Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-2, note 43.
Note [43]

Cette citation renvoie à l’adage no 1015 d’Érasme, Leporem non edit [Il n’a pas mangé de lièvre] :

Antiquitus superstitiose creditum est, esu leporinæ pulpæ conciliari formam. […] Lampridius scribit, poetam quemdam in Alexandrum Severum, quod quotidie vesceretur Leporina, ita lusisse :

Pulchrum quod vides esse nostrum regem,
Quem Syrum sua detulit propago,
Venatus facit, et lepus comesus,
Et quod continuum capit leporem.

Primum carmen vitiatum est. Hos versus cum quidam ex amicis ad Alexandrum detulisset, respondisse fertur in hanc sententiam :

Pulchrum quod putas esse vestrum regem
Vulgari miserande de fabella,
Si verum putas esse, non irascor.
Tantum tu comedas velim lepusclos,
Ut fias animi malis repulsis
Pulcher, ne invideas livore mentis
.

Si vides lector parum observatas metri leges, memineris Imperatorem scripsisse, cuius est præscribere leges, non parere.

[Dans l’Antiquité, une superstition laissait croire que manger de la viande de lièvre rendait beau. (…) Lampridius a écrit qu’un poète s’était ainsi moqué d’Alexandre Sévère {a} parce qu’il avait tous les jours du lièvre à sa table :

« À ce que tu vois, notre roi est beau.
Doit-il cela à son origine syrienne ?
Non, il chasse le lièvre et en mange,
Et c’est ce qui lui vaut son éternelle grâce. »

Le premier vers est fautif. {b} L’un de ses amis ayant rapporté ce poème à Alexandre, on raconte qu’il y répondit par celui-ci :

« À ce que tu penses, votre roi est beau,
C’est le misérable conte qu’on répand,
Si tu penses que c’est vrai, je ne m’en irrite pas.
Je voudrais seulement que tu manges toi aussi des levrauts
Et qu’ainsi débarrassé de ses méchancetés ton esprit devînt
Beau, et que tu cessasses d’être haineusement jaloux. »

Si tu trouves, lecteur, que les lois de la métrique n’ont guère été respectées, souviens-toi que l’auteur est un empereur, dont le propre est de dicter les lois et non d’y obéir]. {c}


  1. Ælius Lampridius a écrit la Vie d’Alexandre Sévère (v. note [45] du Naudæana 2) dans l’Histoire Auguste (v. note [31], lettre 503).

  2. La syntaxe et la scansion latines du poème m’ont paru bancales du premier au dernier vers.

  3. J’ai mis en exergue la phrase d’Érasme citée par L’Esprit de Guy Patin.

    Le latin de l’empereur est pire encore que celui du poète qui l’avait provoqué. À la décharge d’Alexandre Sévère, Érasme omettait de dire que Lampridius a transcrit une version latine de vers primitivement écrits en grec.


Pour en revenir à l’abbé Pierre Costar, {a} il n’est pas là tout à fait par hasard : le propos de Lampridius est cité, élégamment traduit et savamment commenté (sans référence à Érasme) dans Les Entretiens de Monsieur de Voiture et de Monsieur Costar, {b} lettre xxv (pages 189‑192), Monsieur Costar à Monsieur de Voiture. En reprochant leur négligence aux éditeurs de L’Esprit de Guy Patin, je conclus que leur article bancal ne peut pas être attribué à Patin, et leur attribue sans l’ombre d’un doute le commentaire (qui suit leur citation latine) dont ils ont assorti leur divagation.


  1. V. supra note [42].

  2. Paris, 1654, v. note [16], lettre 340.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-2, note 43.

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(Consulté le 28/03/2024)

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