Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 42.
Note [42]

Thomas More, auteur de l’Utopie (v. note [4], lettre latine 435), chanoine catholique, éminent humaniste et chancelier du royaume d’Angleterre (1529-1532), fut décapité à Londres, le 6 juillet 1535, pour son opposition au schisme anglican, qui fut la conséquence politique la plus tonitruante de la réforme protestante, que Martin Luther avait fondée en 1517.

Le Dictionnaire (jésuite) de Trévoux (1743-1752) a bien résumé l’historique, les dogmes et l’ecclésiologie de l’Église anglicane :

« La religion anglicane, c’est la prétendue réforme introduite par Henri viii. {a} Depuis que l’Angleterre avait été convertie par le moine saint Augustin qui y fut envoyé par saint Grégoire, {b} et qu’il eut chassé l’idolâtrie, que les Saxons ou Anglais y avaient rappelée, l’Angleterre avait été catholique, jusqu’à se faire tributaire du Saint-Siège. Mais Henri viii ayant fait dissoudre son mariage avec Catherine d’Aragon, pour épouser Anne Boleyn, {c} et le pape l’ayant excommunié, ce prince changea la religion ; et premièrement, il défendit, sous peine d’être traité de criminel de lèse-majesté, de reconnaître l’autorité du pape, et ordonna qu’on le reconnût lui-même chef de l’Église anglicane en terre ; {d} qu’on lui payât les annates et les décimes des bénéfices ; {e} qu’on s’adressât à lui pour la décision des procès et la réforme des abus ; et que le pape ne fût plus appelé que l’évêque de Rome simplement. Il se créa un vicaire général dans les affaires spirituelles et ecclésiastiques. Ce vicaire, quoique laïque, fit des ordonnances, qu’il appela injonctions, auxquelles il assujettit les prélats et tout le clergé. Il présida, au nom du roi, au synode que ce prince assembla ; il n’y fut rien décidé contre la foi. Jusque-là, ce n’était que schisme ; mais bientôt après, l’hérésie s’y mêla. Le nouveau chef de l’Église soutint qu’il y avait sept sacrements, mais qu’il n’y en avait que trois institués par Jésus-Christ : le baptême, l’Eucharistie et la pénitence ; que les autres {f} avaient été ajoutés par l’Église. Il changea beaucoup de choses dans la liturgie. Il ôta le nom du pape du Canon de la messe, et y mit le sien. Il nia que la confession fût d’institution divine, quoiqu’il la crût nécessaire ; il laissa les prières pour les morts et nia le purgatoire ; {g} il prescrivit une nouvelle forme pour l’ordination des évêques. Il défendit le mariage aux prêtres et le permit aux religieux qui n’étaient pas prêtres.

Tels furent l’origine et le commencement de la religion anglicane. Sous le règne d’Édouard vi, {h} fils d’Henri viii, Édouard Seimer, {i} son oncle et son tuteur, hérétique zwinglien, {j} introduisit en Angleterre les luthériens, les zwingliens, et leurs erreurs. Élisabeth {k} fit aussi différents règlements, surtout pour la conservation de tout l’extérieur de la religion, aussi bien que Jacques ier et Charles ier, son fils. {l} De sorte qu’en général, on peut dire que les principaux points de la religion anglicane sont :

  1. de ne reconnaître point le pape pour chef de l’Église, de reconnaître, au contraire, le souverain, quel qu’il soit, homme, femme ou enfant, pour chef de l’Église d’Angleterre ;

  2. de conserver la hiérarchie et les différents ordres de ministres ; {m}

  3. de conserver la liturgie et le culte extérieur de religion, quoique différemment des catholiques ;

  4. outre les erreurs dont j’ai parlé, de rejeter le culte des saints, la présence réelle, et de ne croire sur cela que ce qu’enseigne Zwingli, ou Calvin.

L’Église anglicane, c’est la société des Anglais qui professent la religion dont je viens de parler. L’Église anglicane est composée du roi, qui en est le chef, du clergé et du peuple. Le clergé comprend les archevêques et évêques, les prêtres, et les diacres. Élisabeth n’admit aucun ordre inférieur au diaconat. Il y a dans l’Église anglicane différents bénéfices, des cures ou paroisses, des chapitres, des dignités dans ces chapitres, des canonicats, des chanoines, etc. ; mais il n’y a point de religieux, quelque chose qu’Élisabeth ait fait pour tâcher d’en conserver. Cette reine se vantait d’avoir un clergé honorable, et non pas des ministres affamés comme ceux de Genève. »


  1. Roi d’Angleterre de 1509 à 1547, v. notes [12], lettre 413, et [32][37] du Faux Patiniana II‑7.

  2. Augustin de Cantorbéry, saint moine bénédictin, avait converti l’Angleterre à la religion romaine au ve s. V. la citation 2, note [19] du Naudæana 3, pour le saint pape Grégoire le Grand.

  3. Thomas More avait signifié son opposition au schisme en refusant d’assister au couronnement d’Ann Boleyn (1er juin 1533), seconde épouse de Henri viii (v. note [32] du Faux Patiniana II‑7), après son divorce d’avec Catherine d’Aragon (v. note [8] du Borboniana 8 manuscrit).

  4. Ici-bas.

  5. Taxes prélevées par le pape (annates) et le par le roi (décimes) sur les revenus annuels des bénéfices ecclésiastiques.

  6. Confirmation, mariage, ordination des prêtres, extrême-onction.

  7. V. notes [28], lettre 79, pour le purgatoire, et [54] du Borboniana 5 manuscrit, seconde notule [c}, pour la confession.

  8. 1547-1553 (v. note [8] du Borboniana 8 manuscrit).

  9. Sic pour Edward Seymour, régent du royaume (Lord Protector) de 1547 à 1549.

  10. Adhérents à la réforme protestante fondée par Ulrich Zwingli à Zurich (1523, v. note [44], lettre 183).

  11. Reine de 1558 à 1603 (v. note [6], lettre 511).

  12. Jacques (v. note [17], lettre 287) et Charles Stuart (v. note [11], lettre 39) ont successivement régné de 1603 à 1625, et de 1625 à 1649.

  13. Ecclésiastiques ou pasteurs.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 42.

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(Consulté le 25/04/2024)

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