À Charles Spon, le 24 mai 1658, note 5.
Note [5]

« la Main tendue du Christ, {a} et l’Onguent des apôtres, {b} l’Athanasie, {c} et autres annonces de merveilleux bonheur pour lesquelles on manquerait à une assignation ». {d}


  1. Perlata, perlée, signifie tendue en latin macaronique (v. note [19], lettre 488) ; la main tendue du Christ était l’autre nom (miraculeux et charlatanesque) du sucre de perle, ou sucre rosat perlé ou diamargaritum (v. note [32], lettre 203) ; ce remède était recommandé pour fortifier l’estomac, adoucir les acides, guérir le crachement de sang, arrêter les cours de ventre, etc.

  2. L’onguent des apôtres est un topique détergent inventé par Avicenne et ainsi nommé parce qu’il était composé de douze ingrédients, choisis parmi plus de quatorze : cire, térébenthine, résine, gomme ammoniaque, liban, bdellium, myrrhe, galbanum, opoponax, racines d’aristoloche, vert-de-gris, litharge, huile d’olive, etc. (Encyclopédie).

  3. L’athanasie (mot dont le sens premier est « immortalité ») est un médicament végétal composé (sans opium) : « antidote que Galien décrit dans le huitième livre de ses Topiques, comme un remède propre pour les maladies du foie, la gravelle et la jaunisse » (Trévoux). Un de ses ingrédients était la tanaisie, plante réputée remarquablement vivace, « chaude, dessicative, incisive, vulnéraire, hystérique [contre les saignements utérins] et vermifuge » (Académie).

  4. Auxquelles il est impossible de résister (dans l’idiome cicéronien).

Le passage où Pline brocarde l’abus des titres risibles (Histoire naturelle, livre i ou préface, § 18‑19 ; Littré Pli, volume 1, page 4) développe la pensée de Guy Patin :

Inscriptionis apud Græcos mira felicitas : κηριον inscripsere, quod volebant intellegi favum ; alii κερας Άμαλθειας, quod Copiæ cornu ; ut vel lactis gallinacei sperare possis in volumine haustum, Ίωνια, Μουσαι, πανδεκται, εγχειριδιον, λειμων, πινκιδον, inscriptiones, propter quas vadimonium deseri possit. At quum intraveris, dii deæque ! quam nihil in medio invenies ! Nostri crassiores, Antiquitatum, Exemplorum, Artiumque ; facetissimi Lucubrationum puto, quia Bibaculus erat et vocabatur. Paulo nimis asserit Varro in satiris suis Sesculixem et Flexibula.

« Les Grecs ont un merveilleux bonheur dans le choix de leurs titres. Les uns ont intitulé leurs livres κηριον, pour dire que c’était un rayon de miel ; les autres, κερας ′Αμαλθειας, corne d’abondance, où vous croiriez pouvoir trouver un merle blanc ; et tant d’autres titres, Champs de violettes, Muses, Pandectes, Manuels, Prairies, Tablettes, pour lesquels on manquerait à une assignation. Mais quand vous y êtes une fois entrés, bons dieux ! quel vide ! Nos Romains plus grossiers intitulaient les leurs, les Antiquités, les Exemples, les Arts ; le plus plaisant, je pense, est celui qui, s’appelant Bibaculus et aimant en effet à boire, a choisi Élucubration. {a} Varron a mis un peu d’affectation dans le titre de deux de ses satires, Sesculixes et Flexibula. » {b}


  1. Fruit des veilles studieuses (v. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639) ; en note 9, Littré a ajouté un commentaire sur ce passage :

    « Ce texte est très altéré dans les manuscrits. J’ai combiné différentes variantes pour en tirer la phrase telle que je l’ai imprimée. Furius Bibaculus est un grammairien que Quintilien, xi, i, met entre l’époque de Catulle et celle d’Horace. »

    Littré jugeait inutile de préciser que bibaculus signifie « buveur déterminé » (Gaffiot).

  2. Sesculixes, « Ulysse et demi » (un fourbe et demi) est le titre d’une satire de Varron (v. note [1], lettre 14). Flexibula, comme en convient Littré est une référence incertaine (note 10) :

    « Quant à flexibula, c’est un mot douteux sur lequel les manuscrits varient beaucoup. M. Sillig a mis flextabula. Je crois que la vraie leçon est flexibula. Les satires de Varron avaient généralement deux titres, l’un latin et l’autre grec. Le titre grec de cette satire est περι επαρχιων, sur les magistratures. Le titre latin doit contenir quelque chose qui s’y rapporte, par exemple βουλη, dans le sens de sénat, assemblée gouvernante ; et flexibula pourra être, comme sesculixes, un mot hybride, signifiant les moyens par lesquels on réussit auprès du sénat. »


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 mai 1658, note 5.

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(Consulté le 19/04/2024)

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