À Charles Spon, le 2 août 1652, note 43.
Note [43]

François de Lorraine, comte de Rieux et d’Harcourt (1623-1694), était le troisième fils de Charles ii de Lorraine, duc d’Elbeuf, et de Catherine-Henriette de Bourbon, sœur du duc de Vendôme (César Monsieur, tous deux enfants naturels de Henri iv). V. note [44], lettre 226, pour Henri-Charles de La Trémoille, prince de Tarente, cousin de Condé.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 124 ro et vo, 2 août 1652) :

« Le 31 à midi, M. le prince de Tarente et le comte de Rieux s’étant rencontrés dans la galerie du palais d’Orléans, celui-ci, qui voulait précéder le premier dans le Conseil de S.A.R., {a} lui en parla avec beaucoup de passion ; dont M. le Prince s’en étant aperçu, en avertit S.A.R. et lui fit remarquer l’importance qu’il y avait d’éviter un malheur qui en eût pu arriver, semblable à celui du jour précédent. Aussitôt, S.A.R. obligea le comte de Rieux à lui donner sa parole ; et M. le Prince prit celle du prince de Tarente après lui avoir dit qu’il ne fallait plus parler de ce différend et qu’il fallait s’en tenir à ce qui avait été arrêté le matin du jour même, savoir qu’un chacun se mettrait où il se trouverait. {b} M. le Prince même dit qu’il se mettrait le dernier pour montrer le chemin aux autres ; et M. le prince de Tarente était demeuré d’accord avec M. de Sully que le < premier qui > y arriverait aurait la première place. Enfin, les paroles étant données et S.A.R. étant retournée au bout de la galerie, M. le comte de Rieux murmura de ce qu’on l’obligeait à donner sa parole sur un sujet de cette nature, disant qu’il n’y avait point de rang à régler entre M. le prince de Tarente et lui ; ce qu’ayant répété deux ou trois fois, celui-ci lui répondit qu’il n’y avait rien de réglé entre eux. M. le Prince s’étant alors adressé à M. le comte de Rieux, lui dit qu’il manquait de respect pour S.A.R. après la parole qu’il lui avait donnée ; à quoi ce comte ayant répondu qu’il savait bien à qui il devait du respect, M. le Prince lui dit : “ Je ne vois pas que vous le sachiez ” (voulant dire qu’il n’en avait point pour lui). Alors ce comte lui répliqua : “ Je ne vous choisirai pas pour juge de mon affaire avec M. le prince de Tarente, à cause que vous êtes pour lui ”. M. le Prince repartit : “ Puisque vous m’obligez à vous le dire, il est vrai que je suis pour lui et c’est avec raison, parce qu’il est mon proche parent et mon ami, et que je lui ai obligation, et non point à vous ”. Sur quoi, ce comte ayant dit à M. le Prince qu’il ne serait jamais son serviteur ni son ami et qu’il se souciait fort peu de lui, M. le Prince lui donna un soufflet. Aussitôt, le comte de Rieux rendit un coup de poing à M. le Prince ; et lui ayant arraché ses glands, {c} tira son épée à demi ; mais M. le Prince, qui n’en avait point, lui sauta d’abord sur la garde et le maltraita encore davantage, assisté de trois ou quatre personnes de sa suite, entre autres le président Viole et le sieur Guitaut ; mais pour éviter un plus grand malheur, on le jeta sur la terrasse qui regarde la rue Tournon et l’on ferma la porte de la galerie, où M. le Prince ayant surpris l’épée du baron de Migène, retourna à la porte pour s’aller battre contre le comte de Rieux ; mais le duc de Rohan se mit devant la porte et dit à M. le Prince : “ Monseigneur, vous me pouvez tuer, mais vous ne passerez point ”. Et S.A.R. étant survenue, fit arrêter prisonnier ce comte qui fut conduit dans la Bastille, où l’on croit qu’il demeurera longtemps. »


  1. Son Altesse Royale, le duc d’Orléans.

  2. Dans le rang de préséances.

  3. Boutons ornés fermant le collet.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, page 267) ajoute à cela que le duc d’Orléans

« envoya quérir M. le Chancelier et quelques conseillers du Parlement pour lui faire son procès, le prince de Condé le priant que ce ne fût point ».

Guy Patin sous-estimait la durée de l’emprisonnement (Journal de la Fronde, volume ii, fo 154 vo, 24 septembre 1652) :

« Le comte de Rieux fut mis, hier au soir, hors de la Bastille, son affaire s’étant accommodée avant-hier par l’entremise de M. de Lorraine qui a obtenu sa liberté. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 2 août 1652, note 43.

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(Consulté le 24/04/2024)

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