles au divin oracle de l’Église romaine, dont le Saint-Esprit a établi Paul v, rejeton de la sérénissime famille Borghese, {c} comme l’infaillible interprète), détendons-nous donc un peu l’esprit, et passons de la gravité à l’hilarité et au rire. Holà, les enfants, sortez donc vos tables de jeu ! Mais que murmures-tu là gaiement ?

Tars. Je disais les vers d’Ovide :

Parva sedit ternis instructa tabella lapillis,
In qua vicisse est continuasse suos
. {d}

Alex. Ô la belle et heureuse journée !

Tars. Applaudissons donc !

Alex. Oui, applaudissez !

Fin]. {e}


  1. « Il est venu, le Jour de la colère » : premières paroles du célèbre cantique grégorien qu’on récite lors des funérailles catholiques.

  2. « Celui qui ne s’est pas consacré à aimer a perdu tout son temps », Le Tasse (v. note [5] du Faux Patiniana II‑1), Aminta (1573), acte i, scène 1.

  3. V. note [5], lettre 25, pour le pape Paul v, Camillo Borghese, qui a régné de 1605 à 1621.

  4. « Chacun jette trois cailloux sur la tablette ; a gagné celui qui est parvenu à les faire se toucher l’un l’autre » (Tristes, livre ii, vers 481‑482).

  5. Voilà bien une prose qui fait comprendre ce que signifie « sentir le fagot » (v. notes [3] et [6], lettre latine 27).

    V. notes [3] et [4] du Patiniana I‑2 pour d’autres informations sur les « Dialogues » de Vanini.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 41.

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(Consulté le 20/04/2024)

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