À André Falconet, le 23 janvier 1665, note 5.
Note [5]

William Butler (comté de Clare, Irlande 1534-1618), poussé par l’amour des voyages, s’embarqua jeune encore et fut pris dans ses pérégrinations par des corsaires qui le conduisirent en Afrique et le vendirent comme esclave. Son maître, qui se livrait aux recherches de l’alchimie, l’employa aux préparations du laboratoire. Butler parvint à lui dérober le prétendu secret d’un spécifique qui guérissait tous les maux et fut ensuite assez heureux pour s’échapper. Parvenu en Angleterre, il chercha à tirer parti de la fameuse découverte que les charlatans ont exploitée depuis sous le nom de pierre de Butler ; mais un larron trouve toujours un autre larron disposé à le dépouiller : c’est ainsi qu’un médecin anglais s’introduisit chez l’heureux possesseur du spécifique unique, dans le dessein de se l’approprier ; déçu dans sa tentative, il dénonça Butler comme faux monnayeur. Pour se soustraire aux dangers qui le menaçaient, il s’embarqua pour l’Espagne et mourut pendant la traversée (G.D.U. xixe s.).

Le Dictionnaire universel de médecine… de Robert James (1746, traduit de l’anglais par Diderot, Eidous et Toussaint, colonnes 1211‑1214) consacre un long article à Butler, avec copieuse citation de tout le bien qu’en a écrit Jan Baptist Van Helmont dans son Ortus medicinæ [Naissance de la médecine]. {a} On y apprend que l’aventureux Irlandais transformait une huile quelconque en panacée quand il y trempait sa pierre :

« Je vins le lendemain, dit Van Helmont, au château de Vilvorden {b} à la prière de plusieurs personnes de distinction, pour m’assurer moi-même de la vérité des faits qu’on attribuait à ce personnage, et c’est là que j’ai lié amitié avec Butler. Je fus témoin, pendant le peu de temps que je demeurai avec lui, d’une cure extraordinaire qu’il opéra sur une blanchisseuse qui était affligée depuis quinze ans d’une migraine insupportable et qu’il guérit dans un instant. Il trempa de nouveau sa pierre dans une cuillerée d’huile d’olive, il la retira un moment après ; et après l’avoir léchée pour en détacher l’huile, il la remit dans son gousset. Il versa cette huile dans un petit flacon de la même liqueur et ordonna qu’on en mît une goutte sur la tête de cette bonne femme, qui se trouva guérie dans un moment sans avoir jamais été malade depuis. Comme je parus étonné de cette cure, il me dit en riant : “ Mon cher ami, vous ne serez jamais qu’un novice dans votre art, quelque temps que vous viviez, tant que vous ne viendrez point à bout de guérir toutes les maladies par un seul remède. ” […] Ceux qui avaient été témoins de ces cures extraordinaires ne doutèrent plus qu’elles ne fussent l’effet de quelque sortilège ou d’un pacte que Butler avait fait avec le démon ; car c’est la coutume de la populace ignorante de rapporter les événements qui surpassent son intelligence au démon, plutôt que de convenir de son ignorance. Je suis d’autant plus éloigné de cette opinion que les remèdes que Butler employait n’avaient rien que de naturel et de fort ordinaire, si l’on en excepte la dose, et qu’il ne se servait d’aucune parole ni d’aucune cérémonie qui pût rendre sa conduite suspecte. Je crois qu’il n’est jamais permis d’attribuer à l’esprit malin les effets que Dieu opère dans la nature pour manifester sa puissance. Aucune des femmes que Butler a guéries ne l’a jamais consulté comme un magicien. »


  1. Amsterdam, 1648, v. note [11], lettre 121, chapitre intitulé Butler, pages 584‑596.

  2. Dans le Brabant.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 23 janvier 1665, note 5.

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(Consulté le 28/03/2024)

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