Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 46.
Note [46]

Joseph Scaliger a abondamment correspondu avec Pierre i Pithou ; après sa mort (en 1596), son frère François, ici qualifié par le Borboniana de « sévère et morose », eut une vive querelle avec Scaliger, qui s’en est expliqué dans sa lettre à Nicolas Rigault (v. note [13], lettre 86), datée de Leyde, le 17 janvier 1600 (Correspondence, volume 3, pages 373‑374) :

« En mes dernières, je pense vous avoir touché quelque chose de la déloyauté du Sieur Pithou, et de la barbarie dont il a usé envers moi. Faites-moi, Monsieur, ce plaisir, s’il vous plaît, à votre premier loisir, de savoir tout au long le discours que j’ai dressé à Monsieur Gillot, conseiller à la Cour. {a} J’en supplie autant tous mes autres bons seigneurs et amis, tant du Sénat que du barreau, d’y vouloir entendre. Je ne désire rien tant que d’être condamné par eux si j’ai tort. Tant y a que ledit Pithou est si outré de πλεονεξια {b} qu’il me retient mon labeur ; et pour excuse et prétexte de me le retenir, il m’allègue que je lui rende des inscriptions que feu son frère (plus homme de bien que lui) me prêta. {c} Pensez si c’est parler en jurisconsulte. Vous verrez ce que j’ai couché par écrit chez Monsieur Gillot. Or, il n’eût osé me faire un tel tour si j’eusse été aussi près de lui que j’en suis loin. Je lui eusse bien montré qu’un Gascon est trop impatient que d’endurer les chicaneries des Champenois, {d} et un homme de ma qualité, d’être bravé d’un tel homme stramentitius. {e} Pardonnez-moi si je vous parle d’un homme qui ne mérite n’être pas même regardé d’un homme de tel mérite que moi. Il le faut renvoyer au pays des Topinambous, {f} où il trouvera des hommes de ses mœurs, puisque parmi tant d’honnêtes hommes qu’il voit et fréquente tous les jours, il n’a pu apprendre aucun point de civilité. […] {g}

Tous ces livres, je les avais prêtés à feu de bonne mémoire Monsieur Cujas. {h}. Incontinent après sa mort, on y mit les griffes. Ces livres, avec autres, tombèrent entre les mains de feu Monsieur Pithou, je ne sais comment. Tant y a que la dernière lettre que ledit Sieur Pithou m’écrivit, peu avant sa mort, parla de me rendre tous ces livres. Je vous assure, Monsieur, que je respecte tant mes amis que quand il m’eût demandé ce Priscian conféré par moi {i} et qu’il eût usé de quelque courtoise demande, je lui eusse donné d’aussi bon cœur que, de mauvais trait, {j} il le retient. Il mieux estime me faire tort que d’entretenir notre amitié, de laquelle il est indigne, comme homme barbare et rustique : tel que, non seulement, l’avons toujours connu, mais encore, lui avons reproché familièrement ; de quoi, il n’en faisait que rire. Vous ne pouvez point ignorer quel il est : legitur in facie. » {k}


  1. Jacques Gillot (v. note [22] du Borboniana 3 manuscrit).

  2. Cupidité.

  3. Il s’agissait d’inscriptions que Pierre i Pithou avait relevées dans les archives de la ville de Périgueux et envoyées à Scaliger en 1593.

  4. Les frères Pithou étaient natifs de Troyes.

  5. Un homme de paille : « on appelle un homme de néant, un fort vêtu [homme portant beaux habits] qui se présente pour caution, un homme de paille » (Furetière).

  6. V. note [5], lettre 711.

  7. Suit une liste d’une demi-douzaine d’ouvrages rares et anciens retenus par François Pithou, mais dont Scaliger revendique la propriété.

  8. L’éminent juriste Jacques i Cujas (mort en 1590, v. note [13], lettre 106).

  9. Scaliger avait annoté un exemplaire des œuvres de Priscian (Priscianus Cæsariensis, grammairien latin du ve ou vie s.), un des livres que Pithou ne lui avait pas rendus.

  10. Malicieusement.

  11. « on le lit sur son visage. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 46.

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(Consulté le 25/04/2024)

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