Annexe : Avis critiques sur les Lettres de Guy Patin : Voltaire, Sainte-Beuve, Nisard, Pic, Mondor, Jestaz, Capron, note 49.
Note [49]

« Ces critiques sont peut-être justes quant à la valeur historique des lettres de Patin ; néanmoins, elles ont une inestimable valeur quant à la représentation de la vie de son temps, et il faut rappeler qu’en les écrivant de sa plume, Guy n’avait pas l’intention d’en faire de la littérature. »

Ce passage se trouve à la page viii de l’Introduction de Guy Patin and the medical profession in Paris in the xviith century [Guy Patin et la profession médicale à Paris au xviie siècle] (New York, Paul B. Hoeber, 1929), dernier essai biographique imprimé de Guy Patin existant à ce jour, écrite par Francis Randolph Packard, médecin et historien américain (1870-1950). Ce livre n’est malheureusement qu’une laborieux et navrant Reader’s Digest des louables écrits de Reveillé-Parise, Pic ou Triaire, enrichi d’extraits tirés des lettres de Patin qui étaient alors publiées, mais sans autre apport original émanant de recherches personnelles. Je n’en recommande la lecture à personne car c’est un ennuyeux rabâchage de lieux communs, d’approximations et de contresens. Parmi cent autres bévues, on y apprend que Mazarin a établi le Collège des Quatre-Nations (page 17), ou que le le doyen de la Faculté de médecine de Paris était de droit membre du Parlement (page 46).

La remarque de Packard est néanmoins exacte si on s’intéresse plus à l’épistolier qu’au médecin, débat où Laure Jestaz s’est montrée plus indulgente que moi (page 202, pour conclure le chapitre iii de son Étude critique, intitulé Guy Patin et la médecine) :

« La matière médicale est assurément bien présente dans les lettres de Guy Patin des années 1649-1655. Témoignant de son attachement à la profession qu’il exerçait, elle confirme également la force de ses liens avec la Faculté de médecine de Paris dont l’enseignement lui parut le plus juste en ce qu’il se conformait le mieux avec les exigences de la santé publique. Néanmoins, pour fidèle qu’il ait été aux préceptes médicaux des Écoles, Guy Patin ne se fit pas faute d’en récuser certains, en exerçant sa propre réflexion sur la pratique thérapeutique la plus judicieuse et la plus salutaire aux malades.

Parce que ses activités de praticien lui laissaient peu de temps pour des recherches approfondies, Guy Patin fut dépendant des connaissances de son époque en physiologie, en anatomie et en botanique dont dépendait toute une méthode thérapeutique. Que cette époque ait été celle de profonds bouleversements dans ces trois domaines ne doit pas faire oublier que les découvertes d’alors restaient, malgré l’avancée de la science, souvent inexactes et présentaient des failles qu’un homme aussi exigeant que ce médecin ne put accepter, et qu’il critiqua en des termes que son tempérament si vif peinait à modérer. Qu’il s’agisse de la circulation du sang mise en lumière par Harvey, des vertus de l’antimoine ou de celles du quinquina récemment découvert, la nouvelle thérapeutique qui en découlait présentait encore trop de dangers pour les malades, d’où sa proscription par Guy Patin, avant tout soucieux d’exercer au mieux sa profession. Convaincu de l’innocuité des remèdes dont il se servait, et vivant en un temps où abondaient les drogues les plus variées aux compositions souvent extravagantes, il ne comprit pas l’utilité d’ajouter de nouveaux médicaments à la pharmacopée en vigueur, déjà si bien fournie, et les rejeta en bloc. Sa fermeté, souvent perçue comme une forme d’intolérance, se justifie par une conscience professionnelle forte, qu’il défendit jusque devant le Parlement à l’occasion de la guerre antimoniale. On a souvent mal jugé le rôle que les circonstances l’amenèrent à jouer. Du moins ne peut-on pas lui reprocher de s’être montré infidèle à ses convictions. »

Quant au talent littéraire de Patin, un anonyme chroniqueur de The Medico-Chirurgical Review, and Journal of Practical medicine [La Revue médico-chirurgicale et le Journal de médecine pratique] (New-York, R. et G.S. Wood, 1847) a commencé sa longue analyse {a} des Lettres de Gui Patin {b} sur ce sagace hommage :

Guy Patin may claim a foremost place in a department of literature – the difficult art of letter-writing – in which his countrymen have attained an acknowledged superiority ; and the only regret we feel at the conclusion of our perusal of the portion of this voluminous correspondence here presented to us by M. Parise, arises from the fact of its termination having been reached, and our conviction that, take what pains we may, we can only present our readers with a very inadequate idea of its interesting characteristics. Translation may be undertaken by the practised hand in the case of didactic or narrative literature with the assurance of an accurate, and even an elegant, execution ; but when vivid pictures of men and manners, dashed off in a few lines of happy but idiomatic phraseology, are attempted to be thus transferred, they are apt to lose all their original brilliancy, and even become distorted by the different refracting power of the medium of transmission. Thus it is that attempts at the adequate rendering of the various celebrated French letter-writers have always proved marked failures – washy pointless productions being substituted for the elegance and vivacity of the originals. We may, however, indicate to our readers what they will find by referring themselves to these volumes, and can assure them that the various scenes therein depicted by the ever-active writer are endowed with a life-like energy that at once transports us to the scene of action, mingles us with the throng of events, forcibly impresses the imagination, and conveys a more accurate idea of the manners of the epoch than volume upon volume of history written for the express purpose could impart.

[Guy Patin peut revendiquer une place de premier rang parmi les épistoliers – soit en l’art d’écrire des lettres – où ses compatriotes ont atteint une supériorité reconnue ; et le seul regret que nous ressentons après avoir entièrement lu la portion de cette volumineuse correspondance que nous présente ici M. Parise est d’en avoir atteint la dernière page, avec la conviction que, en dépit de tous les efforts dont nous sommes capables, nous ne pouvons présenter à nos lecteurs qu’une très maigre idée de ses intéressantes particularités. Quand un texte est didactique ou narratif, une habile plume peut entreprendre de le traduire avec l’assurance d’un résultat fidèle, et même élégant ; mais quand il s’agit d’exprimer pareillement les portraits de gens et de mœurs pris sur le vif, brossés en quelque phrases écrites dans un style heureux, mais avec des mots de son cru, le risque est de perdre tout leur brio original et même de les défigurer par le pouvoir déformant du milieu qu’ils ont traversé pour être transposés. Ainsi les tentatives de rendre correctement en anglais diverses célèbres correspondances françaises ont-elles toujours profondément échoué – d’insipides et ineptes productions s’y étant substituées à leur élégance et alacrité originelles. Nous pouvons néanmoins faire voir à nos lecteurs ce qu’ils découvriront en se plongeant eux-mêmes dans ces volumes, et les assurer que les diverses scènes dépeintes par leur tourbillonnant auteur sont imprégnées d’une pétulante énergie, elle nous transporte immédiatement sur le théâtre des événements, nous mêle au feu de l’action, force profondément l’imagination, et communique une idée plus précise des manières de l’époque que ne pourrait le faire, tome après tome, une histoire spécifiquement écrite à dessein].


  1. Volume 51, 1er avril au 30 septembre, pages 169‑182.

  2. Éditées par Joseph-Henri Reveillé-Parise (Paris, 1846, 3 volumes, v. notre Bibliographie).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Avis critiques sur les Lettres de Guy Patin : Voltaire, Sainte-Beuve, Nisard, Pic, Mondor, Jestaz, Capron, note 49.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8037&cln=49

(Consulté le 28/03/2024)

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