Autres écrits : Une thèse cardinale de Guy Patin :
« La Sobriété » (1647), note 46.
Note [46]

Je n’ai trouvé les « aromates spartiates » que dans le livre i, Quare jejunandum [Pourquoi jeûner] du traité intitulé :

Aloe amari sed salubris succi Ieiunium quod in aula Sermi utriusque Bavariæ Ducis Maximiliani S.R.I. Archidapiferi Electoris, etc. explicavit, et latine scripsit Hieremias Drexelius e Societate Iesu.

[Le Jeûne est comme l’aloès, {a} dont la sève est amère mais salubre : Jeremias Drexel, {b} de la Compagnie de Jésus, l’a exposé devant la cour du sérénissime duc Maximilien des deux Bavière, grand sénéchal et électeur du saint Empire romain, etc., {c} puis rédigé]. {d}

Cette locution originale est expliquée en deux endroits du chapitre v, Iejunium, medicamentorum omnium medicamentum prorsus opportunissimum [Le jeûne est de très loin le plus secourable de tous les remèdes]. {e}

  • § ii, page 99 :

    Dionysius Siciliæ tyrannus cocum ad se accersens gravius stomachari cœpit, quod in pridiana cena vix ulli missus sapuissent, utique cocorum negligentia id accidisse. Cocus non sine sale ingeniosus : Si fas conjectare, inquit, optime regum, facile addivinaverim, quid defuerit : aromata ni fallor, desiderata sunt. Quid ais ? inquit rex, num culina nostra non satis habet aromatum ? sane, ait cocus, non satis aromatum Spartanorum. Aromata Spartana sunt, Labor et Fames. Nam Spartani non prius accumbunt, quam laboraverint et esurire cœperint. Hinc illud Græcorum : Fames præter seipsam alia quoque reddit dulcia. Ergo Spartan Hispaniarum, Indiarum, et Sinarum aromata omnia longe præcellunt.

    [Commençant à avoir des aigreurs d’estomac, Denys, tyran de Sicile, {f} fit venir son cuisinier, parce qu’au dîner de la veille, presque aucun des plats n’avait de goût. Esprit intelligent et non dénué de sel, le cuisinier dit : « Si tu me permets de conjecturer, toi le meilleur des rois, je devinerais facilement ce qui t’a manqué ; si je ne me trompe, tu y désirais des aromates. » Le roi répondit : « Que me dis-tu là ? Notre cuisine n’a-t-elle pas suffisamment d’aromates ? » Le cuisinier repartit : « Pour sûr, pas suffisamment d’aromates spartiates ! Ce sont le travail et la faim : les Spartiates {g} ne se mettent pas à table tant qu’ils n’ont pas travaillé et commencé d’avoir faim. De là vient le dicton des Grecs : “ La faim à elle seule rend tous les aliments savoureux. ” Les aromates spartiates surpassent donc de loin tous ceux des Espagnols, des Indiens et des Chinois. »] {h}


    1. V. note [8], lettre 169, pour la description et les propriétés médicinales de l’aloès.

    2. V. supra note [29].

    3. Maximilien ier von Wittelsbach, v. note [24], lettre 150.

    4. Anvers, veuve de Jan Cnobbaert, 1638, in‑8o de 336 pages.

    5. Ce curieux titre est expliqué à la fin de l’ouvrage, dans le chapitre xi et dernier, Epilogus dictorum omnium [Épilogue de tout ce qui a été dit], du livre ii, Quomodo jejunium, et quo fructu [Comment jeûner et avec quel profit], page 328 :

      Jejunium prorsus est Aloë saluberrimi, licet amarioris succi, jejunium vere pharmacum est pharmacorum omnium præstantissimum.

      [En un mot, le jeûne est l’aloès de l’être en parfaite santé : bien que sa sève soit fort amère, je jeûne est vraiment le plus remarquable de tous les remèdes].

      Une note au bas de la page explique le motif exact de cette métaphore :

      Aloë quam libri fons exhibet, est effigies illius Aloës, quæ Monachii anno 1634, in electorali horto post plurimos (50. putant) exiguæ staturæ annos subito in altitudinem viginti duorum pedum excrevit, hortense prorsus prodigium. Rami umbellas seu flores viginti unum ; flores singuli folliculos seu calyces centenos et tredecim habuerunt.

      [L’aloès que montre le frontispice de ce livre {i} est l’image de l’aloès du jardin de l’électeur de Bavière à Munich : d’abord de petite taille, en 1634, après (croit-on) cinquante années, il a tout à coup grandi jusqu’à atteindre 22 pieds, {ii} ce qui est un miracle botanique. Ses branches ont porté 21 ombelles ou fleurs, et ces fleurs ont chacune donné 113 follicules ou calices].

      1. Sur le frontispice de l’ouvrage, l’arbre est dessiné à droite, au-dessus du Christ en prière, avec une brebis et son agneau à ses côtés. En haut, dans les nuages, sont représentées neuf tables rondes avec nappes, couverts et chaises, mais inoccupées, avec ce phylactère : Convivas expectamus [Nous attendons les convives].

      2. Un peu plus de 7 mètres.
    6. Denys l’Ancien, v. note [57] du Faux Patiniana II‑6.

    7. V. note [25] du Faux Patiniana II‑1 pour les mœurs austères des Spartiates (ou Lacédémoniens).

    8. Faute d’avoir lu cette histoire ailleurs, je pense que Drexel l’a inventée pour agrémenter sa dissertation.

  • § iii, pages 101‑102 :

    Hebræus Psaltes de penore cælesti disserens : Cibavit eos, inquit, ex adipe frumenti, et de petra melle saturavit eos. Num mella stillarunt e rupe ? Nusquam id affirmat sacra pagina. Nam e petra Moses solam eduxit aquam ; de scaturigine mellea, mentio nulla. Aqua fluxit e silice, sed quia fatigatis et siti confectis hæc aqua opportunissime scaturiit, ideo hæc merum mel, Falernum merum videbatur. Aromata Spartana nobilissima. Jejunium cibi condimentum optimum ; aqua recens in siti potus gratissimus.

    [Le Psalmiste des Hébreux, parlant des mets célestes, dit : « Il les a nourris de moelle de froment et les a rassasiés du miel du rocher. » {a} Est-ce à dire que les rochers distillent des miels ? Jamais la Sainte Écriture ne l’affirme. De la pierre, Moïse n’a fait sortir que de l’eau ; sans aucune mention d’un torrent de miel. C’est de l’eau qui est sortie du roc, mais parce que cette eau a jailli pour des gens épuisés et tenaillés par la soif, elle leur a paru être du pur miel, du vin de Falerne. {b} Les aromates spartiates sont les plus nobles. Le jeûne est le meilleur condiment de la nourriture. L’eau fraîche est la plus agréable boisson dans la soif].


    1. Psaumes de David, 80:17, dans le latin de la Vulgate.

    2. V. notule {b}, note [12] du Traité de la Conservation de santé, chapitre iii, pour Galien sur les vertus de ce vin latin (merum) antique.

L’amertume de l’aloès, comparée à la douceur du miel, est apparue dans la dernière partie de l’article ii, mais sans emprunt au latin de Drexel.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Une thèse cardinale de Guy Patin :
« La Sobriété » (1647), note 46.

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(Consulté le 20/04/2024)

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