À André Falconet, le 24 février 1662, note 5.
Note [5]

Carrousel : « fête magnifique que font des princes ou seigneurs pour quelque réjouissance publique, comme aux mariages, aux entrées des rois, etc. Elle consiste en une cavalcade de plusieurs seigneurs superbement vêtus et équipés à la manière des anciens chevaliers, qui sont divisés en quadrilles. Ils se rendent à quelque place publique où ils font des courses de bague, des joutes, tournois et autres exercices de noblesse. On y ajoute quelquefois des chariots de triomphe, des machines, des danses de chevaux, etc. » (Furetière). Ce mot est d’origine italienne : « garosello est un diminutif de garoso, querelleur, de gara, querelle ; de sorte que garosello paraît signifier proprement tumulte » (Littré DLF).

Mme de Motteville (Mémoires, page 526) :

« Les préparatifs du carrousel, {a} dont il {b} voulut régaler les deux reines, à l’exemple de celui qui s’était fait au mariage du feu roi, {c} occupèrent les princes et les seigneurs qui furent nommés pour en être. La reine mère, qui n’avait point vu celui qui avait été fait pour elle, nous en faisait de belles descriptions sur ce qu’elle en avait ouï dire aux vieux courtisans. Je n’en vis point qui me pussent dire si celui-là, qui se fit à la place Royale, {d} était plus beau que celui-ci, qui se fit à la place des Tuileries. Il était composé de cinq quadrilles qui représentaient cinq nations : la romaine, la persane, la turque, l’indienne et l’américaine. Le roi était le chef de la première ; Monsieur, de la deuxième ; M. le Prince, de la troisième ; M. le duc d’Enghien, de la quatrième, et M. le duc de Guise, de la cinquième. Je ne m’arrêterai point à décrire l’ordre de leur marche, la richesse de leurs habits, la grandeur de leur suite, la galanterie de leurs devises et la différence de leurs couleurs. Je n’en dirai rien de meilleur pour en marquer la beauté, sinon que je ne m’y ennuyai point et que le comte de Sault, fils du duc de Lesdiguières, eut l’honneur d’emporter le prix de la course de bague, qui fut suivi de l’applaudissement des spectateurs, et du plaisir qu’il eut de recevoir un diamant d’un prix considérable de la main de la reine mère, qui était sur un échafaud qui avait été élevé près de ce palais.

Après ce spectacle, qui avait quelque chose des tournois, autrefois si fréquents en France, en Angleterre et en Allemagne, et qui était si convenable à la florissante jeunesse d’un prince qui venait de donner la paix à l’Europe et mettre fin à une guerre qui lui avait été si glorieuse, les divertissements particuliers recommencèrent à la cour. »


  1. Des 5 et 6 juin 1662.

  2. Louis xiv.

  3. Plus exactement, pour célébrer les fiançailles de Louis xiii et d’Anne d’Autriche, infante d’Espagne, en avril 1612.

  4. Actuelle place des Vosges.

Mémoires de Louis xiv (tome 2, appendice ii, pages 570‑570, année 1662) :

« Le carrousel […] n’avait été projeté d’abord que comme un léger amusement ; {a} mais on s’échauffa peu à peu, et il devint un spectacle assez grand et assez magnifique, soit par le nombre des exercices, soit par la nouveauté des habits ou par la variété des devises. {b}

Ce fut là que je commençai à prendre celle que j’ai toujours gardée depuis, et que vous voyez en tant de lieus. […] Ceux qui me voyaient gouverner avec assez de facilité et sans être embarrassé de rien, dans ce nombre de soins que la royauté exige, me persuadèrent d’y ajouter le globe de la Terre et, pour âme, {c} nec pluribus impar : {d} par où ils entendaient ce qui flattait agréablement l’ambition d’un jeune roi, que, suffisant seul à tant de choses, je suffirais sans doute encore à gouverner d’autres empires, comme le Soleil à éclairer d’autres mondes, s’ils étaient également exposés à ses rayons. Je sais qu’on a trouvé quelque obscurité dans ces paroles, et je ne doute pas que ce même corps n’en pût fournir de plus heureuses. Il y en a même qui m’ont été présentées depuis ; mais celle-là étant déjà employée dans mes bâtiments et en une infinité d’autres choses, je n’ai pas jugé à propos d’en changer. »


  1. Pour célébrer la naissance du dauphin.

  2. Le spectacle fut si éblouissant que le lieu où il se produisit conserva le nom de Place du Carrousel.

  3. Explication (légende) d’une devise (blason ou emblème).

  4. Mot à mot : « Je ne suis pas inférieur à la plupart des hommes », pour dire moins modestement « Je suis supérieur à tous ».

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 24 février 1662, note 5.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0727&cln=5

(Consulté le 16/04/2024)

Licence Creative Commons