Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 42.
Note [42]

V. supra note [13] pour l’« Antidotaire » de Jean de Renou et sa traduction française, dont le chapitre ix de la 2e section du livre iii est consacré à l’Opiata Salomonis descript. Iouberti [Opiat (ou opiate) de Salomon dans la description de Joubert] (édition de Lyon, 1637, pages 636‑637) ; sa composition en latin (qui inclut 21 substances dont le mithridate) est suivie de ce commentaire :

« Joubert {a} décrit cette opiate sous le nom d’un certain Salomon, inconnu entre les médecins célèbres, et la recommande étroitement comme très efficacieuse en plusieurs choses. Néanmoins, nonobstant le nom qu’il lui a donné, il écrit que l’auteur d’icelle est incertain, et est croyable qu’il a eu lui-même la description manuscrite de quelques vieilles femmes, lesquelles l’ayant reçue de quelques autres, de mère en fille, la lui ont fait tenir assez mal correcte, ainçois {b} fort dépravée, comme c’est une chose qu’on voit plutôt {c} arriver ès {d} manuscrits qu’ès livres imprimés. Quant à moi donc, j’aime mieux que Joubert en soit réputé l’auteur (depuis qu’il l’a très bien corrigée et rédigée en beaucoup meilleure forme que devant) que non pas certain Salomon, ou ses susdites femmelettes. Et toutefois si quelqu’un désire (pour lui donner et plus de lustre et plus de prix) l’honorer du nom d’opiate de Salomon, en considération de ce grand prophète, roi et serviteur de Dieu, Salomon, je n’en serai nullement marri, vu qu’on donne bien d’autres noms inventés, et à plusieurs fausses enseignes, à plusieurs autres compositions qui ne sont pas du mérite de celle-ci. Or, la façon de la préparer est fort facile ; et si on n’a point de bois d’aloès, on se pourra servir du santal citrin ; {e} comme aussi, pour les racines de chardon bénit et de dictame, {f} on pourra employer les feuilles de celui-ci et la semence de celui-là ; pour le reste des ingrédients, je trouve qu’il n’y a rien de rare ni de difficile à trouver.

L’opiate de Salomon soulage merveilleusement ceux qui sont affligés ou de la peste, ou de quelque autre maladie contagieuse ; et outre ce, fortifie toutes les parties nobles, chasse toute pourriture, tue la vermine, profite à ceux qui vomissent ordinairement et qui sont devenus ou faibles, ou languissants par quelque moyen que ce soit. »


  1. Laurent Joubert (v. note [8], lettre 137).

  2. Plutôt.

  3. Plus volontiers.

  4. Aux.

  5. V. note [10], lettre latine 72.

  6. V. notes [7], lettre 99, et [43] et [54] (notule {e}), lettre latine 351.

Le chapitre x (pages 637‑638) est intitulé Electuarium de Ovo [Électuaire d’œuf], avec cette note marginale : « Cornelius Agrippa [v. note [13], lettre 126] fait fort grand état de cet électuaire en son traité de la peste, et après lui, Jehan Crato [Johann Crato, v. note [2], lettre 845], médecin de trois empereurs. » La recette contient douze ingrédients, dont l’œuf et la thériaque. Suit ce commentaire :

« La description de cet électuaire n’est pas moins incertaine que le nom de son premier auteur ; et néanmoins, il n’y a si misérable charlatan qui ne se vante de l’avoir tout entière et parfaite. Quant à moi, je confesse d’en avoir vu et lu plusieurs, mais je n’en ai jamais pu trouver deux semblables. La meilleure de toutes est celle que les médecins d’Auguste ont promulguée, encore qu’il y ait beaucoup de choses en icelle qui sont presque intolérables et dignes de répréhension ; car comme ainsi soit qu’elle est composée de fort peu d’ingrédients, et en petite quantité […] ; quant à la dose du camphre et de la thériaque, nous l’avons modérée et mesurée justement […].

Or il se faut souvenir de choisir un œuf bien frais et de grosseur médiocre, par l’un des bouts duquel on tirera subtilement le blanc qui est au-dedans en faisant un petit trou, sans toutefois rien toucher au moyeu, {a} qui est tout contre ; et l’ayant tiré, on remplira le vide dudit œuf, de beau et bon safran de Levant tout entier et non pulvérisé ; et l’environnera-t-on, par après, ou d’une autre coque d’œuf, ou de pâte de froment, à telle fin que rien ne passe ou transpire à travers ledit trou de l’œuf. Ce qu’étant fait, on fera rôtir ledit œuf environné et muni comme nous avons dit, ou dans un four, ou bien dans une fournaise, moyennant que le feu ne soit pas trop violent, jusques à temps que sa coque en devienne noire, et que ce qui est contenu en icelui se puisse facilement mettre en poudre.

Au reste, je sais que plusieurs ne veulent du tout point admettre la noix vomique en cet électuaire, à cause qu’elle tue chiens et chats, et fait vomir les hommes qui en mangent. {b} Mais ceux-là changeront facilement d’avis quand ils sauront que le naturel des hommes est bien différent de celui des bêtes brutes, lesquelles se nourrissent de certaines viandes {c} qui sans doute tueraient l’homme s’il en mangeait, comme on le peut voir en l’ellébore et en la ciguë, dont le premier sert de nourriture aux cailles, et l’autre aux étourneaux ; et néanmoins, l’un et l’autre est ennemi mortel de la vie de l’homme. Au contraire, nous savons que l’aloès et les amandes amères tuent les renards, desquels, toutefois, l’homme se sert pour sa santé. Outre ce, ladite noix vomique étant douée de deux belles vertus, dont l’une est alexitère {d} et l’autre vomitive, il est certain qu’elle ne peut être que bien approuvée, n’y ayant rien de plus convenable pour la guérison des maladies contagieuses et vénéneuses, que le vomissement, et surtout à ceux-là qui ont la première région de leur corps {e} toute pleine et farcie de mauvaises humeurs ; car par ce moyen leurs parties intérieures étant délivrées de tout excrément, leurs facultés vitale, animale et sensitive sont plus capables de résister contre toute sorte de malignité et venin.

Quant à l’usage de cet électuaire, je sais comme il a été fort rare en France jusques à présent, qu’aussi, à l’avenir, il sera fort fréquent, et surtout quand on aura considéré les grandes et admirables vertus qu’il a contre la peste, contre le poison et autres maladies contagieuses, étant comme une petite thériaque que les modernes ont inventée et mise en vogue ; et si, en outre, on a égard à notre correction, par le moyen de laquelle il n’y a point de doute qu’il n’en soit rendu plus efficacieux. Cet électuaire de ovo est en très grande recommandation, tant pour la préservation, ou précaution, que pour la guérison de la peste, et de toutes autres maladies pestilentielles. On le donne ou solitairement, et tout seul, ou avec quelque conserve, {f} ou dans quelque décoction cordiale. »


  1. Au jaune (qui est au milieu).

  2. V. note [38] de l’Autobiographie de Charles Patin pour la noix vomique, dont le principe actif est la strychnine.

  3. Certains aliments.

  4. Contrepoison.

  5. La première région était la tête, mais pouvait aussi désigner la partie haute et postérieure, dite sus-mésocolique, de l’abdomen : v. note [1], lettre 151.

  6. V. note [4], lettre 410.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 42.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8129&cln=42

(Consulté le 20/04/2024)

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