À Charles Spon, le 17 septembre 1649, note 44.
Note [44]

Le Pont-de-l’Arche, à 20 kilomètres au sud de Rouen, proche du confluent de la Seine et de l’Eure, était depuis Philippe Auguste une place forte de première importance stratégique. L’attribution de son gouvernement au duc de Longueville (v. note [9], lettre 197) fut conclue le 17 septembre par l’entremise du duc d’Orléans et de l’abbé de La Rivière.

L’affaire ayant évolué en parallèle avec la querelle autour du mariage du duc de Mercœur et de Laure Mancini, Condé et Mazarin s’y étaient vivement affrontés (Mme de Motteville, Mémoires, page 296, 10 septembre 1649) :

« Voilà donc M. le Prince animé par lui-même et par toute sa famille. Il parla en maître, et montra au cardinal Mazarin de l’audace et du dépit. Le ministre, sur les plaintes de ce prince, lui répondit pour sa défense que cette place était d’une telle conséquence qu’elle rendait le duc de Longueville le maître absolu de toute la Normandie ; et que lui, qui avait l’honneur d’être premier ministre et en qui le roi et la reine avaient remis le soin de soutenir les intérêts de l’État, était obligé de le défendre. Comme sur les instances de M. le Prince, le ministre eut souvent répondu de pareilles raisons, M. le Prince, ne pouvant plus souffrir qu’il osât lui parler de la force qu’il devait avoir à défendre l’État, lui qui l’avait vu si faible et qui croyait l’avoir soutenu par sa protection, en fit des railleries ; et se moquant de sa vaillance en cette occasion ou dans quelque autre semblable, il lui dit un jour en le quittant, “ Adieu, Mars ” ; et le traitant de ridicule, il alla se vanter dans sa famille de cette parole comme si elle eût été digne de l’immortaliser. Le ministre sentit cet outrage, toute la cour se troubla sur cette querelle et chacun forma des desseins sur le mécontentement du prince de Condé. »

Le 14 septembre, Le Tellier vint trouver Condé de la part de Mazarin et de la reine pour lui justifier leur refus (ibid., page 297) :

« M. le Prince répondit à cet ambassadeur qu’il le priait d’aller trouver M. le cardinal pour lui dire qu’il ne veut plus être son ami ; qu’il se tient offensé de ce qu’il manque de parole et qu’il n’est pas résolu de l’en souffrir ; qu’il ne le verra jamais que dans le Conseil ; et qu’au lieu de la protection qu’il lui avait donnée jusqu’alors, il se déclarait son ennemi capital. Sur cette réponse, le cardinal manda à M. le Prince que cela était bien étrange qu’il se laissât gouverner par Madame sa sœur {a} et par le prince de Conti, son frère, après ce que lui-même avait dit de l’un et de l’autre ; et que pour lui, il serait toujours son serviteur. Cette harangue déplut à M. le Prince, il ne voulut pas qu’on pût croire de lui qu’il se laissât gouverner ; mais elle fut agréable à Mme de Longueville, ce fut une marque certaine et publique du pouvoir qu’elle commençait d’avoir sur M. le Prince. Voilà toute la cour, à ce bruit, qui court chez M. le Prince. Les frondeurs furent ravis de le voir leur chef et d’espérer qu’ils pourraient un jour combattre sous ses enseignes. Ils ne doutaient pas qu’ils ne pussent avec lui renverser la France à leur gré et cette illusion leur était agréable. »


  1. Mme de Longueville.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 17 septembre 1649, note 44.

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(Consulté le 20/04/2024)

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