À Charles Spon, le 20 février 1654, note 5.
Note [5]

Royale Chimie de Crollius. {a} Traduite en français par I. Marcel de Boulène. {b}


  1. V. note [9], lettre 181, pour la Basilica chymica… d’Oswald Crollius (Francfort, 1609).

  2. Paris, Mathurin Hénault, 1633, in‑8o.

    Guy Patin abrégeait en Marcel le patronyme du traducteur, qui figure en entier dans le titre de la précédente édition (Lyon, Pierre Drobet, 1624,, in‑8o) : […] Traduite en français par I. Marcel de Boulène ; Jean Marcel de Boulenc (ou Boulène) était chirurgien à Lyon.


Ce livre est composée de trois parties :

  • Préface admonitoire (223 pages dans l’édition de 1633) ;

  • Royalle Chymie (210 pages) ;

  • Traité des Signatures, ou vraie et vive Anatomie du grand et petit monde (119 pages).

Guy Patin n’a jamais parlé des signatures car elles se rattachaient à l’astrologie et à l’alchimie, soit ce qu’il détestait le plus en médecine. Le lecteur intéressé pourra se référer au savant et distrayant article que Viret a consacré au sujet. {a} Héritées du zodiaque et des horoscopes qui fondent leurs présages sur l’empreinte que les astres ont laissée sur le corps humain à la naissance, les signatures ont été reprises par Paracelse, dans son art cabalistique (ars signata). Ce sont les forces que les puissances célestes ont imprimées sur les êtres vivants terrestres, animaux et végétaux, et qui établissent leurs pouvoirs occultes. Dans sa forme la plus simple, cette théorie, fondée sur les ressemblances, attribue des propriétés aphrodisiaques aux fleurs d’orchidées (dont le nom vient d’orkhis, testicule en grec), des vertus cérébrales aux cerneaux de noix (ce qui se passe d’explication pour quiconque en a jamais regardé un et pensé à une cervelle), des qualités magiques à la mandragore, {b} etc. Cela s’étendait à bien d’autres fantaisies, comme la couleur des plantes : les rouges étaient bonnes pour pour le sang, les jaunes pour la bile, les blanches pour la pituite, les noires pour l’atrabile.

« Tout cela, conclut Viret, peut être fort intéressant encore pour d’honnêtes gens, avec les amulettes, {c} le magnétisme animal, le mot abracadabra {d} ou les abraxas, les talismans, les phylactères, les agnus ; tout cela peut revenir de mode ; car pourquoi désespérer, comme le font certaines personnes qui se plaignent de l’incrédulité, du Siècle des lumières et de la philosophie ? N’a-t-on pas vu le Bas-Empire et ses superstitions, son ignorance, succéder aux âges les plus brillants de l’ancienne Rome ? Il y a voie à tout, et la décadence de la barbarie est à nos portes. »


  1. In Panckoucke, 1821, volume 51, pages 264 et suivantes.

  2. V. note [85], lettre latine 351.

  3. V. note [5], lettre 325, pour les remèdes préservatifs qu’on appelait amulettes.

  4. Abracadabra est l’un des plus célèbres mots du vocabulaire cabalistique, que le Dictionnaire de Trévoux a ainsi défini :

    « Terme barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture : c’est dans la 192e lettre à M. Costar, {i} qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre. […]

    Abracadabra était une inscription qui servait de caractère pour guérir plusieurs maladies et chasser les démons. L’auteur de ce caractère superstitieux vivait sous l’empereur Hadrien. {ii} Il reconnaissait pour dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendaient plusieurs autres dieux, et sept anges qui présidaient aux sept cieux. Il leur attribuait 365 vertus, autant que de jours en l’an et débitait d’autres pareilles rêveries. Saint Jérôme, dans son commentaire sur le chap. 3. du prophète Amos, écrit que le dieu Αβρακς est le même que les payens adoraient sous le nom Mitra ; et l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un lion couronné de rayons a pour inscription Μιθραc ou Μιθρας. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étaient les gnostiques, les basilidiens et les carpocratiens qui faisaient graver ces pierres, qui avaient des figures fort singulières, et qui représentaient quelquefois des Anubis, des têtes de lions, de dragons, etc. […]

    Le mot qu’on a écrit ici Abracax doit être écrit en caractères grecs, Αβραξας, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parlaient la langue grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365 si on l’écrit en latin. {iii} Cette faute, qui est dans la plupart des livres, vient de ce que la lettre grecque sigma [ς] a la figure d’un C latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en latin, il faut écrire Abrasax, et en lettres crecques courantes, ou ordinaires, αβρακαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second tome des Annales Ecclésiastiques {iv} qu’il falloit lire Αβρασαξ, & non pas Αβραξας. Car dans tous les Pères grecs qui en parlent, c’est-à-dire saint Épiphane, Théodoret, saint Jean Damascène, on lit Αβρασαξ. Il n’y a que dans les < Pères > latins qu’on trouve Abraxas, et Abraxan à l’accusatif. Il est vrai que dans saint Irénée on lit Αβραξας ; mais nous n’avons qu’en latin le chapitre où il en parle, et si Αβραξας y est écrit en grec, c’est aux copistes latins ou aux éditeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très facile qu’on ait transporté le ξ et le σ . Il paraît même, surtout par saint Jérôme, que c’est l’usage qui avait fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent Αβραξας. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avait introduit, ou une faute de graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μιθραξ au lieu de Μιθρας. » {v}

    1. V. notes [9], lettre 210, pour Vincent ii Voiture, et [5], lettre 323, pour l’abbé Pierre Costar.

    2. Au iie s., v. note [40], lettre 99.

    3. En additionnant les valeurs données aux lettres grecques dans la numérologie pythagoricienne : α (1) + β (2) + ρ (100) + α (1) + ξ (60) + α (1) + σ (200) = 365.

    4. Le cardinal Cesare Baronio, v. note [6], lettre 119.

    5. « On fait venir ce mot de l’hébreu ab, père, ruah, esprit, et dabar, parole. D’après cette étymologie, il désignerait la Trinité » (Littré DLF).

      Sans s’embarrasser de tous ces beaux arguments philologiques, Alexandrian dit : « On a pris pour une absurdité ne voulant rien dire, le mot abracadabra inscrit sur tant de talismans du Moyen Âge : c’était simplement une contraction d’Abrecq ad hâbrâ (“ Envoie ta foudre jusqu’à la mort ”), formule sacrée d’éviction des ennemis. »


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 février 1654, note 5.

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(Consulté le 26/04/2024)

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