À Charles Spon, le 10 août 1657, note 43.
Note [43]

Guillaume de Lamoignon, marquis de Bâville (Bâville, Essonne 1617-ibid. 1677), était l’un des plus brillants magistrats du Parlement de Paris. Issu d’une famille de robe originaire du Nivernais et anoblie au xvie s., il avait successivement été avocat et conseiller au Parlement de Paris en la quatrième Chambre des enquêtes dès l’âge de 18 ans (1635), maître des requêtes et conseiller d’État en 1645. Pendant la Fronde, il avait d’abord été du nombre des membres du Parlement qui résistèrent à Mazarin, mais finit par se rallier au parti de la cour. « Je me rangeai, dit-il, pour ne pas être soumis à la populace, dont la tyrannie est plus extravagante et plus insupportable aux gens de bien que ne le seraient les princes les plus cruels. »

Contrairement à ce que pronostiquait ici Guy Patin, Mazarin choisit Lamoignon pour succéder au premier président de Bellièvre en 1658. Une solide amitié liait Lamoignon à Patin, comme la suite de ses lettres en a abondamment témoigné.

Outre ses très hautes compétences en droit, Lamoignon a eu la réputation d’un homme instruit, désintéressé, sage et intègre. On cite sa belle attitude lors du procès de Nicolas Fouquet dont on l’avait chargé : il se récusa pour protester contre les pressions qu’exerçait Colbert. Il réunit autour de lui à partir de 1667, dans son hôtel parisien de la rue Pavée (actuelle Bibliothèque historique de la Ville de Paris), un cercle savant que fréquentèrent, entre autres, Guy et Charles Patin, le P. René Rapin (v. note [8], lettre 825), Nicolas Boileau-Despréaux et Jacques-Bénigne Bossuet. On s’y intéressa beaucoup à la philosophie de Descartes, mais aussi à la circulation du sang ; Lamoignon défendait Harvey et inspira à Boileau son Arrêt burlesque (1671).

L’Académie Lamoignon (v. note [2], lettre 566) n’avait rien d’un salon libertin car son meneur était l’un des membres très influents de la secrète et dévote Compagnie du Saint-Sacrement (v. note [1], lettre 540) qui parvint notamment à faire interdire le Tartuffe de Molière en 1664 (v. note [6], lettre 777). On devait pourtant y avoir l’esprit large car Patin y tenait assidûment sa place, en dépit de sa légendaire opposition à la circulation et de la réputation de libertin érudit que la postérité lui a réservée.

Guillaume de Lamoignon avait épousé en 1640 Marie Potier d’Ocquerre, sœur de René Potier de Blancmesnil. De leur union naquirent neuf enfants dont six atteignirent l’âge adulte : l’aîné, Chrétien-François (1644-1709, v. note [5], lettre 816), devint président à mortier du Parlement de Paris ; Nicolas (1648-1724) devint conseiller au Parlement puis intendant du Languedoc ; leurs deux sœurs plus âgées, Marie (v. note [4], lettre 922) et Magdelaine (v. note [5], lettre 922), se marièrent, l’une avec le comte de Broglie et l’autre avec Achille iii de Harlay (premier président en 1689) ; les deux cadettes, Élisabeth et Anne, se firent religieuses (R. et S. Pillorget, Jean Pradel, Dictionnaire du Grand Siècle, et Popoff, 111).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 10 août 1657, note 43.

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(Consulté le 23/04/2024)

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