Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 43.
Note [43]

L’« édition gréco-latine » renvoie aux :

Philostrati Lemnii Opera quæ extstant… Græca Latinis e regione posita ; Fed. Morellus Professor et Interpres Regius cum mnss. contulit, recensuit : et hactenus nondum Latinitate donata, vertit.

[Toutes les œuvres connues de Philostrate de Lemnos {a}… Directement transposées du grec en latin ; Fédéric Morel, {b} professeur et interprète royal, les a collationnées avec les manuscrits et revues, et les a traduites dans un latin qui ne leur avait encore jamais été donné à ce jour]. {c}


  1. Aussi appelé Philostrate d’Athènes, v. note [41], lettre 99.

  2. Ou Frédéric Morel, v. note [6], lettre latine 355.

  3. Paris, Marc Orry, 1608, in‑fo grec et latin juxtalinéaires de 914 pages.

Pour illustrer ces deux citations, j’ai recouru au :

Philostrate, de la Vie d’Apollonius Thyanéen {a} en viii. livres. De la traduction de B. de Vigenère {b}, Bourbonnais. Revue et corrigée sur l’original grec par Fed. Morel, lecteur et interprète du roi. Et enrichie d’amples Commentaires par Artus Thomas, sieur d’Embry, Parisien. {c}


  1. Ou de Tyane, v. note [4], lettre 986.

  2. Blaise de Vigenère, v. note [18] du Patiniana I‑3.

  3. Paris, Abel l’Angelier, 1611, in‑4o de 759 pages.

    Dans son étude intitulée L’Énigme « Artus Thomas, sieur d’Embry, Parisien » (Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 124, mars 2017, no 1, pages 85‑112, en ligne sur OpenEdition Journals), Grégory Thomas n’est pas parvenu à certainement identifier ce chroniqueur prolifique, mais sa contribution aux études historiques est indiscutable : il a notamment édité volumineuse Histoire de la Décadence de l’Empire grec, et établissement de celui des Turces par Chalcondile Athénien (Paris, Abel l’Angelier, 1612, in‑fo richement illustré de 1 114 pages), et œuvré à continuer trois ouvrages de Blaise Vigenère, dont cette Vie d’Apollonius.


  • Livre v, chapitre x (pages 108‑113), Des propos qu’eut Vespasien avec Apollonius ; et des qualités requises à un empereur. Des méchancetés de Vitellius, et ce qu’Apollonius en prédit à Vespasien :

    « Vespasien {a} ayant fait ses dévotions dans le temple et donné un peu d’audience aux députés de quelques villes, s’en alla trouver Apollonius et le salua, lui disant à guise d’un {b} qui suppliait : “ Faites-moi empereur, très sage Apollonius ! – Je l’ai déjà fait, répondit-il, et tout à cette heure ; en priant les dieux, je leur requérais de vous faire empereur généreux, équitable et modéré, orné de desseins chenus, {c} juste gouverneur et père d’enfants légitimes de toutes les cités. Et voilà ce que j’ai dit aux dieux. ” Vespasien se contenta fort de ces paroles parce que, tout le peuple les ayant ouïes, comme s’ils y eussent prêté leur consentement et approbation, < ils > levèrent une haute et joyeuse acclamation dans le temple. Delà, {d} l’empereur, en se retournant devers Apollonius, alla dire : “ Et de quelle sorte vous a semblé l’empire de Néron ? {e} – Néron, répondit Apollonius, sut peut-être accorder sa lyre, mais non pas l’empire, l’étreignant tantôt trop avarement, et tantôt le relâchant à une trop prodigieuse largesse (dont il vint à le ruiner). – Voulez-vous donc, poursuivit l’empereur, que le prince soit modéré et tienne la voie du milieu en toutes ses actions et comportements ? – Ce n’est pas moi qui l’ordonne, répondit Apollonius, mais Dieu propre, {f} lequel définit la justice par la médiocrité. {g} Mais vous ne sauriez en cela avoir de meilleurs et plus sages conseillers que ceux-ci, ” leur montrant Dion et Euphrate, car il n’était pas encore entré en contention {h} avec eux. Alors l’empereur, levant les mains devers le ciel, “ Octroyez-moi, alla-il dire, {i} ô très bon, tout-puissant Jupiter, que je règne sur des gens sages, et que ces sages-là aient commandement sur moi ! ” Puis, se tournant vers le peuple d’Égypte, “ Prenez de moi, alla-il dire, {i} tout ce qui vous sera le plus agréable, non d’autre sorte que vous avez accoutumé de le prendre de votre Nil ” : dont il sembla que l’Égypte commençât lors à respirer des vexations qu’elle avait si longtemps souffertes ? L’empereur puis après étant parti du temple, qui tenait Apollonius par la main, le mena avec lui au palais ; […]. {j}

    Apollonius l’ayant ainsi ouï parler, rempli de divine inspiration, alla dire : “ Ô Jupiter Capitolin, puisque selon < ce > que je connais, vous présidez au gouvernement et direction de ces choses, maintenez-vous favorable et propice à ce prince-ci (qui a un si bon vouloir de bien faire), en nous conservant pour lui, et en le conservant pour vous, puisque c’est celui-là qui a été institué des Destinées pour restaurer ce temple vôtre, auquel fut le jour d’hier mis le feu par de méchantes et détestables mains. ” Ces paroles apportèrent un grand ébahissement à l’empereur ; et comme Apollonius s’en fût aperçu : “ Ce que je viens de dire, poursuivit-il, se trouvera en effet être véritable, et n’avez aucun besoin que je vous assiste en cette affaire. Cependant, persévérez d’accomplir ce que vous avez bien et prudemment projeté de faire. ” De cas d’aventure, en ces jours-là, {k} Domitien, fils de Vespasien, combattit à Rome contre Vitellius en faveur de son père pour occasion de l’empire ; et ayant assiégé ses ennemis dans le Capitole, eux, partant de là à la dérobée, mirent le feu au temple ; ce qui vint à la connaissance d’Apollonius plus tôt que s’il fût advenu en Égypte. {l} Ayant donc ainsi devisé, ils se partirent {m} l’un de l’autre, car Apollonius dit à l’empereur qu’il ne lui était pas loisible d’intermettre {n} les sacrifices des Indiens, qui se faisaient entour de {o} midi. Et l’empereur s’en alla tout réjoui en son esprit aux dépêches {p} de ses affaires, non autrement que s’il eût été déjà confirmé paisible à {q} l’empire, sans plus de contradiction pour {r} les choses qu’il avait ouïes d’Apollonius. »


    1. Vespasien, autrement appelé Vespasian, empereur romain de 69 à 79 (v. note [4], lettre 33), séjournait alors à Alexandrie d’Égypte.

    2. Avec les manières d’une personne qui.

    3. Mûris par l’expérience de l’âge : chenu signifie « blanc de vieillesse » (Furetière).

    4. Ensuite.

    5. Néron a régné de 54 à sa mort, en 68 (v. notule {a}, note [42], lettre 183) ; né en 9, Vespasien avait alors 59 ans.

    6. Modération, juste mesure.

    7. Lui-même.

    8. Conflit.

    9. Sic pour « dit-il ».

    10. En langue moderne : « Après être parti du temple en tenant Apollonius par la main, l’empereur le mena avec lui au palais ». Vespasien vante longuement ses propres vertus, en les opposant aux nombreux vices de Néron, tenu pour l’usurpateur qui lui a ravi le pouvoir à la mort de Claude.

    11. Il se trouva qu’au même moment.

    12. Avant même que la nouvelle en fût parvenue à Alexandrie. V. notules {a} et {b}, première citation de la note [61] du Naudæana 2, pour ces événements.

    13. Séparèrent.

    14. De retarder. Les « Indiens » ont sans doute un rapport avec les brahmanes mentionnés dans l’extrait suivant, mais je n’ai pas approfondi la question.

    15. Vers.

    16. L’expédition.

    17. Admis sans contestation à diriger.

    18. Doutes sur.

  • Annotation du sieur d’Embry sur le chapitre x du livre v (2e partie, pages 114‑115) :

    « Faites-moi empereur. De fait que {a} Tacite, au livre 18, chapitre 15, dit que ce fut en Alexandrie qu’il commença de se déclarer empereur, non par le moyen d’Apollonius, comme veut Philostrate, mais de Tibère Alexandre qui, le premier jour de juillet, se hâta de faire faire le serment aux légions en son nom, et fut ce jour estimé le premier de son empire, dit cet auteur. {b} Mais je m’étonne comment Philostrate a oublié de rapporter ce que dit le même Tacite au 20e livre, chapitre 12, {c} à savoir que Vespasien guérit à l’instant un homme qui avait fort mal aux yeux ; et ce en arrosant ses joues de sa salive (le diable voulant se moquer de cet aveugle-né que guérit notre Seigneur en saint Jean chap. 9), {d} et d’un autre ayant mal à la main, priant l’empereur de vouloir, de son pied et de sa plante, marcher sur lui ; disant l’un et l’autre qu’il leur avait été ainsi commandé par le dieu Sérapis. {e} Car le diable voyant cet empereur porté au bien, il craignait de le perdre, et qu’il ne fût gagné par les chrétiens : de sorte qu’il le voulait obliger de ces faux miracles (car, ainsi que le dit Tacite, les médecins ne désespéraient pas de la santé de ces malades, Vespasien ne fit qu’abréger le temps), et se fortifier de plus en plus en son idolâtrie. Or deux choses ont empêché, comme je pense, Philostrate de parler de ceci : l’une, qu’il voulait qu’on crût que tout le bonheur de Vespasien venait d’Apollonius et que, même sans lui, il n’aurait pas embrassé cette domination ; mais l’autre, c’était aussi pour ne pas égaler Vespasien, en matière de faire des miracles, aux sages des Indes, car ceci que fit cet empereur au temple de Sérapis n’était pas moindre que ce qu’on nous a raconté ci-dessus avoir été fait par les brahmanes, quand ils guérirent ce borgne et ce boiteux, liv. iii, chap. xii de cette histoire. {f} Or Philostrate a fait fort grand cas de ces sages à cause d’Apollonius, qui avait appris d’eux la plus grande part de sa science. »


    1. Le fait est que.

    2. Dans les éditions modernes, ce passage correspond au chapitre lxxix du livre ii de l’Histoire de Tacite.

    3. Histoire, livre iv, chapitre lxxxi : seconde citation de la la note [44] infra.

    4. V. notule {b} note [2] du Naudæana 4.

    5. Grand dieu des Égyptiens, vénéré à Alexandrie depuis le iiie s. av. J.‑C. : « Le symbole ordinaire de Sérapis [ou Sarapis] est une espèce de panier ou de boisseau, appelé en latin calathus, qu’il porte sur la tête pour signifier l’abondance que ce dieu, pris pour le Soleil, apporte à tous les hommes » (Fr. Noël).

    6. Chapitre xii, livre iii de la Vie d’Apollonius, intitulé : D’un beau jeune fils, aimé et molesté d’un démon, et d’une lettre que ces sages lui écrivirent. Comment ils guérirent aussi un boiteux, un borgne et une femme qui ne pouvait porter à terme. Et que les œufs de la chouette, si on en mange, font avoir en horreur le vin.

      Le chapitre ix du même livre iii porte sur les sages indiens : Que les brahmanes, lorsque Apollonius arriva vers eux, étaient dix-huit. Quelles sont les choses qui ne se choisissent point par la vertu, mais au sort : avec de beaux discours sur le roi Xerxès, et son entreprise de Grèce (v. note [102] du Faux Patiniana II‑7).

      Le Naudæana et le Borboniana ont prêté un surprenant intérêt aux grossières extravagances de Philostrate sur Apollonius. Sous ombre de les réfuter, Gabriel Naudé et Nicolas Bourbon y trouvaient sans doute matière à alimenter leur scepticisme « libertin », et un malin plaisir à l’insinuer dans l’esprit de leurs interlocuteurs.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 7 manuscrit, note 43.

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(Consulté le 20/04/2024)

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