À Charles Spon, le 21 septembre 1666, note 5.
Note [5]

Guy Patin s’escrimait à nouveau contre les charlatans prescripteurs d’antimoine et autres méchantes drogues ; mais cette fois-ci, ses imprécations étaient bien au-dessous de la réalité.

Simon Dreux d’Aubray (v. note [8], lettre 180) était le père de Marie-Marguerite (1630-1676), devenue par son mariage en 1651 marquise de Brinvilliers. Le couple avait sombré dans une vie dispendieuse et dissolue. Lassée des frasques de son mari, la marquise avait pris en 1659 pour amant affiché Gaudin de Sainte-Croix.

En 1665, pour mettre fin au scandale qui souillait son nom, Dreux d’Aubray, lieutenant civil au Châtelet, avait fait enfermer Sainte-Croix à la Bastille où il fit connaissance d’un certain Italien, nommé Exili, qui l’initia à l’art des poisons. Sorti de prison au bout d’un an avec son compagnon, qu’il garda à son service, Sainte-Croix avait repris discrètement ses relations avec sa maîtresse en la dotant d’une puissante arme criminelle dont elle apprit vite à se servir sans retenue.

Son propre père fut sa première victime : pendant l’automne 1666, le lieutenant civil se trouvait dans sa terre d’Offemont, près d’Attigny ; il y avait emmené sa fille qu’il croyait guérie de son indigne passion et à qui il avait rendu toute son affection ; là, le vieillard, miné depuis plusieurs mois par un mal inconnu, fut pris tout à coup de douleurs atroces accompagnées de vomissements ; on le ramena mourant à Paris où il ne tarda pas à expirer. Le médecin qui le soigna attribua une mort si prompte à la goutte remontée. Quant à la marquise, elle prodigua à son père les soins les plus touchants et donna des marques de la douleur la plus vive. Mme de Brinvilliers et son amant étaient délivrés d’un censeur incommode… (G.D.U. xixe s.).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, page 472) n’avait pas mieux deviné que Patin la clef de cette sombre histoire :

« Le samedi 12 septembre, je fus avec mon fils et M. Le Roy donner de l’eau bénite à M. le lieutenant civil, mort du jour précédent après une maladie de sept jours. L’on attribuait la cause de sa mort à la douleur que lui causait une de ses filles, dévote qui lui demandait partage et lui avait fait donner un exploit ; {a} mais c’était surtout la douleur de ne pouvoir, depuis longtemps, obtenir la permission de résigner sa charge à son fils ni en retirer récompense, ses affaires domestiques étant en mauvais état. M. Dreux d’Aubray avait été maître des requêtes et lieutenant civil en 1643, le roi lui ayant vendu cette charge, que M. de Laffemas {b} exerçait par commission, cinq cent cinquante mille livres d’argent et vingt mille écus pour un prêt. Chacun raisonne sur la disposition de cette charge ; les uns la donnent au frère de M. Colbert, d’autres à M. Pussort, d’autres à M. le président Le Pelletier, {c} et tous la souhaitent au fils. »


  1. Qui lui réclamait sa part d’héritage par assignation en justice.

  2. Isaac de Laffemas, v. note [12], lettre 447.

  3. V. note [6], lettre 989.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 21 septembre 1666, note 5.

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(Consulté le 28/03/2024)

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